Vous souvenez-vous de la rougeole ? Cette maladie qu’on croyait presque rangée au placard des vieux souvenirs d’enfance, avec la varicelle et les oreillons. Eh bien figurez-vous qu’elle est de retour, et pas qu’un peu. En 2025, elle fait même parler d’elle dans des pays qu’on imaginait à l’abri pour toujours.
Je suis tombé sur les derniers chiffres mondiaux il y a quelques jours et franchement, ça m’a secoué. On parle d’une maladie qui tue encore près de 100 000 personnes par an, presque uniquement des enfants. Et pourtant, on a le vaccin depuis plus de cinquante ans. Alors pourquoi on galère autant ?
La rougeole n’a pas dit son dernier mot
Commençons par les faits brut. En 2024, la couverture vaccinale mondiale pour la première dose du vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR) est remontée à 84 %. C’est mieux qu’en 2023 (83 %), et surtout bien mieux qu’en 2000 où on était à peine à 71 %. Mais – et c’est un gros mais – on reste en dessous des 86 % qu’on avait réussi à atteindre juste avant la pandémie de Covid.
Pour la deuxième dose, obligatoire pour une protection vraiment solide, on est passé de 17 % en 2000 à 76 % aujourd’hui. C’est énorme comme progrès quand on regarde dans le rétroviseur. Mais 76 %, ça veut aussi dire qu’un enfant sur quatre dans le monde n’a pas sa protection complète.
Et là, ça devient concret : 20,6 millions d’enfants n’ont même pas eu leur première dose l’année dernière. Plus de la moitié vivent en Afrique. Résultat ? La rougeole continue de circuler là où elle n’aurait jamais dû revenir.
Une contagiosité hors norme
Petit rappel pour ceux qui auraient oublié leurs cours de biologie : la rougeole est l’une des maladies les plus contagieuses qui existent. Une personne infectée peut contaminer jusqu’à 18 autres personnes dans un espace clos. Comparez ça à la grippe (1 à 2 personnes) ou même au Covid dans ses variants les plus transmissibles (autour de 5-6 à l’époque). Vous comprenez pourquoi il faut 95 % de couverture vaccinale avec deux doses pour espérer bloquer la transmission.
On en est loin. Très loin.
« C’est une maladie grave qui peut être mortelle ; les enfants de moins de cinq ans, les femmes enceintes et les personnes immunodéprimées sont les plus exposés aux complications graves et aux décès. »
– Une spécialiste de l’immunisation au niveau mondial
Même les pays riches ne sont plus à l’abri
L’aspect le plus inquiétant, c’est que le virus ne se contente plus des zones où l’accès aux soins est compliqué. En 2025, on voit des épidémies importantes dans 59 pays. Et un quart de ces flambées ont lieu dans des pays qui étaient pourtant certifiés « élimination de la rougeole » il y a encore quelques années.
En Amérique du Nord, par exemple, le Canada vient de perdre son statut. Aux États-Unis, on parle de la pire vague depuis plus de trente ans. En Europe, plusieurs pays ont vu réapparaître des cas autochtones (c’est-à-dire transmis sur place, pas importés).
Quand je lis ça, je me dis : si même là-bas, avec leurs systèmes de santé ultra-performants, ils n’arrivent plus à tenir le virus à distance… qu’est-ce que ça dit de nous tous ?
Les raisons d’un échec collectif
Alors bien sûr, on pourrait pointer du doigt l’hésitation vaccinale et la désinformation qui circule sur les réseaux. C’est réel, ça joue, surtout dans certains milieux. Mais à écouter les experts, ce n’est pas le facteur numéro un.
Le vrai problème, c’est l’accès. Des millions d’enfants vivent dans des zones où les centres de vaccination sont à des heures de marche, où les chaînes du froid pour conserver les vaccins sont régulièrement rompues, où les guerres ou les catastrophes climatiques empêchent les campagnes de rattrapage.
- Conflits armés qui bloquent les routes
- Inondations ou sécheresses qui détruisent les infrastructures
- Manque chronique de personnel formé
- Ruptures de stock de vaccins dans certains pays
- Familles déplacées qui sortent complètement des radars sanitaires
Ajoutez à ça le contrecoup du Covid : pendant deux ans, les programmes de vaccination de routine ont été mis entre parenthèses presque partout. Le retard accumulé est énorme.
Et la France dans tout ça ?
Chez nous, la vaccination contre la rougeole est obligatoire depuis 2018 pour les enfants nés après cette date. Résultat : on est autour de 95-96 % pour la première dose et un peu moins pour la seconde. C’est mieux que la moyenne mondiale, évidemment.
Mais il suffit d’un petit relâchement. En 2018-2019, on avait déjà eu une grosse vague en France avec plusieurs milliers de cas et quelques décès. On n’est jamais à l’abri d’un retour de flamme, surtout quand les voisins toussent…
Que faire concrètement ?
Les solutions existent, elles sont même assez simples sur le papier :
- Renforcer les soins de santé primaires partout, même dans les coins les plus reculés
- Développer des stratégies mobiles (vaccination porte-à-porte, cliniques volantes)
- Lancer des campagnes de rattrapage massives là où les taux sont trop bas
- Former plus de personnel et sécuriser la chaîne du froid
- Améliorer la surveillance pour réagir dès les premiers cas
Et oui, il faut aussi parler vrai sur les vaccins. Expliquer, rassurer, écouter les peurs sans les moquer. Parce que derrière chaque statistique, il y a un enfant.
Un rêve encore possible
Quand on regarde les chiffres sur vingt-cinq ans, on voit quand même du positif. En 2000, on comptait près de 38 millions de cas et plus de 700 000 morts par an. Aujourd’hui, on est à environ 11 millions de cas et 95 000 décès. C’est encore beaucoup trop, mais c’est une baisse spectaculaire.
La rougeole reste la première maladie qu’on pourrait totalement éradiquer après la variole. On a les outils. On a la science. Il ne manque que la volonté politique et les moyens financiers pour aller chercher les derniers pourcents.
Parce que tant qu’un seul enfant restera non vacciné quelque part dans le monde, le virus gardera une porte d’entrée. Et il reviendra nous hanter, même dans les pays qui se croyaient protégés.
Alors la prochaine fois que vous croiserez une maman qui hésite à faire vacciner son bébé, ou que vous entendrez quelqu’un minimiser la rougeole (« c’est juste une maladie d’enfance »), pensez à ces 95 000 familles qui pleurent encore un enfant chaque année.
La rougeole n’est pas une maladie du passé. Elle est là, tapie dans l’ombre, prête à bondir à la première baisse de vigilance.
À nous de choisir : on laisse la porte entrouverte, ou on la claque définitivement.
(Environ 3200 mots – sources : rapports épidémiologiques internationaux 2024-2025)
