Imaginez un instant : un homme de 80 ans, écrivain, enfermé dans une cellule loin de ses livres, de sa famille, de sa liberté. Boualem Sansal, cet homme, est bien plus qu’un nom dans les journaux. Il est une voix, un symbole, un combattant des mots. Sa fille, Sabeha, a décidé de briser le silence pour que son père ne sombre pas dans l’oubli. À Autun, lors d’un événement poignant, elle a pris la parole, un cri du cœur qui résonne bien au-delà des murs de la petite ville de Saône-et-Loire. Pourquoi cet homme est-il emprisonné ? Et pourquoi ce combat semble-t-il si difficile à mener ?
Un Écrivain dans l’Ombre des Barreaux
L’histoire de Boualem Sansal est celle d’un homme qui n’a jamais eu peur de dire ce qu’il pense. À 80 ans, cet écrivain franco-algérien est connu pour ses romans et essais percutants, dénonçant les dérives autoritaires et les injustices. Mais en novembre 2024, tout bascule. À l’aéroport d’Alger, il est arrêté. Son crime ? Avoir osé remettre en question, dans une interview, l’appartenance du Sahara occidental à l’Algérie, un sujet explosif dans un contexte de tensions diplomatiques avec le Maroc. Depuis, il croupit dans une prison, condamné à cinq ans ferme pour atteinte à l’unité nationale.
Mon père n’a jamais manié d’autre arme que les mots, et ses mots sont protégés.
– Une voix proche de la famille
Ce verdict, confirmé en appel en juillet 2025, a choqué bien au-delà des frontières algériennes. Mais ce qui frappe encore plus, c’est le silence. Le silence des autorités, le silence des diplomates, et parfois même le silence de ceux qui devraient crier haut et fort pour défendre la liberté d’expression.
Sabeha Sansal : Une Fille en Première Ligne
À Autun, lors d’une soirée organisée par un ancien ministre français, Sabeha Sansal, 51 ans, a fait une apparition remarquée. Vêtue sobrement, elle portait sur ses épaules le poids d’une lutte qui dépasse sa seule famille. Installée à Prague, loin de l’Algérie où son père est retenu, elle a décidé de parler, de crier, d’alerter. « Sans cette mobilisation, mon père serait complètement oublié », a-t-elle confié, la voix teintée d’une fatigue mêlée de détermination. Elle n’est pas seule : un comité de soutien, composé d’intellectuels, d’anciens diplomates et de politiques, s’est formé pour faire entendre sa cause.
Ce qui rend son combat si poignant, c’est son humanité. Sabeha ne parle pas seulement comme la fille d’un écrivain célèbre, mais comme une femme inquiète pour un père âgé, malade, et isolé. Atteint d’un cancer de la prostate, Boualem Sansal est dans un état de santé préoccupant, sans accès régulier aux soins nécessaires. Pourtant, les appels à une grâce présidentielle, lancés par sa famille et ses soutiens, restent sans réponse.
Une Crise Diplomatique aux Racines Profondes
L’affaire Boualem Sansal n’est pas qu’une question de liberté individuelle. Elle s’inscrit dans un contexte de crise diplomatique entre la France et l’Algérie, deux nations aux relations historiquement complexes. Depuis l’été 2024, les tensions se sont exacerbées, notamment à cause de la reconnaissance par la France d’un plan d’autonomie pour le Sahara occidental sous souveraineté marocaine. Ce geste a été perçu comme une provocation par Alger, qui soutient le mouvement indépendantiste du Front Polisario. L’arrestation de Sansal semble être, pour beaucoup, une réponse stratégique du régime algérien, une manière de montrer sa fermeté face à Paris.
Mais au-delà de la géopolitique, il y a un homme. Un homme qui, selon ses proches, n’a jamais cherché à provoquer pour le plaisir, mais à ouvrir le débat. Ses propos, tenus dans un média français controversé, ont été jugés comme une trahison par les autorités algériennes. Pourtant, n’est-ce pas le rôle d’un écrivain de poser des questions, même celles qui dérangent ?
- Contexte : Une interview controversée sur les frontières algéro-marocaines.
- Conséquences : Arrestation immédiate et condamnation à cinq ans de prison.
- Enjeu : Un symbole de la lutte pour la liberté d’expression.
Le Silence Assourdissant des Autorités
Ce qui révolte Sabeha et ses soutiens, c’est l’inaction. En avril 2025, elle et sa sœur Nawal ont adressé une lettre ouverte au président français, espérant une intervention. Pas de réponse. Ni de l’Élysée, ni du ministère des Affaires étrangères. « J’attendais beaucoup plus », a lâché Sabeha, avec une pointe d’amertume, lors de son passage à Autun. Ce silence, perçu comme une forme d’indifférence, contraste avec la mobilisation citoyenne qui grandit.
La liberté d’expression est fondamentale. Si on cède là-dessus, on cède sur tout.
– Un ancien ministre français
Pourtant, la France n’est pas restée totalement immobile. En août 2025, le président français a appelé à une action « plus ferme » face à l’Algérie. Mais les mots, aussi forts soient-ils, n’ont pas encore conduit à une libération. Les expulsions mutuelles de diplomates entre Paris et Alger n’ont fait qu’envenimer la situation, transformant Sansal en une sorte d’otage d’un bras de fer géopolitique.
Une Mobilisation qui Prend de l’Ampleur
Face à ce mur de silence, les soutiens de Boualem Sansal refusent de baisser les bras. À Autun, l’émotion était palpable. Le public, debout, a applaudi Sabeha, comme pour lui dire : « Vous n’êtes pas seule. » Des intellectuels, des écrivains, des politiques se mobilisent. En France, des lectures publiques de ses œuvres ont lieu, des résolutions sont votées au Parlement européen, et des villes françaises organisent des événements pour honorer cet homme qui incarne la résistance par les mots.
À l’international, la cause de Sansal commence à résonner. Des organisations comme Amnesty International ou le PEN Club ont condamné son arrestation, qualifiée d’arbitraire. Mais cette mobilisation, aussi forte soit-elle, suffira-t-elle ? Le temps presse. Chaque jour passé en prison fragilise un peu plus la santé de cet homme de 80 ans.
| Événement | Impact | Lieu |
| Arrestation de Sansal | Crise diplomatique aggravée | Alger, novembre 2024 |
| Lettre ouverte des filles | Appel à l’action ignoré | France, avril 2025 |
| Soirée de soutien | Mobilisation citoyenne | Autun, août 2025 |
Pourquoi Cette Affaire Nous Concerne Tous
Si l’histoire de Boualem Sansal touche autant, c’est parce qu’elle dépasse le cadre d’un simple fait divers. Elle pose une question essentielle : que vaut la liberté d’expression dans un monde où les mots peuvent coûter la prison ? En tant que journaliste, je ne peux m’empêcher de penser à ces écrivains, ces penseurs, qui, partout dans le monde, risquent leur vie pour dire ce qu’ils croient juste. Sansal n’est pas seulement un homme enfermé ; il est un miroir de nos propres combats pour la vérité.
Et puis, il y a cette dimension humaine. Sabeha, en prenant la parole, ne demande pas seulement justice. Elle demande qu’on se souvienne de son père, qu’on lise ses livres, qu’on entende sa voix. Car, comme elle le dit si bien, sans cette mobilisation, il risque de devenir un oublié, une ombre dans une cellule.
Que Peut Faire la France ?
La France, patrie des droits humains, a un rôle à jouer. Mais quel levier peut-elle actionner ? La diplomatie, bien sûr, mais celle-ci semble enlisée. Les sanctions économiques ou les pressions internationales sont des options, mais elles risquent d’aggraver les tensions. Certains proposent une mobilisation culturelle : faire de Sansal un symbole, organiser des lectures, des débats, pour que son nom reste vivant.
Personnellement, je crois qu’il faut un mélange des deux : une diplomatie ferme, mais aussi une mobilisation populaire. Car si les gouvernements peuvent négocier, ce sont les citoyens qui donnent du poids à une cause. Et si la France veut vraiment défendre ses valeurs, elle ne peut pas se permettre d’ignorer un homme qui incarne l’esprit de la liberté.
Un Symbole de Résistance
Boualem Sansal n’est pas juste un écrivain. Il est un symbole. Ses romans, comme Le Village de l’Allemand ou 2084, parlent de liberté, de résistance, de lutte contre l’oppression. En le réduisant au silence, le régime algérien cherche à étouffer une voix qui dérange. Mais grâce à Sabeha, grâce à tous ceux qui se battent, cette voix continue de résonner.
À Autun, Sabeha Sansal a rappelé une vérité simple : un homme n’est pas qu’un prisonnier, c’est une histoire, une idée, un combat. Et ce combat, c’est aussi le nôtre. Alors, que faisons-nous ? Continuons-nous à lire, à écrire, à parler ? Ou laissons-nous les murs des prisons avoir le dernier mot ?
La littérature est une arme. Elle ne tue pas, mais elle réveille.
– Un écrivain engagé
En attendant, Sabeha continue son combat. Elle ne voit pas encore la lumière au bout du tunnel, mais elle refuse de baisser les bras. Et nous, lecteurs, citoyens, que pouvons-nous faire ? Peut-être commencer par lire Boualem Sansal. Car tant qu’on lit ses mots, il reste libre.
