Vous vous souvenez de cette campagne présidentielle de 2012 ? Les meetings gigantesques, les foules en liesse, les slogans qui claquaient… Et puis, quelques années plus tard, la douche froide. Des factures qui ne collaient pas, des millions d’euros qui s’étaient évaporés dans la nature. L’affaire Bygmalion, c’est un peu le caillou dans la chaussure de la droite française depuis plus de dix ans. Et ce mercredi 26 novembre 2025, la plus haute juridiction française vient de refermer le dossier d’un coup de marteau définitif.
Franchement, quand on suit la politique depuis un moment, on se dit parfois que certains feuilletons judiciaires durent plus longtemps que les séries Netflix. Mais là, on touche au bout.
Une condamnation qui devient irrévocable
La Cour de cassation a examiné le pourvoi de l’ancien président de l’État ce matin-là. Et contrairement à ce que beaucoup espéraient dans son camp – moi le premier, je dois l’avouer, parce qu’on aime bien les rebondissements –, elle a validé la décision de la cour d’appel. Game over.
Concrètement, cela signifie que Nicolas Sarkozy est désormais condamné définitivement à un an de prison dont six mois ferme pour financement illégal de sa campagne de 2012. La partie ferme pourra être aménagée – bracelet électronique ou semi-liberté –, mais le principe reste le même : une peine de prison inscrite au casier judiciaire d’un ancien président de la République.
C’est la deuxième fois que ça arrive, après l’affaire des écoutes où il a déjà porté le bracelet quelques mois cette année. On commence à prendre l’habitude, et pourtant ça reste complètement dingue à écrire.
Retour sur le système de double facturation
Pour ceux qui auraient zappé les épisodes précédents (il y en a eu tellement), rappelons les faits. Pendant la campagne de 2012, l’équipe de Nicolas Sarkozy organise des meetings à l’américaine : énormes, spectaculaires, coûteux. Très coûteux même. Tellement coûteux que le plafond légal de 22,5 millions d’euros est explosé dès le milieu de la campagne.
Problème : impossible de déclarer autant de dépenses sans se faire disqualifier. Solution trouvée par certains cadres du parti et de l’agence de communication Bygmalion : un système de fausses factures. Les meetings sont facturés à l’UMP (devenue Les Républicains) sous forme de prétendues « conventions » fictives. Résultat ? Près de 20 millions d’euros détournés pour masquer le dépassement.
- Dépenses réelles de campagne : environ 43 millions d’euros
- Plafond autorisé : 22,5 millions
- Montant masqué via fausses factures : près de 20 millions
- Nombre de meetings concernés : une quarantaine
Ce qui est intéressant – et ce qui a sauvé Nicolas Sarkozy pendant longtemps –, c’est qu’il n’était pas poursuivi pour avoir organisé le système de fausses factures. Non. Il était poursuivi pour en avoir bénéficié en tant que candidat, en ayant continué à demander toujours plus de meetings alors qu’il savait (ou aurait dû savoir) que les comptes étaient dans le rouge.
La défense de Sarkozy : « Je n’étais au courant de rien »
« Je n’ai jamais demandé un meeting de plus que ce qui était prévu. Je n’ai jamais validé une dépense. »
– Nicolas Sarkozy, lors de son procès en appel
C’était la ligne de défense constante : l’ancien président n’était pas dans les détails comptables, il faisait campagne, point. Ses proches géraient. Et quand les alertes sont arrivées (il y en a eu plusieurs, y compris écrites), il assure ne pas les avoir lues ou comprises.
Les juges n’ont pas cru à cette version. Pour eux, un candidat à la présidentielle, surtout un ancien président sortant, ne peut pas ignorer que sa campagne coûte deux fois plus que prévu. Surtout quand les meetings se multiplient de façon aussi frénétique dans les dernières semaines.
Et puis il y a cette phrase, restée célèbre, prononcée par Jérôme Lavrilleux (ancien directeur adjoint de la campagne) en larmes sur BFMTV en 2014 : « Oui, il y a eu des fausses factures, oui il y a eu un dérapage des dépenses de campagne. » Ce moment-là a tout fait basculer.
Un calendrier judiciaire complètement dingue
Ce qui rend cette affaire Bygmalion encore plus folle, c’est son calendrier. Elle arrive au milieu d’un tourbillon judiciaire absolument inédit pour un ancien chef de l’État.
Petit récapitulatif pour ceux qui auraient perdu le fil :
- Mars 2021 : condamné en première instance dans l’affaire des écoutes → 3 ans dont 1 ferme
- Février 2024 : condamné en appel dans Bygmalion → 1 an dont 6 mois ferme
- Décembre 2024 : condamnation définitive dans les écoutes → porte le bracelet quelques mois
- Février 2025 : condamné en première instance dans l’affaire libyenne → 5 ans ferme avec mandat de dépôt
- Novembre 2025 : condamnation définitive dans Bygmalion
On parle là de trois affaires différentes, trois condamnations à de la prison ferme, dont deux définitives. C’est du jamais-vu sous la Ve République.
Et le plus incroyable ? L’affaire libyenne, la plus lourde (financement de la campagne de 2007 par Kadhafi), n’est même pas encore définitive puisqu’il a fait appel. Un nouveau procès aura lieu dans les mois qui viennent.
Et maintenant, il va vraiment aller en prison ?
C’est LA question que tout le monde se pose. Pour Bygmalion, la réponse est : probablement pas immédiatement, non.
La cour d’appel avait déjà prévu un aménagement de peine (bracelet électronique ou semi-liberté). Comme la condamnation devient définitive, cet aménagement reste valable. Nicolas Sarkozy a déjà porté le bracelet en début d’année, il connaît la musique.
Mais il y a l’affaire libyenne qui complique tout. Avec le mandat de dépôt immédiat prononcé en première instance, il risque d’être incarcéré très rapidement – dès que le parquet national financier aura fixé les modalités.
Ses avocats pourront demander une mise en liberté le temps de l’appel, mais vu la gravité des faits reprochés (association de malfaiteurs), rien n’est moins sûr.
« Un ancien président de la République en prison, ce serait une première historique. »
Historique, le mot est faible. Même Jacques Chirac, condamné dans l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris, avait bénéficié d’une dispense de peine pour raisons de santé.
Ce que ça dit de la justice et de la politique française
Personnellement, ce qui me frappe le plus dans cette affaire, c’est le contraste. D’un côté, une justice qui fait son travail, lentement mais sûrement, sans se laisser impressionner par le statut d’ancien président. De l’autre, une classe politique qui continue à se déchirer sur le sujet.
À droite, certains crient au complot judiciaire. À gauche, on se frotte les mains. Au centre, on fait profil bas. Et pendant ce temps, les Français, eux, regardent tout ça avec une certaine lassitude.
Parce qu’au fond, est-ce que cette affaire Bygmalion a vraiment changé quelque chose ? Les campagnes électorales sont-elles devenues plus transparentes ? Les partis politiques ont-ils appris la leçon ? Pas vraiment.
Les plafonds de dépenses ont été relevés depuis, les contrôles renforcés sur le papier, mais on sent bien que le système reste fragile. Et que l’argent et politique font toujours aussi bon ménage.
Les autres protagonistes : où sont-ils aujourd’hui ?
Parce que Nicolas Sarkozy n’était pas seul dans ce dossier. Treize autres personnes avaient été condamnées en première instance, onze en appel. Petit tour d’horizon :
- Guillaume Lambert (directeur de campagne) : condamné, a fait un pourvoi
- Jérôme Lavrilleux : celui qui avait tout avoué en larmes, condamné mais dispensé de peine
- Les dirigeants de Bygmalion : condamnés à de la prison avec sursis pour la plupart
- Éric Cesari et Pierre Chassat (ex-cadres UMP) : pourvois joints à celui de Sarkozy
La plupart ont choisi de tourner la page. Certains ont quitté la politique, d’autres se sont reconvertis. L’agence Bygmalion elle-même n’existe plus sous ce nom.
Seul Nicolas Sarkozy continue à se battre sur tous les fronts judiciaires, comme s’il refusait l’idée même de pouvoir être condamné.
Et l’avenir politique ?
Alors oui, il est condamné. Oui, il risque la prison. Mais est-ce que ça signe la fin de Nicolas Sarkozy sur la scène publique ?
Ceux qui le connaissent bien vous diront que non. Qu’il a encore des choses à dire, des livres à écrire, des conférences à donner. Qu’il reste une figure incontournable de la droite.
Moi je pense qu’on n’a pas fini d’entendre parler de lui. Même avec un bracelet à la cheville, même avec des condamnations, Nicolas Sarkozy garde cette capacité incroyable à occuper l’espace médiatique.
Et quelque part, c’est peut-être ça le plus fou dans toute cette histoire : qu’un homme politique puisse cumuler autant de casseroles et continuer à peser dans le débat public.
L’affaire Bygmalion, finalement, ce n’est pas seulement l’histoire d’une campagne qui a dérapé. C’est l’histoire d’un système politique qui continue à fonctionner avec ses propres règles, ses arrangements, ses zones grises.
Et nous, on continue à regarder, parfois amusés, souvent consternés, toujours fascinés.
Affaire à suivre, évidemment. Parce qu’avec Nicolas Sarkozy, il y a toujours un prochain épisode.
