Vous vous souvenez encore de l’époque où on pensait que le football turc, c’était surtout de la passion débridée, des ambiances folles et des derbys qui font trembler Istanbul ? Moi aussi. Et puis, boum, on se prend une claque monumentale en pleine figure. Onze joueurs pros derrière les barreaux, des présidents de club dans le collimateur, des arbitres virés par paquets de 150… Franchement, on se croirait dans un film de série B, sauf que c’est bien réel et que ça fait mal au cœur.
Quand j’ai vu les premières infos défiler, j’ai d’abord cru à une blague. Et puis les noms sont tombés. Des gars qu’on suit depuis des années, qui portent les couleurs des plus grands clubs du pays. Là, on ne parle plus de simple suspicion, on parle de détention provisoire. C’est du lourd.
Le football turc au bord du gouffre
Ce qui se passe actuellement en Turquie dépasse l’entendement. On ne parle pas d’un ou deux joueurs qui auraient fait une petite bêtise sur un site de paris en ligne. Non. On parle d’un système apparemment bien rodé, avec des joueurs qui misent sur leurs propres rencontres – parfois même pour perdre –, des intermédiaires, des présidents de club qui se seraient entendus sur des résultats. Bref, tout l’attirail du parfait scandale de corruption.
Et le pire ? Ce n’est pas la première fois. Souvenez-vous du scandale de 2011 avec Fenerbahçe, les peines de prison, les titres retirés… On pensait que la leçon avait été apprise. Raté. Quatorze ans plus tard, on replonge direct dans le même marécage.
Qui sont les joueurs concernés ?
Parmi les onze joueurs placés en détention, on retrouve du très lourd. Un défenseur de Galatasaray, un milieu star de Fenerbahçe, un ailier sénégalais connu en Süper Lig… Des noms qui font la une chaque week-end. Certains auraient parié directement, d’autres via des proches pour brouiller les pistes. Classique, mais ça ne passe plus.
Et puis il y a les “petits”. Des joueurs de deuxième division, moins médiatisés, mais qui trempent aussi dedans. Au total, une quarantaine de personnes interpellées en une semaine. C’est pas une opération coup de poing, c’est une dératisation complète.
- 5 joueurs de Süper Lig en prison
- 6 joueurs de divisions inférieures dans le même bateau
- 9 autres suspects (dont deux présidents de club) écroués
- 19 personnes sous contrôle judiciaire, dont 4 de première division
Autant dire que la moitié du championnat doit dormir très mal en ce moment.
La fédération veut « nettoyer » le foot turc… vraiment ?
La Fédération turque de football (TFF) sort l’artillerie lourde : près de 150 arbitres révoqués le mois dernier pour paris, 25 joueurs de Süper Lig suspendus de 1 à 12 mois, presque 1000 joueurs des divisions inférieures sanctionnés. On nous vend le grand ménage de printemps. Sauf que… j’ai un gros doute.
Parce que soyons honnêtes : comment a-t-on pu en arriver là ? Comment des joueurs peuvent parier sur leurs propres matchs sans que personne ne s’en rende compte pendant des mois, voire des années ? Il y a forcément des complicités à tous les étages. Des agents, des dirigeants, peut-être même des membres de la fédération elle-même. Quand on gratte, on trouve toujours plus de saletés.
« On a atteint le point de non-retour »
Un observateur régulier du football turc
Cette phrase résonne particulièrement aujourd’hui. Le point de non-retour, on l’a peut-être franchi depuis longtemps.
Les paris sportifs, ce poison qui gangrène tout
Le vrai cancer, c’est évidemment l’explosion des paris en ligne. En Turquie, comme ailleurs, c’est devenu ultra-simple de miser depuis son téléphone. Quelques clics et hop, 500 livres turques sur la défaite de son propre club. Tentant quand on est en galère financière ou quand on a des dettes de jeu.
Mais il n’y a pas que les joueurs. Les arbitres aussi se sont mis à parier en masse. Résultat : des décisions douteuses, des penaltys généreux, des cartons rouges opportuns… Tout le monde a vu des matchs où on s’est dit “là, y a un truc pas net”. Maintenant, on commence à comprendre pourquoi.
Le plus dingue ? Certains joueurs misaient sur des détails absurdes : nombre de corners, carton jaune à la 67e minute… Plus c’est précis, plus la cote est folle, plus l’appât du gain est énorme. Et plus le risque de se faire choper aussi, paradoxalement.
Et les grands clubs dans tout ça ?
Galatasaray, Fenerbahçe, Başakşehir… Aucun mastodonte n’est épargné. Quand vos joueurs vedettes sont suspectés, c’est toute l’image du club qui en prend un coup. Les supporters se sentent trahis. Moi le premier. On hurle dans les tribunes, on pleure quand on gagne, et derrière, certains de ceux qu’on idolâtre vont miser contre nous ? C’est violent.
Les présidents de club, eux, jouent la carte de l’indignation. Communiqués incendiaires, promesses de sanctions internes… Mais soyons réalistes : ils savaient forcément des choses. Impossible de diriger un club de ce niveau sans avoir l’oreille collée au sol.
Et puis il y a les sponsors qui commencent à tousser. Quand ton logo est associé à un scandale de corruption, tu réfléchis à deux fois avant de renouveler.
Vers une refonte totale du système ?
On nous promet des réformes. Contrôles renforcés, interdiction totale de paris pour les acteurs du foot, sanctions exemplaires… Sur le papier, c’est beau. Dans les faits, on a déjà entendu ça mille fois.
Ce qu’il faudrait, c’est une vraie indépendance de la justice sportive. Moins de copinage, moins de pression politique – parce que oui, en Turquie, le foot et la politique, c’est toujours mélangé. Tant que les grands clubs auront une influence démesurée sur la fédération, les petits arrangements continueront dans l’ombre.
Et puis il y a la question des salaires. Beaucoup de joueurs de D2/D3 galèrent financièrement. Quand tu gagnes 3000 euros par mois dans un pays où l’inflation explose, la tentation est énorme. Réglez déjà ce problème de fond, et vous supprimerez une partie du mal.
Et nous, supporters, on fait quoi ?
On continue d’aller au stade ? On boycotte ? Personnellement, j’ai du mal à envisager un match de foot turc pour l’instant. Pas parce que je n’aime plus ce sport, mais parce que j’ai l’impression qu’on s’est tous fait avoir. On a cru à la passion pure, on nous a vendu de la magouille.
Mais en même temps, abandonner, c’est laisser les pourris gagner. Alors peut-être qu’il faut au contraire être plus nombreux, plus bruyants, plus exigeants. Réclamer de la transparence, soutenir les clubs qui jouent le jeu, huer ceux qui trichent.
Parce qu’au fond, le football turc, c’est aussi des millions de passionnés qui ne demandent qu’à vibrer honnêtement. On mérite mieux que ça.
Ce scandale va laisser des traces pendant des années. Des carrières brisées, des clubs sanctionnés, une image ternie à l’international. Mais peut-être que, paradoxalement, c’est le électrochoc dont le foot turc avait besoin. Un grand coup de balai, même s’il fait mal, vaut mieux qu’une pourriture qui s’étend silencieusement.
Au final, la question n’est pas de savoir si le football turc va s’en remettre. Il s’en remettra, il s’en remet toujours. La vraie question, c’est : va-t-il enfin grandir ?
Pour l’instant, les menottes claquent encore dans les couloirs des commissariats d’Istanbul. Et quelque part, ça fait un bruit assourdissant.
