Vous êtes-vous déjà demandé ce qui se passe vraiment derrière les épais rideaux de l’hôtel de Matignon quand un Premier ministre sait qu’il peut tomber à tout moment ? Moi oui, souvent. Et ces derniers temps, une petite phrase revenait sans cesse dans les couloirs : « C’est Big Brother à Matignon. » Elle n’est pas sortie de nulle part.
Deux mois après son arrivée rue de Varenne, Sébastien Lecornu n’a toujours pas posé la moindre photo de famille sur le bureau, pas un cadre, pas une babiole. Le grand salon reste nu, comme si son occupant refusait de s’installer pour de bon. Certains y voient le signe d’une précarité assumée. D’autres, le reflet d’un caractère presque monacal.
Un pouvoir qui ne délègue presque rien
Dans les faits, tout passe par lui. Vraiment tout.
La communication ? Il valide personnellement les éléments de langage, parfois jusqu’à la virgule. L’agenda ? Chaque déplacement ministériel est scruté, recalé, parfois annulé s’il juge le timing mauvais. Les relations avec le Parlement ? Il suit lui-même les négociations les plus sensibles, téléphone directement aux présidents de groupe, décroche à toute heure. Un proche résume sans détour : « La politique, la com, le Parlement, l’agenda… 95 % repose sur ses épaules. » On est loin du Premier ministre « collaboratif » dont on nous parlait à la nomination.
« Il veut tout voir, tout savoir, tout décider. C’est impressionnant… et épuisant. »
Un conseiller qui préfère rester anonyme
Un bureau qui ne dort jamais
Les témoignages convergent. Les lumières du premier étage restent allumées tard dans la nuit. Les conseillers reçoivent des messages à 2 h 17, parfois 4 h 12, avec une simple question : « Tu as vu le communiqué de tel député ? On fait quoi ? » Lecornu lit tout, répond à tout, corrige tout. Un ancien collaborateur d’un autre locataire de Matignon confiait récemment : « Même à l’époque où on gérait le Covid, on n’avait pas ce rythme-là. »
Le résultat ? Une équipe qui tourne à plein régime mais commence à montrer des signes de fatigue. Certains parlent déjà d’un turnover qui s’annonce record. D’autres, plus cash, lâchent : « On tient jusqu’à Noël, après on verra. » Car Noël, c’est l’échéance. Le budget doit passer. Sans 49.3 ou presque. Et sans motion de censure. Une équation diabolique.
Pourquoi tant de contrôle ?
La réponse est assez simple : il n’a pas le choix.
Quand vous dirigez un gouvernement minoritaire, avec une Assemblée où chaque voix compte et où trois groupes peuvent vous faire tomber en claquant des doigts, déléguer devient un luxe que vous ne pouvez pas vous payer. Lecornu le sait mieux que quiconque. Il a vu tomber ses prédécesseurs. Il a vu les couacs devenir des tempêtes médiatiques en quelques heures. Alors il serre la vis. Très fort.
- Chaque interview ministérielle est relue par Matignon (parfois réécrite)
- Chaque déplacement en province est validé quarante-huit heures avant
- Chaque tweet un peu osé d’un secrétaire d’État peut déclencher un appel immédiat
- Les notes destinées au Président ? Il les voit avant, parfois les reformule
Certains ministres apprécient : « Au moins, on sait où on va. » D’autres grincent des dents : « On dirait qu’on est des stagiaires. »
Un style qui rappelle… qui déjà ?
Dans les couloirs, les comparaisons fusent. On parle d’un certain ancien secrétaire général de l’Élysée qui, déjà, voulait tout contrôler. On parle aussi de ces directeurs de cabinet qui finissent par étouffer leur ministre. Lecornu, lui, cumule les deux casquettes : il est à la fois le patron et son propre sherpa. Un cocktail explosif.
Mais il y a une différence de taille : lui est en première ligne. S’il tombe, c’est lui qui saute, pas son conseiller spécial. Alors il préfère garder la main. Quitte à passer pour un maniaque du contrôle.
Et l’entourage présidentiel dans tout ça ?
À l’Élysée, on observe. On laisse faire. Pour l’instant. Tant que le budget passe, tant que les oppositions restent divisées, le style Lecornu est toléré. Voire encouragé. Mais certains murmurent déjà que cette hyper-centralisation pourrait devenir contre-productive. Qu’à force de tout verrouiller, on finit par créer de la frustration. Chez les ministres. Chez les députés de la majorité. Chez les partenaires.
« Il fait le boulot. Mais à ce rythme, il va user tout le monde. Y compris lui-même. »
Un poids lourd du gouvernement
Un héros ou un fusible ?
C’est la grande question qui flotte dans tous les esprits. Si le budget passe avant Noël, Lecornu sortira auréolé. On parlera de lui comme du sauveur improbable, celui qui a tenu la baraque alors que tout le monde annonçait la chute dès septembre. Un peu comme un certain Michel Barnier en son temps, mais en plus jeune et plus offensif.
Mais s’il échoue ? S’il doit dégainer le 49.3 et que la censure passe quand même ? Alors il deviendra le fusible idéal. Celui qu’on sacrifiera sans état d’âme pour calmer le jeu et repartir sur de nouvelles bases.
En attendant, il continue. Il serre, il contrôle, il anticipe. Il ne dort presque plus. Et dans son bureau toujours aussi nu, il attend la prochaine haie. Parce que pour lui, c’est ça la politique maintenant : une course d’obstacles où chaque saut peut être le dernier.
Big Brother ? Peut-être. Mais dans l’arène actuelle, c’est peut-être aussi le seul moyen de ne pas se faire dévorer vivant.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Un Premier ministre doit-il tout contrôler pour survivre, ou est-ce le meilleur moyen de tout faire exploser ? Les commentaires sont ouverts.
