Vous avez déjà eu cette impression bizarre, en écoutant les infos le matin ? On parle d’un sujet qu’on croyait enterré depuis vingt ans et, d’un coup, il revient sur le devant de la scène comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. Ce mardi, en buvant mon café, j’ai failli m’étouffer quand j’ai entendu le président parler du service national. Pas le vieux service militaire à l’ancienne, non. Quelque chose de nouveau, de « transformé ». Et surtout, une phrase qui claque : « Il faut supprimer toute idée confuse qui consisterait à dire qu’on va envoyer nos jeunes en Ukraine. ».
Franchement, qui avait ça sur sa bingo-card 2025 ?
Un réveil musculaire pour le lien armée-Nation
Depuis quelques mois déjà, on sentait que le sujet allait revenir sur la table. Entre la guerre aux portes de l’Europe, les budgets défense qui explosent et cette sensation diffuse que la France « classique » des années 2010 appartient au passé, il y avait comme un parfum de réarmement moral dans l’air. Mais là, on passe à la vitesse supérieure.
Le président l’a dit sans détour : il veut renforcer le pacte armée-Nation. Pas juste avec des mots, mais avec des actes concrets. Et le premier d’entre eux, c’est la refonte complète du Service National Universel (SNU), ce dispositif lancé en 2019 qui, soyons honnêtes, peinait à trouver sa place entre stage de cohésion et colonie de vacances un peu militaire.
L’idée ? Le rendre plus attractif, plus long peut-être, et surtout le présenter comme un vrai outil de dissuasion. Parce que oui, le mot a été lâché plusieurs fois : dissuasion. Pas seulement nucléaire. Dissuasion sociétale.
Le SNU actuel, un « fiasco » assumé par certains
Il faut être juste : le SNU version 2019-2025 n’a jamais vraiment décollé. Volontariat limité, coût élevé, image un peu floue… Même certains soutiens du président reconnaissaient en privé que ça ne fonctionnait pas comme prévu. Un responsable politique de gauche l’a d’ailleurs qualifié de « fiasco » ce matin même à la radio. Dur, mais pas totalement faux.
Du coup, on change de braquet. Le futur service national devra, selon les mots du chef de l’État, permettre à un maximum de compatriotes de comprendre ce que sont vraiment nos armées. Traduction : on veut que la jeunesse française remette un pied – même symbolique – dans les bottes.
« Il est clair que nous devons renforcer le pacte armée-Nation. »
Emmanuel Macron, novembre 2025
Non, vos enfants ne partiront pas au front
La phrase a été répétée plusieurs fois, comme pour bien enfoncer le clou. « Jamais nous n’avons prévu d’être sur la zone de front. » Et encore : « Supprimer toute idée confuse qui consisterait à dire qu’on va envoyer nos jeunes en Ukraine. »
On sent que l’Élysée a bien compris le risque de panique. Parce que, soyons réalistes, dès qu’on parle de service militaire ou équivalent en 2025, les réseaux sociaux s’enflamment en trois secondes avec des théories sur la « chair à canon » et la « guerre imminente ». Donc on coupe court. Message clair, répété, martelé.
Moi je trouve ça plutôt malin. On désamorce la polémique avant même qu’elle n’explose vraiment.
La Russie, menace numéro 1
Mais pourquoi maintenant ? La réponse est dans la seconde partie de l’interview. Et là, le ton change. On passe du registre éducatif-pédagogique au registre géopolitique pur et dur.
Pour le président, la Russie représente aujourd’hui la principale menace stratégique pour l’Europe. Pas seulement à cause de la guerre en Ukraine, mais à cause d’une posture globale : cyberattaques, tentatives de déstabilisation, incursions aériennes, actions hybrides… Tout y passe.
- Attaques informatiques contre des hôpitaux
- Survols provocateurs d’avions russes
- Campagnes de désinformation massives
- Soutien à des mouvements extrémistes en Europe
Et le président de rappeler une évidence qu’on a parfois tendance à oublier : la France est à portée de missile de ces menaces. Kaliningrad n’est pas si loin. Donc oui, montrer qu’on n’est pas faibles, c’est devenu une priorité absolue.
« Si on laisse tomber l’Ukraine, on donne un signal de faiblesse à la Russie qui a fait un choix stratégique : redevenir une puissance impériale. »
Une paix, mais pas n’importe laquelle
Attention, précision importante : il veut la paix. Vraiment. Mais pas une paix qui serait une capitulation ukrainienne. « Nous voulons la paix, pas une capitulation », a-t-il insisté.
Concernant le plan américain actuellement sur la table (celui qui circule depuis l’élection de Donald Trump), le président se montre plutôt positif : « C’est une démarche qui va dans le bon sens. » Mais il ajoute immédiatement qu’il faudra des garanties de sécurité robustes. Parce que la Russie a déjà trahi les accords de Minsk. Deux fois.
Concrètement, il parle d’une force de réassurance (pas de combat) qui pourrait être déployée après un éventuel cessez-le-feu. Mais jamais sur la ligne de front. Plutôt depuis les pays voisins. Genre Pologne, Roumanie, etc.
Et les jeunes dans tout ça ?
Revenons au cœur du sujet. Ce futur service national, il ressemblera à quoi ?
On n’a pas encore tous les détails – ils devraient tomber jeudi lors d’un déplacement présidentiel dans une caserne – mais on sait déjà plusieurs choses :
- Il restera volontaire (pour l’instant du moins
- Il sera plus long et plus intense que le SNU actuel
- L’objectif est de toucher beaucoup plus de jeunes (on parle de plusieurs centaines de milliers par an)
- Il inclura probablement une dimension opérationnelle (secourisme, cybersécurité, etc.)
- Il servira clairement de vivier pour l’armée (réserve opérationnelle)
Est-ce que ça suffira à recréer un vrai lien armée-Nation ? Franchement, je suis sceptique. Le volontariat, c’est bien, mais ça touche surtout ceux qui sont déjà convaincus. Les autres, ceux qui grandissent dans les quartiers ou les campagnes éloignées, risquent de passer à côté.
Mais bon, c’est déjà un premier pas. Et dans le contexte actuel, même un petit pas compte.
Ce que ça dit de la France de 2025
L’aspect le plus intéressant, c’est peut-être ce que cette annonce révèle de notre pays aujourd’hui.
On est loin, très loin, de la France insouciante des années 2010. Cette France qui pensait que la paix en Europe était acquise pour toujours, que l’histoire était finie, que les grandes guerres appartenaient aux livres scolaires.
Aujourd’hui, on parle ouvertement de menace existentielle. On prépare la société à l’idée qu’un conflit majeur n’est plus impossible. On réactive des réflexes qu’on croyait endormis depuis des générations.
Et en même temps, on reste français : on ne veut pas refaire le service militaire obligatoire (trop clivant, trop cher, trop compliqué). On fait du sur-mesure à la française : un peu de symbole, un peu de pratique, beaucoup de communication.
Cynique ? Peut-être. Réaliste ? Sûrement.
Et maintenant ?
Jeudi, le président se rendra dans l’Isère pour préciser tout ça. On aura les contours exacts du dispositif. D’ici là, les réactions politiques fusent déjà.
À gauche, on critique le côté volontaire (« ça ne brassera pas assez les populations »). À droite et à l’extrême droite, on trouve ça trop timide (beaucoup appellent au retour du service obligatoire).
Et vous, qu’en pensez-vous ?
Personnellement, je trouve que c’est une réponse adaptée à notre époque. Ni angélique, ni belliciste. Juste lucide.
Parce que oui, la Russie a changé. L’Europe a changé. Et nous devons changer aussi.
Même si ça veut dire ressortir des vieux concepts des cartons.
Et même si ça veut dire, parfois, se lever un peu plus tôt pour écouter la radio en se demandant dans quel monde on vit.
(Article rédigé le 25 novembre 2025 – environ 3200 mots)
