Vous est-il déjà arrivé de donner quelques euros pour une « bonne cause » sans vraiment savoir où ils atterrissent ? Moi oui, et franchement, ça fait réfléchir. Ces derniers jours, une petite association du sud-ouest de la France s’est retrouvée sous les projecteurs pour toutes les mauvaises raisons. Ce qui se présentait comme une initiative citoyenne pour aider les civils du Donbass est aujourd’hui soupçonné d’être une couverture pour des activités bien plus sombres. Entre générosité sincère et manipulation géopolitique, la frontière semble parfois bien mince.
Une association qui ne passe plus inaperçue
Créée au printemps 2022, peu après le début de l’offensive russe en Ukraine, l’association SOS Donbass affiche un objectif clair : acheminer de l’aide aux populations des territoires contrôlés par les séparatistes prorusses dans l’est ukrainien. Des collectes de fonds, des camions chargés de couvertures, de médicaments, de nourriture… Sur le papier, rien de plus noble.
Mais très vite, les choses se corsent. Les responsables organisent des manifestations de soutien à la politique russe, participent à des rassemblements où l’on brandit des portraits du président russe et diffusent une rhétorique ouvertement hostile à Kiev et à ses alliés occidentaux. Ce n’est plus seulement de l’humanitaire : c’est du militantisme assumé.
Des convois qui soulèvent des questions
Plusieurs fois par an, des convois partent du sud-ouest français direction l’est de l’Europe. Les photos circulent sur les réseaux : des camions blancs, des bénévoles souriants, des palettes de cartons. L’association revendique avoir livré des tonnes de matériel. Problème : une partie de cette aide finit dans des zones sous contrôle direct ou indirect des forces russes ou des autorités séparatistes.
Est-ce que tout cela reste vraiment « humanitaire » quand les bénéficiaires sont sélectionnés selon des critères politiques ? Quand les discours accompagnant les dons reprennent mot pour mot la propagande du Kremlin ? Beaucoup, y compris dans les milieux spécialisés, ont commencé à tiquer.
« Aider des civils, oui. Mais choisir son camp dans un conflit armé en se drapant dans le drapeau de la neutralité, c’est autre chose. »
– Un ancien responsable humanitaire expérimenté en zone de guerre
Quand les services de renseignement s’en mêlent
À partir de 2023, les alertes se multiplient. Des signalements, des notes internes, des surveillances discrètes. Les autorités françaises, déjà très vigilantes face aux réseaux d’influence russe sur le sol national, décident de regarder de plus près.
Ce qui intrigue particulièrement ? Les contacts réguliers entre certains membres de l’association et des personnalités ou structures clairement identifiées comme proches des services russes. Des voyages fréquents, des rencontres dans des capitales sensibles, des financements dont l’origine reste floue. Rien de vraiment illégal en apparence… mais suffisamment troublant pour justifier une enquête approfondie.
Et puis arrive novembre 2025. Deux figures centrales de l’association sont interpellées. Les chefs d’accusation font froid dans le dos : intelligence avec une puissance étrangère, remise de documents pouvant porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, participation à une entreprise de déstabilisation. Autrement dit : espionnage.
Humanitaire ou cheval de Troie ?
La question est brutale mais légitime : une association peut-elle être à la fois sincèrement humanitaire et instrumentalisée à des fins politiques, voire plus ? L’histoire nous a déjà donné des réponses. Durant la guerre froide, de nombreuses ONG ont servi – parfois sans le savoir – de courroie de transmission pour tel ou tel camp.
Ici, le doute est d’autant plus fort que le contexte géopolitique est explosif. Depuis 2022, la France a pris des positions très claires aux côtés de l’Ukraine. Toute structure qui, volontairement ou non, contribue à légitimer les thèses russes sur le sol français devient mécaniquement suspecte.
- Collectes présentées comme apolitiques mais accompagnées de messages prorusses
- Voyages réguliers dans des zones sous influence directe du Kremlin
- Discours niant ou minimisant les responsabilités russes dans le conflit
- Partenariats avec des entités figurant sur des listes de sanctions européennes
Pris séparément, chacun de ces éléments peut s’expliquer. Mis bout à bout, ils dessinent un tableau inquiétant.
Le profil des responsables
Ce qui frappe aussi, c’est le parcours des personnes au cœur de l’affaire. Des Français ordinaires, souvent issus de milieux modestes, parfois anciens militaires ou engagés dans des causes souverainistes. Rien de l’image classique de l’espion à la James Bond.
Mais c’est justement là que le bât blesse. Les services modernes recrutent rarement des agents flamboyants. Ils préfèrent des profils discrets, idéologiquement motivés, qui agissent par conviction plus que pour l’argent. Et quand la conviction se double d’une cause présentée comme humanitaire, c’est encore plus efficace.
J’ai discuté il y a quelques années avec un ancien officier traitant. Il m’avait expliqué, presque avec cynisme : « Le meilleur agent, c’est celui qui croit servir une grande cause. Il ne se voit même pas comme un espion. » La phrase me revient souvent en tête ces jours-ci.
Et les donateurs dans tout ça ?
C’est peut-être l’aspect le plus dérangeant. Des centaines, peut-être des milliers de Français ont donné, parfois quelques euros, parfois beaucoup plus, en pensant aider des enfants ou des personnes âgées dans le besoin. Si une partie de cet argent a servi à autre chose, la pilule sera très am нашу.
Beaucoup de donateurs sont des gens simples, parfois eux-mêmes en difficulté, qui ont été touchés par les images de souffrance. D’autres sont des sympathisants plus militants. Mais tous risquent de se sentir trahis si les soupçons se confirment.
Une affaire qui dépasse le cas isolé
Cette histoire n’est pas qu’une anecdote judiciaire. Elle illustre parfaitement la guerre hybride que mène la Russie en Europe depuis des années : influence, désinformation, instrumentalisation des bonnes volontés. Et la France, avec sa tradition de liberté associative, reste un terrain de jeu privilégié.
D’autres structures, dans d’autres pays européens, ont déjà été démantelées pour des raisons similaires. Des « correspondants de guerre » autoproclamés, des associations culturelles, des think tanks… Les formes changent, le fond reste identique.
Ce qui change aujourd’hui, c’est que les États réagissent plus vite et plus fort. L’époque où l’on pouvait agiter des drapeaux étrangers dans les rues françaises sans conséquence semble révolue.
Que va-t-il se passer maintenant ?
L’enquête est en cours. Les deux principaux responsables restent présumés innocents tant qu’un jugement n’a pas été rendu. Mais les chefs d’accusation sont lourds et les éléments rassemblés semblent solides.
Si les faits sont avérés, cette affaire pourrait marquer un tournant dans la lutte contre les réseaux d’influence étrangère en France. Elle pourrait aussi pousser à une réflexion plus large sur le contrôle des associations qui interviennent dans des zones de conflit.
Car le vrai défi, c’est de réussir à distinguer la générosité sincère de l’instrumentalisation politique. Sans pour autant tomber dans la suspicion généralisée qui tuerait toute initiative citoyenne.
En attendant, une chose est sûre : la prochaine fois que vous verrez une cagnotte pour le Donbass (ou ailleurs), vous y réfléchirez peut-être à deux fois. Et quelque part, ce n’est pas forcément une mauvaise chose.
(Article mis à jour le 26 novembre 2025 – L’enquête judiciaire est toujours en cours)
