Il y a des soirs où le rugby dépasse largement le simple cadre du sport. Hier soir, à Jean-Bouin, on a vécu exactement ça. Une victoire large, presque insolente sur le papier (51-24), mais tellement plus profonde quand on gratte un peu la surface. Sept essais, un bonus offensif, un hommage déchirant à Christophe Dominici cinq ans jour pour jour après sa disparition… et surtout un Stade Français qui retrouve des couleurs et une âme.
Moi qui suis le club rose depuis gamin, je peux vous dire une chose : on attendait ça depuis longtemps. Très longtemps.
Un hommage avant même le coup d’envoi
Avant même que l’arbitre ne siffle le début du match, l’émotion était déjà là. Kiara et Mya, les filles de Christophe Dominici, sont venues remettre son premier maillot professionnel au jeune Toulonnais Matéo Gracieux. Le symbole était fort. Trop fort, peut-être. Six minutes plus tard, ce même Gracieux plantait un essai magnifique après une passe vissée de Sinzelle. Le destin, parfois, a un sens de l’humour assez particulier.
Mais le Stade Français version 2025 n’est plus celui qui se laisse abattre par les symboles. Il répond. Et il répond fort.
Quand les gros prennent le pouvoir
Parlons-en, des gros. Parce que franchement, hier soir, la première ligne parisienne a décidé de jouer au rugby comme des trois-quarts. Giorgi Melikidze, le pilier géorgien, a marqué un doublé. Oui, vous avez bien lu : un doublé pour un pilier droit. Le premier à la 22e minute alors que Paris était à 14 après un carton jaune, le second dès le retour des citrons. Entre temps, Giacomo Nicotera, l’autre talonneur, y est allé de son essai aussi.
C’est simple : sur les sept essais parisiens, quatre ont été inscrits par des première ligne ou un essai de pénalité né d’une domination écrasante en mêlée. Toulon a pris l’eau devant. Littéralement.
« On a mis une intensité énorme dès le début, on a voulu leur rentrer dedans. »
Un joueur parisien dans le vestiaire, juste après le match
Léo Barré, l’homme du match et bien plus
Si on devait désigner un homme du match, le choix serait cornélien. Louis Carbonel a été précieux (19 points au pied, toujours calme), Melikidze a été monstrueux… mais Léo Barré a tout simplement tout fait. Des duels aériens gagnés haut la main, une occupation au pied chirurgicale, et surtout cette action de la 80e minute : un contre de 80 mètres initié par lui, conclu par lui après un travail incroyable des avants à 5 mètres. Le bonus offensif dans les arrêts de jeu. La classe pure.
On parle souvent du « facteur X ». Hier, Barré l’a incarné à lui tout seul.
Toulon : la crise de novembre est lancée
De l’autre côté, c’est plus compliqué. Toulon arrivait co-leader, repart avec une valise et surtout une impression de grande fragilité. Pierre Mignoni, d’ordinaire si posé, avait le visage fermé. On a senti une équipe sans repères, incapable de répondre à l’intensité parisienne. Les essais de Gracieux, Ametlla et Quere-Karaba n’ont été que des éclairs dans une soirée bien sombre.
- Dominés en conquête
- Battu dans l’agressivité
- Écrasé dans les rucks
- Perdu dans l’occupation
Le RCT version 2025-2026 ressemble de plus en plus à celui qu’on a connu ces dernières saisons : capable du meilleur comme du pire, mais rarement constant. La question est maintenant de savoir si cette claque à Jean-Bouin va servir d’électrochoc… ou au contraire enfoncer le clou d’une crise naissante.
Le classement bouleversé : Paris 3e, Toulon dépassé
Concrètement, cette victoire bonifiée propulse le Stade Français à la 3e place du Top 14 avec 30 points, juste derrière les intouchables Bordelais et Toulousains. Toulon, lui, dégringole à la 4e place et voit Paris prendre une petite option sur le trophée Christophe-Dominici, remis chaque année au vainqueur du match aller entre les deux clubs.
Et quand on sait l’attachement des supporters parisiens à « Domi », ce petit symbole a une saveur toute particulière.
Pourquoi cette victoire est plus qu’un simple résultat
Parce qu’au-delà des points, il y a eu une ambiance. Une communion. Des tribunes pleines, roses, bruyantes. Des chants pour Dominici repris en chœur à la 19e minute – son numéro fétiche. Des larmes dans les travées quand ses filles sont apparues sur la pelouse. Du rugby, du vrai, celui qui fait vibrer.
Paul Gustard, l’entraîneur anglais, l’a très bien résumé après le match :
« Ce soir, on a joué pour quelque chose de plus grand que nous. »
Et ça, ça ne s’explique pas. Ça se vit.
Et maintenant ?
Pour le Stade Français, la route est encore longue. Le calendrier qui arrive est costaud : déplacement à Toulouse, réception de Clermont, voyage à La Rochelle… Mais hier soir, les Parisiens ont montré qu’ils avaient les armes. Un pack redevenu dominant, un jeu au pied retrouvé, une défense agressive et surtout une identité. Enfin.
Quant à Toulon, la trêve internationale arrive au pire moment. Il va falloir vite se remettre la tête à l’endroit avant de recevoir le Racing 92 début décembre. Sinon, la saison pourrait basculer très vite du mauvais côté.
Une chose est sûre : ce 23 novembre 2025 restera gravé dans les mémoires roses. Pas seulement pour le score, pas seulement pour le bonus. Mais parce qu’on a vu un club se retrouver. Et rendre, peut-être, le plus bel hommage possible à une légende partie trop tôt.
Merci Domi. Et merci aux Soldats Roses pour cette soirée qu’on n’est pas près d’oublier.
PS : Si vous étiez à Jean-Bouin hier soir, racontez-moi votre moment préféré en commentaire. J’ai encore des frissons rien que d’y repenser.
