Il y a des nouvelles qu’on préférerait ne jamais lire. Surtout quand elles concernent un enfant de 12 ans. Pourtant, le premier jour des vacances de la Toussaint, dans une commune tranquille du Pays basque, un collégien a été retrouvé sans vie chez ses parents. Le mot est dur, mais il faut le dire : tout porte à croire qu’il s’agit d’un suicide.
Quand j’ai vu cette information passer, j’ai eu ce pincement au cœur qu’on connaît tous. On se dit « encore un ». Et puis on se demande, presque malgré soi, ce qui a bien pu se passer dans la tête de ce gamin pour en arriver là.
Un drame qui laisse toute une communauté sans voix
Saint-Pierre-d’Irube, c’est cette petite ville paisible près de Bayonne où il fait bon vivre, où les enfants font du vélo dans les rues et où on se connaît presque tous. Rien, absolument rien, ne laissait présager un tel drame. Le garçon était scolarisé au collège local, il faisait même partie du conseil municipal des enfants – le genre d’engagement qui montre un ado plutôt investi, non ?
Pourtant, le jour où tout le monde rêvait de dormir tard et de profiter des vacances, lui a choisi de mettre fin à ses jours. Chez lui. Dans l’intimité familiale. Sans que personne, apparemment, n’ait vu venir le geste.
Ce que dit l’enquête (et ce qu’elle ne dit pas encore)
Le parquet a été clair dès le départ : l’intervention d’un tiers est exclue. Pas de crime, pas d’accident. Juste cet acte irréversible. Une enquête a été ouverte, comme toujours dans ces cas-là, pour comprendre les circonstances exactes. Et pour l’instant, les investigations n’ont révélé aucun contexte de harcèlement scolaire.
Je sais que c’est le premier réflexe de tout le monde : « Il a dû se faire harceler ». Moi le premier. Parce que ces dernières années, on a eu trop d’histoires terribles qui finissaient par révéler des mois, voire des années, de brimades. Mais là, pour le moment, rien. Et ça rend le drame encore plus déroutant.
« L’enquête n’a, pour l’heure, pas révélé de contexte de harcèlement »
Communiqué du parquet
Quand le mal-être ne fait pas de bruit
Le plus effrayant, c’est peut-être ça : certains enfants souffrent en silence. Pas de cris, pas de disputes spectaculaires, pas de notes qui s’effondrent d’un coup. Juste une douleur intérieure qui grandissante qu’ils gardent pour eux. Jusqu’au jour où elle devient insupportable.
J’ai discuté avec des psychologues scolaires il y a quelques années pour un autre article. L’un d’eux m’avait dit une phrase qui m’était restée : « Les ados qui vont le plus mal sont parfois ceux qui ont l’air d’aller le mieux. » Parce qu’ils ont appris à cacher, à sourire, à dire « ça va » quand on leur demande.
Et si ce collégien faisait partie de ceux-là ? Un garçon apparemment intégré, engagé, qui participait à la vie de sa commune… et qui, à l’intérieur, se sentait peut-être complètement seul.
La réponse immédiate de l’établissement et de l’Éducation nationale
Dès la rentrée suivante, le collège a réagi vite. Une cellule d’écoute a été mise en place. Psychologues de l’Éducation nationale, équipe médico-sociale, direction : tout le monde a été mobilisé. Les élèves qui le souhaitaient ont pu parler, individuellement. Parce que quand un drame pareil arrive, c’est tout un établissement qui est en deuil. Et parfois en colère. Et souvent en culpabilité.
- Accueil des émotions des camarades
- Soutien aux professeurs choqués
- Accompagnement des familles endeuillées
- Prévention pour éviter un effet contagion (oui, ça existe malheureusement existe)
Ces cellules, on les connaît maintenant par cœur. Elles se multiplient chaque année. Et ça pose question.
Pourquoi autant de jeunes se sentent-ils au bord du vide ?
On parle beaucoup de harcèlement, et c’est normal, c’est une plaie. Mais il existe d’autres facteurs, parfois plus insidieux :
- La pression scolaire qui commence dès le collège (brevets, orientation, « sois le meilleur »)
- Les réseaux sociaux qui comparent en permanence et créent une anxiété permanente
- Le sentiment de ne pas être à la hauteur des attentes parentales (même quand les parents n’en ont pas conscience)
- Une solitude renforcée par la pandémie et ses séquelles qu’on minimise encore
- Des troubles psy qui explosent chez les ados et pour lesquels on manque cruellement de moyens
Et parfois, c’est tout ça à la fois. Un cocktail explosif qui fait qu’un enfant de 12 ans peut se dire que la vie ne vaut plus la peine d’être vécue.
12 ans. L’âge où on devrait penser aux copains, au foot, aux premières amourettes. Pas à la mort.
Les signaux qu’on rate trop souvent
On se dit toujours après coup : « On aurait dû voir ». Mais quels étaient les signes ? Retrait progressif ? Changement d’humeur ? Perte d’appétit ? Insomnie ? On sait tout ça par cœur. Pourtant, chez certains ados, il n’y a… rien de visible. Ou presque.
Un jour, une ado m’avait confié : « J’allais super mal, mais je faisais tout pour que personne ne s’inquiète. Je ne voulais pas embêter mes parents. » C’est terrifiant, non ?
Et nous, parents, profs, société, on fait quoi ?
On ne peut pas empêcher tous les drames. Mais on peut essayer de limiter la casse. Parler vrai avec nos enfants. Leur dire qu’on est là, même quand ils nous envoient balader. Leur apprendre que demander de l’aide, ce n’est pas une faiblesse. Former les profs à repérer la détresse (beaucoup le font déjà, avec passion et dévouement). Et surtout, arrêter de croire que « ça va passer ».
Parce que parfois, ça ne passe pas.
Ce collégien de Saint-Pierre-d’Irube nous laisse avec plus de questions que de réponses. On ne saura peut-être jamais exactement pourquoi il a fait ce choix. Mais on peut au moins essayer de faire en sorte que d’autres enfants ne se sentent plus jamais seuls au point de penser que c’est la seule issue.
Repose en paix, petit. Et pardon de ne pas avoir su te tendre la main à temps.
Si vous ou un proche traversez une période difficile, n’hésitez pas à appeler le 3114 (numéro national de prévention du suicide, gratuit, 24h/24) ou le 0 800 235 236 (Fil Santé Jeunes).
