Franchement, quand j’ai vu Sunderland pointer à la quatrième place de Premier League mi-novembre, j’ai d’abord cru à une blague. Un promu qui va battre Chelsea à Stamford Bridge et tenir Arsenal en échec ? Sérieusement ? Et pourtant, les chiffres sont là, implacables. Les Black Cats ne trichent pas. Et si on creuse un peu, on tombe rapidement sur trois hommes qui expliquent à eux seuls cette ascension fulgurante.
Le trio qui fait trembler l’Angleterre
Ils n’ont rien à voir ensemble au premier abord : un directeur du football tout juste débarqué de Nice, un milieu expérimenté qui sort d’un titre historique avec Leverkusen et un coach discret qui a déjà sauvé Lorient du pire. Ghisolfi, Xhaka, Le Bris. Trois profils, trois générations, une seule obsession : ramener Sunderland là où le club rêve de retourner depuis trop longtemps.
Florent Ghisolfi, l’architecte discret qui a tout changé
Arrivé début juin, Florent Ghisolfi n’a pas perdu une seconde. Le mec pose ses valises et, dès le 1er juillet, Habib Diarra signe en provenance de Strasbourg. Coup d’envoi d’un mercato complètement dingue : quinze arrivées, près de 187 millions d’euros dépensés. Oui, vous avez bien lu. Sunderland, ce club qui vivotait en Championship, se retrouve dans le top 10 des plus gros investisseurs de l’élite anglaise l’été dernier.
Mais l’argent ne fait pas tout. Ce qui impressionne, c’est la cohérence. Huit recrues francophones ou parfaitement bilingues, des profils jeunes mais déjà costauds, et surtout une réussite quasi totale sur le terrain. Robin Roefs qui enchaîne les clean sheets, Nordi Mukiele qui gagne presque sept duels sur dix, Brian Brobbey qui claque des buts en sortant du banc… Même Wayne Rooney, pourtant pas le dernier à balancer des fleurs à tout va, a désigné Granit Xhaka comme la meilleure recrue de l’été. Quand on sait que Xhaka a été recruté « seulement » 15 millions, on mesure le flair du staff.
« On était 22e au classement des effectifs les plus chers d’Angleterre, derrière des clubs de deuxième division. Il y avait une marge énorme. »
Un membre du board de Sunderland
Et puis il y a cette petite rumeur qui a circulé sur l’influence de l’agent Meïssa Ndiaye, proche de Ghisolfi et de plusieurs joueurs. Franchement, quand on voit que deux des joueurs qu’il représente n’ont pas joué une minute cette saison, on range vite la théorie du complot au placard. Ici, ça bosse, point.
Granit Xhaka, le capitaine qui fait peur à ses propres joueurs
124 kilomètres parcourus en 11 journées. Record absolu en Premier League. À 33 ans, le Suisse court plus que tout le monde et, surtout, il impose son exigence partout. Wilson Isidor l’a dit sans filtre : « On a peur de le décevoir. » Enzo Le Fée, pourtant pas le dernier à avoir eu de grands capitaines, assure que Xhaka est le meilleur qu’il ait connu.
L’histoire de son arrivée est presque trop belle. Le propriétaire Kyril Louis-Dreyfus, suisse lui aussi, s’est personnellement impliqué pour convaincre Granit et sa famille. Dès la première discussion, on lui promet le brassard. Ses yeux brillent, raconte-t-on en interne. Quelques jours plus tard, il appelle lui-même Nordi Mukiele pour le convaincre de le rejoindre. Quand ton leader fait ça, tu sais que tu tiens quelque chose de rare.
« Granit apporte une mentalité de gagnant, même dans les petits jeux à l’entraînement. Si la qualité n’est pas là, il gueule direct. »
Wilson Isidor, attaquant de Sunderland
Résultat ? Une équipe hyper jeune – deuxième onze de départ le plus tendre de PL derrière Chelsea – qui joue avec une maturité impressionnante. Xhaka n’est pas seulement un joueur, c’est un coach sur le terrain et un grand frère dans le vestiaire.
Régis Le Bris, le sage qui a rangé le beau jeu au placard
Vous vous souvenez du Lorient de Régis Le Bris ? Une équipe qui voulait jouer, qui prenait des risques, parfois trop. À Sunderland, il a compris que la Premier League ne pardonne pas les états d’âme. Résultat : quatrième plus faible possession du championnat (43,6 %), troisième place pour le nombre de longues touches dans la surface adverse, contre-attaques foudroyantes. Le pragmatisme élevé au rang d’art.
Mais attention, pragmatisme ne veut pas dire renoncement. Le mec passe à trois derrière fin octobre, neutralise Garnacho à Chelsea en mettant deux joueurs sur lui, multiplie les changements gagnants (quatre buts inscrits par des remplaçants cette saison). Et surtout, il ne panique jamais. Mené 2-0 à Old Trafford ou devant au score à Stamford Bridge, il garde exactement la même attitude. Stoïque.
« Rien ne semble l’atteindre. Même après une défaite, il parle toujours du projet à long terme, jamais d’excuses. »
James Copley, journaliste local
Xhaka lui-même compare Le Bris à Arsène Wenger pour le calme et l’éthique de travail. Venant d’un joueur qui a connu les deux, ça pèse.
Pourquoi cette recette fonctionne si bien
Parce que tout s’emboîte parfaitement. Ghisolfi construit une équipe jeune et talentueuse, Xhaka lui donne une âme et une exigence de tous les instants, Le Bris l’adapte aux réalités brutales de la Premier League. Résultat : un promu qui n’a peur de personne.
- 2e plus jeune onze de départ de PL
- 4e au classement après 11 journées
- Victoire à Chelsea, nul face à Arsenal
- Meilleur pourcentage d’arrêts pour un gardien (Roefs)
- Troisième meilleur taux de duels gagnés pour un défenseur (Mukiele)
On parle là d’un club qui n’avait plus connu ça depuis… Hull City en 2008-2009. Autant dire une éternité.
Et maintenant ?
Sunderland se déplace à Fulham ce week-end avec l’étiquette de favori. Oui, favori. Le mot fait encore bizarre dans la bouche des supporters, mais il devient de plus en plus naturel. L’objectif affiché reste le maintien, bien sûr. Mais quand tu joues comme ça, quand tu as ce trio aux commandes, tu commences à rêver un peu plus grand.
Le football anglais nous a habitués à des histoires folles. Leicester champion en 2016, ça paraissait impossible. Sunderland 2025-2026, pourquoi pas ? En tout cas, une chose est sûre : avec Ghisolfi, Xhaka et Le Bris, les Black Cats ont trouvé la formule. Et franchement, c’est un plaisir à regarder.
Le nord de l’Angleterre tremble à nouveau. Et cette fois, ce n’est pas à cause du vent.
