Il est des matins où la nature vous rappelle brutalement qui commande. À Afaahiti, petite commune tranquille du sud-est de Tahiti, un bruit assourdissant a tiré tout le monde du lit mercredi à l’aube. Un bruit de fin du monde. Trente mètres de terre et de rochers qui dévalent la pente, emportant tout sur leur passage. Deux maisons rayées de la carte en quelques secondes. Et neuf personnes qui, pour l’instant, n’ont toujours pas donné signe de vie.
Je ne sais pas vous, mais quand j’entends ça, j’ai le cœur qui se serre. On pense à ces familles qui dormaient paisiblement, à ces voisins qui ont vu leur quartier se transformer en cauchemar. Et on se dit que, quelque part, ça pourrait arriver n’importe où. Même sur une île qu’on imagine paradisiaque.
Un éboulement aussi soudain que terrifiant
Reprenons depuis le début. Depuis une semaine, il pleut sans discontinuer en Polynésie française. Pas la petite pluie tropicale rafraîchissante, non. Des trombes d’eau qui saturent les sols, qui gorgent les collines, qui transforment la terre en éponge prête à lâcher.
Et puis, vers 5 heures du matin, ça a craqué. Un pan entier de la montagne s’est détaché. Trente mètres de haut, imaginez la hauteur d’un immeuble de dix étages qui s’effondre d’un seul bloc. La première maison a été littéralement soulevée, emportée, avant d’aller s’écraser plus bas sur une seconde habitation. Un témoin raconte avoir cru qu’un train passait juste devant chez lui. Le bruit, la poussière, l’odeur de terre humide… Tout y était.
« On a été réveillés comme par un train juste devant la maison. On est sortis et on a vu qu’une maison était entièrement recouverte par la terre et la boue. »
– Une voisine, encore sous le choc
Les secours mobilisés en quelques minutes
Très vite, l’alerte est donnée. Et là, on voit ce que la solidarité polynésienne a dans le ventre. Quarante pompiers, vingt gendarmes, le SAMU, deux drones, un hélicoptère Dauphin… Tout le monde est sur le pont.
Mais avancer reste extrêmement compliqué. Le terrain continue de bouger. Deux « répliques » – c’est le terme employé – ont eu lieu dans les heures qui ont suivi. Chaque pelletée de terre peut déclencher un nouvel effondrement. Alors on y va doucement, presque religieusement.
- Pelleteuses qui grattent millimètre par millimètre
- Chiens spécialisés qui flairent la moindre trace de vie
- Radars de détection sous les décombres
- Caméras endoscopiques glissées dans les interstices
Chaque outil est utilisé avec une prudence infinie. Parce qu’on ne veut surtout pas ajouter du poids sur d’éventuelles poches d’air où des survivants pourraient encore respirer.
Un quartier entier évacué par précaution
En parallèle, les autorités n’ont pas hésité. Douze à treize maisons situées dans la zone à risque ont été évacuées immédiatement. Les familles ont tout laissé derrière elles, parfois en pleine nuit, pour se réfugier dans un gymnase aménagé en centre d’accueil.
Une cellule d’urgence médico-psychologique a été ouverte sur place. Parce que voir son quartier se faire engloutir, c’est déjà énorme. Mais attendre des nouvelles de proches disparus, c’est une autre dimension de l’angoisse.
Pourquoi maintenant ? La question qui brûle les lèvres
Évidemment, tout le monde se pose la même question : comment une chose pareille a-t-elle pu arriver ? Afaahiti n’est pas connue pour être une zone particulièrement à risque. Alors quoi ?
La réponse est à la fois simple et terrifiante : le changement climatique n’épargne personne, pas même les îles du bout du monde. Les épisodes de pluies extrêmes se multiplient dans le Pacifique. Ce qui était exceptionnel il y a vingt ans devient presque la norme. Les sols, déjà fragiles sur certaines pentes, n’absorbent plus.
On parle beaucoup de cyclones, de montée des eaux. Mais les glissements de terrain, c’est l’autre visage discret et meurtrier du dérèglement en cours. Et ça ne fait que commencer.
Et après ? Reconstruire sur un terrain traumatisé
Quand les recherches seront terminées – et espérons-le, avec le maximum de vies sauvées –, il faudra penser à l’avenir. Peut-on reconstruire au même endroit ? Probablement pas. Faudra-t-il déplacer tout un quartier ? C’est une possibilité sérieuse.
En attendant, la Polynésie tout entière retient son souffle. Chaque heure qui passe réduit les chances de retrouver des survivants. Mais personne ne baisse les bras. Les secours continuent nuit et jour. Les habitants se serrent les coudes. C’est aussi ça, la force des îles.
Ce drame nous renvoie à notre propre vulnérabilité. Peu importe où on vit, la nature peut reprendre ses droits en un instant. Alors oui, on pense aux neuf disparus. On pense à leurs familles. Et on espère, de toutes nos forces, un miracle dans la boue.
Parce que parfois, même au milieu du chaos, la vie arrive à se frayer un chemin.
(Article mis à jour en continu selon l’évolution de la situation)
