Vous est-il déjà arrivé de vous réveiller en sursauter parce que la terre semblait trembler sous votre lit ? À Afaahiti, sur la côte est de Tahiti Iti, certains habitants ont vécu cela hier matin. Mais ce n’était pas un séisme. C’était bien pire.
Imaginez : il est à peine six heures, le jour pointe à peine, la pluie tombe dru depuis une semaine. Et soudain, un grondement sourd, comme un TGV lancé à pleine vitesse juste devant la maison. Une voisine raconte qu’elle a cru à un cauchemar. Quand elle a ouvert sa porte, elle n’a vu qu’un mur de boue là où se dressaient encore deux habitations quelques instants plus tôt.
Une catastrophe qui n’aurait jamais dû arriver aussi vite
Le bilan, pour l’instant, est terrible : quatre personnes ont perdu la vie, quatre autres sont toujours portées disparues. Deux maisons littéralement rayées de la carte par un glissement de terrain d’une trentaine de mètres de haut. La première a été emportée comme un fétu de paille et s’est écrasée sur la seconde, provoquant l’effondrement total.
Ce genre d’événement, on a tendance à croire que ça n’arrive qu’aux autres. Pourtant, en Polynésie, les spécialistes le répètent depuis des années : les pluies extrêmes deviennent plus fréquentes, les sols gorgés d’eau ne tiennent plus, et certaines zones habitées sont carrément en sursis.
Ce que les témoins ont vécu, minute par minute
Ida, une riveraine, habite à moins de cent mètres. Elle a tout vu, ou presque.
« On a été réveillés par un bruit énorme, comme un train qui passait juste devant la maison. On est sortis en courant et… plus rien. Juste de la terre, des arbres, des débris. C’était irréel. »
D’autres racontent avoir vu la montagne « descendre » en quelques secondes. Une coulée rougeâtre, épaisse, qui charriait rochers, troncs et tout ce qui se trouvait sur son passage. En moins de deux minutes, c’était fini.
Des secours sous tension permanente
Les équipes sont arrivées très vite, mais le terrain reste extrêmement instable. Un second glissement a même forcé l’évacuation temporaire des secouristes en pleine intervention. Du jamais-vu pour certains pompiers aguerris.
- 40 pompiers mobilisés 24h/24
- 30 militaires du RIMaP-P
- 20 gendarmes et 30 policiers municipaux
- 3 drones et un hélicoptère Dauphin
- Chiens de recherche, radar de sol, caméra endoscopique
Le colonel qui dirige les opérations l’a dit sans détour : « On avance mètre par mètre. Le moindre mouvement de pelleteuse peut déclencher un nouvel éboulement. » Résultat : les recherches durent, les familles retiennent leur souffle.
Vingt-neuf maisons évacuées, un quartier fantôme de village
Par précaution, près de trente habitations ont été vidées dans la journée. Des familles entières se retrouvent à la salle polyvalente ou chez des proches. Certaines savent déjà qu’elles ne rentreront… chez personne. Leur maison est condamnée.
Et puis il y a cette cellule d’urgence médico-psychologique qui tourne à plein régime. Parce que voir son quartier se faire avaler par la montagne, ça laisse des traces. Pour longtemps.
Le changement climatique montre déjà les dents dans le Pacifique
Je ne vais pas vous refaire le couplet habituel, mais force est de constater que ce drame s’inscrit dans une série inquiétante. Nouvelle-Calédonie, Vanuatu, Fidji, et maintenant Tahiti : les épisodes de pluies extrêmes se multiplient.
Les scientifiques locaux parlent d’une augmentation de 30 % des précipitations intenses ces vingt dernières années dans certaines zones de Polynésie. Les sols volcaniques, très perméables en surface mais argileux en profondeur, deviennent de véritables éponges. Quand l’éponge est pleine, elle lâche. Et tout lâche avec elle.
On construit parfois trop près des talwegs, on déboise pour les cultures ou les habitations, on imperméabilise les sols… Tout ça joue. Et quand la nature rappelle qui commande, c’est brutal.
Et maintenant ?
Les opérations de secours doivent durer encore au moins 48 heures. Ensuite viendra le temps du bilan, des expertises, des questions qui fâchent.
- Était-on suffisamment informés du risque ?
- Les plans de prévention ont-ils été respectés ?
- Faudra-t-il déplacer tout un quartier ?
- Comment reconstruire en sécurité ?
Des questions que les habitants d’Afaahiti se posent déjà à voix basse. Certains disent qu’ils partiront. D’autres veulent rester, envers et contre tout. C’est aussi ça, l’attachement à sa terre, même quand elle vous trahit.
Un élan de solidarité qui réchauffe le cœur
En parallèle du drame, il y a cette vague d’entraide qui submerge les réseaux et les groupes locaux. Des collectes de vêtements, de nourriture, de couvertures. Des gens qui ouvrent leur maison à des inconnus. C’est souvent dans l’adversité qu’on redécouvre ce qui compte vraiment.
Hier soir, un habitant postait simplement : « On a tout perdu, mais on est vivants. Et on est ensemble. » Parfois, c’est déjà énorme.
Ce matin, les recherches ont repris. Les chiens aboient, les drones bourdonnent, l’hélicoptère tourne au-dessus de la vallée. On espère encore. On espère toujours.
Parce qu’en Polynésie, on sait que la nature peut être généreuse. Mais on sait aussi, désormais, qu’elle peut reprendre d’un coup tout ce qu’elle a donné.
(Article mis à jour au 27 novembre 2025 – 18h30 heure de Paris. Les chiffres et témoignages sont ceux connus à cette heure.)
