Vous savez ce moment où l’on croit que tout est plié, que les dés sont jetés, et puis bam, un juge fédéral qui sort un carton rouge ? C’est exactement ce qui vient de se passer au Texas. Hier, un tribunal a purement et simplement suspendu la nouvelle carte électorale adoptée en août, celle qui devait offrir cinq sièges supplémentaires aux républicains à la Chambre des représentants. Et le motif est lourd : discrimination raciale avérée.
Franchement, je n’ai pas été surpris par la décision en elle-même – les indices étaient là depuis des mois – mais par sa brutalité. Le juge n’y est pas allé avec le dos de la cuillère : il ordonne carrément de réutiliser l’ancienne carte de 2022-2024 pour les midterms de 2026. Autrement dit, les républicains texans se prennent un retour de bâton monumental à un an du scrutin.
Le gerrymandering racial : une vieille habitude texane qui finit mal
Pour bien comprendre, il faut remonter un peu. Le Texas a gagné deux sièges au Congrès après le dernier recensement grâce à l’explosion démographique, surtout dans les communautés hispaniques. Logiquement, ces nouveaux électeurs auraient dû renforcer les démocrates. Sauf que le Parlement texan, 100 % républicain sur ce dossier, en a décidé autrement.
Ils ont pris les ciseaux et ont découpé les quartiers latinos de Houston, Dallas et San Antonio comme on découpe une pizza pour que chaque part soit noyée dans un océan rouge rural. Résultat ? Des circonscriptions qui ressemblent à des serpents ou à des oreilles de Mickey, tout sauf naturelles. Les spécialistes appellent ça le cracking (disperser) et le packing (regrouper pour gaspiller les voix). Vieille recette, mais cette fois, elle a été poussée trop loin.
« Il existe des preuves significatives que le Texas a tracé la carte de 2025 sur des bases raciales »
Extrait du jugement fédéral, novembre 2025
Cette phrase, elle pèse des tonnes. Parce qu’elle renvoie directement au Voting Rights Act de 1965, cette loi sacrée qui interdit toute discrimination raciale dans le découpage électoral. Le Texas avait déjà été condamné plusieurs fois par le passé. Apparemment, certains n’ont toujours pas compris la leçon.
Comment on en est arrivé là, concrètement
L’histoire commence dès 2021. Les élus démocrates texans avaient fui l’État en avion privé pour bloquer le quorum et empêcher le vote. Geste symbolique, héroïque même pour certains, mais qui n’a tenu que quelques semaines. À l’automne 2025, les républicains ont fini par faire passer leur carte en force.
Pendant ce temps, des associations de défense des droits civiques et des électeurs ordinaires ont déposé plainte sur plainte. Les preuves accumulées étaient accablantes : mails internes, enregistrements, analyses statistiques montrant que la race avait été le critère dominant, bien plus que la simple appartenance politique.
- Dans le comté de Harris (Houston), un district à majorité latino passant de 58 % à 41 % d’Hispaniques
- À Fort Bend, un district afro-américain découpé en trois morceaux
- À Dallas, un quartier historiquement noir dilué dans trois circonscriptions blanches
Lorsque vous alignez tous ces exemples, ça ne ressemble plus à de la politique. Ça ressemble à de l’apartheid électoral.
La riposte démocrate en Californie : œil pour œil
Et là, les démocrates ont décidé de ne pas se laisser faire. En novembre 2025, ils ont organisé un référendum en Californie pour adopter, eux aussi, un nouveau découpage. Objectif affiché : récupérer cinq sièges dans les zones républicaines restantes de l’État (Orange County, Central Valley…).
Le texte est passé avec 54 % des voix. Évidemment, les républicains californiens ont crié au scandale et porté plainte aussitôt, avec le soutien actif du ministère de la Justice fédéral. On assiste donc à une guerre des cartes électorales par procuration entre les deux plus grands États du pays.
Personnellement, je trouve ça à la fois fascinant et inquiétant. Fascinant parce que ça montre que les démocrates ont enfin appris à jouer le même jeu. Inquiétant parce que tout le monde finit par salir le système. Mais bon, quand on vous tape dessus depuis vingt ans, à un moment, vous rendez les coups.
Quelles conséquences pour les midterms 2026 ?
Maintenant, la grande question : est-ce que cette décision va tenir ? Les républicains ont déjà annoncé qu’ils faisaient appel. Le dossier va probablement remonter jusqu’à la Cour suprême, qui, avec sa majorité conservatrice 6-3, pourrait très bien leur donner raison.
Mais même dans ce cas, le mal est fait. Le simple fait que la carte soit suspendue crée une incertitude énorme. Les candidats ne savent plus dans quelles circonscriptions se présenter. Les dons de campagne ralentissent. Et l’image des républicains texans auprès des électeurs hispaniques – déjà pas brillante – prend une nouvelle claque.
Parce que oui, les Latinos votent de plus en plus. Et ils ont la mémoire longue. En 2024, ils avaient déjà fait basculer plusieurs comtés vers les démocrates. Là, le message est clair : on ne vous laissera plus nous effacer de la carte, au sens propre comme au figuré.
Et Donald Trump dans tout ça ?
Impossible de parler de ce dossier sans évoquer l’ancien et peut-être futur président. Il avait personnellement appelé les élus texans à « faire le nécessaire » pour protéger la majorité républicaine à la Chambre. Certains messages privés ont fuité pendant le procès. Embarrassant.
Du coup, cette décision tombe au pire moment pour lui. Sa majorité à la Chambre est ultra-fragile (quelques sièges seulement). Perdre cinq circonscriptions texanes, même temporairement ou pas, pourrait tout faire basculer en 2026. Et on sait à quel point il déteste perdre.
Un précédent qui pourrait faire école
Ce qui est passionnant, c’est que ce jugement pourrait déclencher une vague dans d’autres États républicains. La Caroline du Nord, la Géorgie, la Floride… tous ont des cartes électorales contestées pour les mêmes raisons. Si les plaignants gagnent au Texas, ils gagneront ailleurs.
Inversement, si la Cour suprême casse la décision, ce sera un feu vert pour continuer le gerrymandering racial partout où c’est possible. On sera alors face à un choix de société : est-ce qu’on accepte que la démographie soit neutralisée par des cartes truquées, ou est-ce qu’on redonne enfin la parole aux nouveaux Américains ?
Je ne sais pas vous, mais moi je trouve que la réponse devrait être évidente. Pourtant, rien n’est moins sûr.
En attendant, le Texas se retrouve avec une carte électorale datant de 2022 pour les élections de 2026. Ironique, non ? L’État qui se veut à la pointe du conservatisme moderne va voter avec une carte jugée plus équitable… par ses adversaires.
Comme quoi, parfois, l’histoire fait des loopings inattendus. Et franchement, celle-ci est loin d’être terminée.
