Vous êtes au Vélodrome un soir de match, la tension est électrique, le virage Sud hurle plus fort que jamais. Et là, au milieu des fumigènes et des écharpes, une voix domine toutes les autres : « Titi, c’est toi le boss ! » Ce cri, tout Marseille le connaît. Pendant des années, il a résumé la passion brute, sans filtre, d’un supporter devenu icône. Et pourtant, en ce mois de novembre 2025, ce même homme s’apprête à troquer le mégaphone du kop pour les réunions de campagne. Oui, Thierry Mode, plus connu sous son surnom légendaire, vient de dire oui à Martine Vassal pour les municipales 2026.
Franchement, quand j’ai appris la nouvelle, j’ai d’abord cru à une blague de fin de match. Puis je me suis dit : pourquoi pas ? À Marseille, la frontière entre le foot et la politique a toujours été poreuse. On vote avec le cœur, on râle avec le cœur, on aime avec le cœur. Alors voir un symbole du peuple olympien rejoindre une liste de droite, ça secoue. Et ça fait parler. Beaucoup.
Un virage à 180 degrés qui n’en est peut-être pas un
À l’état civil, il s’appelle Thierry Mode. Mais prononcez ce nom dans n’importe quel bar du Panier ou de la Plaine, on vous regardera avec des yeux ronds. Pour tout le monde ici, il est Titi c’est toi le boss. Point final. Le gars est présent à chaque match, à chaque arrivée de joueur à Marignane, à chaque événement qui fait vibrer la cité phocéenne autour de l’OM. 117 000 abonnés sur X, ce n’est pas rien. C’est plus que certains élus locaux.
Et pourtant, l’homme n’est pas qu’un hurleur de tribune. Derrière l’image du supporter enflammé, il y a un militant associatif de longue date, particulièrement sensible aux questions de handicap et d’inclusion. Rappelez-vous : en octobre dernier, il a couru de la région parisienne jusqu’à Marseille pour la première édition du « Marathon des capables ». Objectif ? Lever des fonds pour équiper des athlètes handisport. Une deuxième édition est déjà programmée. C’est précisément sur ces deux piliers – sport et inclusion – que Martine Vassal souhaite le voir travailler si elle décroche la mairie.
Pourquoi Martine Vassal a-t-elle frappé à sa porte ?
La réponse est assez simple : à Marseille, l’OM reste le meilleur vecteur d’émotion populaire. Plus fort que n’importe quel parti. Martine Vassal, présidente du département et candidate déclarée, sait parfaitement que toucher le cœur des supporters, c’est toucher le cœur de la ville. Avoir à ses côtés une figure aussi fédératrice que Titi, c’est un coup politique malin. Voire audacieux.
« Sous vos yeux Marseillais, la HAINE gratuite et rance de ceux qui ne supportent pas qu’on pense différemment. Bravo à Thierry Mode pour le courage de cet engagement ! »
– Le porte-parole de la candidate, visiblement ému par les réactions
Car oui, le courage, il en faut. Dès l’annonce de ce rapprochement, les réseaux sociaux se sont enflammés. Certains supporters ont simplement arrêté de le suivre. D’autres sont allés beaucoup plus loin : insultes, menaces, appels à boycotter ses lives d’avant-match. Le genre de violence verbale qu’on croyait réservé aux arbitres. Titi, lui, reste philosophe : « Si on a peur, on ne fait plus rien. » Une phrase qui résume assez bien l’état d’esprit marseillais, finalement.
Un paysage politique marseillais plus fracturé que jamais
Pour bien comprendre l’onde de choc, il faut replonger dans le contexte des municipales 2026. Marseille reste une ville ingouvernable ou presque, découpée en secteurs, tiraillée entre clans et ambitions personnelles. Martine Vassal porte les couleurs d’une droite élargie : Les Républicains, Renaissance, Horizons. Face à elle, plusieurs adversaires sérieux.
- Sébastien Delogu, député insoumis, déjà en campagne et très offensif sur les réseaux.
- Franck Allisio pour le Rassemblement national, qui espère capitaliser sur le mécontentement populaire.
- Et bien sûr Benoît Payan, le maire sortant divers gauche, qui devrait logiquement rempiler avec le soutien des socialistes, écologistes et communistes.
Dans ce tableau, l’arrivée de Titi dans le camp Vassal change un peu la donne. Pas parce qu’il va ramener des milliers de voix à lui tout seul – soyons sérieux – mais parce qu’il incarne quelque chose de rare en politique : une forme d’authenticité brute. Pas de langue de bois, pas de costume-cravate permanent, pas de discours formaté. Juste un gars du peuple qui parle au peuple.
Le sport comme levier politique : une vieille recette qui marche toujours
À Marseille plus qu’ailleurs, le sport n’est jamais très loin de la politique. Souvenez-vous de Pape Diouf, ancien président de l’OM devenu candidat malheureux en 2014. Ou de tous ces élus qui n’hésitent pas à enfiler le maillot ciel et blanc dès qu’il s’agit de se montrer. Ici, on ne fait pas campagne dans les marchés seulement ; on fait campagne au stade aussi.
En misant sur les questions sportives et d’inclusion, Martine Vassal touche deux cordes sensibles :
- Le besoin criant d’infrastructures dignes de ce nom (piscines, gymnases, stades de quartier en piteux état).
- La volonté de faire de Marseille une ville plus accessible, notamment pour les personnes en situation de handicap – un sujet souvent relégué au second plan.
Et qui mieux qu’un supporter connu pour son engagement associatif pouvait porter ces combats ? L’opération séduction est claire. Reste à savoir si elle sera payante dans les urnes.
Les réactions dans le monde olympien : entre stupeur et colère
Dans les groupes de supporters, ça chauffe. Beaucoup vivent ce choix comme une trahison. « Titi, t’étais des nôtres, pourquoi tu vas avec eux ? » Peut-on lire un peu partout. Certains rappellent que le virage Sud a toujours été plutôt ancré à gauche, voire très à gauche. Voir l’une de ses figures rejoindre une liste de droite soutenue par Renaissance, ça passe mal.
Mais d’autres, plus mesurés, défendent le droit de penser par soi-même. Après tout, aimer l’OM et voter à droite, ce n’est pas incompatible. Et puis, comme le dit Titi lui-même dans une récente interview régionale : « Je reste le même. Mon engagement, c’est pour Marseille, pas pour un parti. » Une phrase qui désarme un peu la polémique, sans l’éteindre complètement.
Et maintenant ? Vers une campagne sous haute tension
Ce qui est sûr, c’est que la campagne 2026 s’annonce explosive. Entre les coups bas attendus, les alliances improbables et les ego surdimensionnés, l’entrée en scène de Titi ajoute une touche populaire qui manquait peut-être au débat. Va-t-il réussir à parler au-delà du peuple olympien ? Va-t-il réussir à faire passer ses idées sur le sport et le handicap dans un programme plus large ? Mystère.
Une chose est certaine : à Marseille, rien n’est jamais écrit d’avance. La ville a l’habitude de réserver des surprises. Et si, finalement, le plus grand transfert de l’année n’était pas celui d’un joueur, mais celui d’un supporter devenu acteur politique ?
En attendant, le Vélodrome continuera de chanter. Peut-être un peu différemment. Peut-être avec une pointe d’interrogation dans la voix quand résonnera le traditionnel « Titi, c’est toi le boss ». Parce qu’à Marseille, on peut tout pardonner. Sauf, parfois, de changer de camp.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Un supporter peut-il faire de la bonne politique ? Ou le mélange des genres foot/politique est-il toujours dangereux ? Les commentaires sont ouverts. Et quelque chose me dit qu’ils vont chauffer autant que le derby.
