Imaginez un département qui prépare l’arrivée du métro du siècle, qui rêve d’une Cité de la gastronomie, qui possède des bords de Marne magnifiques… et qui, en même temps, s’apprête à couper le robinet de la seule structure capable de vendre tout ça aux visiteurs. C’est exactement ce qui se joue en ce moment dans le Val-de-Marne. Un paradoxe qui laisse pas mal de monde pantoise.
Un « ouf » de soulagement… très provisoire
Fin novembre, le conseil d’administration de l’association Val-de-Marne Tourisme & Loisirs a dit non à la dissolution. Quelques mains seulement se sont levées pour mettre fin à vingt-cinq ans d’existence. Soulagement général, applaudissements même. Mais la fête a été de courte durée.
Car le vrai problème n’est pas réglé : le département, étranglé financièrement, a prévenu qu’il ne verserait plus un centime de subvention en 2026. Sans cet argent – environ la moitié du budget de l’association – c’est la survie même de l’outil qui est menacée.
Une lettre qui a fait l’effet d’une douche froide
Mi-octobre, le président du conseil départemental a adressé un courrier à la présidente de l’association. Ton poli, presque affectueux. Il loue le travail accompli, assure que la décision n’a rien à voir avec la qualité du boulot réalisé… et annonce quand même la fin du financement.
« Croyez que je suis sincèrement désolé d’avoir à vous faire part d’une si douloureuse décision »
Extrait du courrier du président du département
Traduction : on adore ce que vous faites, mais on n’a plus les moyens. Classique.
Un département riche… de projets, pas d’argent
Le Val-de-Marne n’est pas le plus pauvre d’Île-de-France, loin de là. Mais entre les aides sociales qui explosent, les collèges à rénover et les conséquences de la suppression de la taxe d’habitation, la marge de manœuvre est devenue microscopique.
Résultat : on taille dans tout ce qui n’est pas obligatoire. Et le tourisme, malheureusement, n’en fait pas partie. Pourtant, ceux qui bossent sur le terrain le répètent : supprimer cet outil maintenant, c’est comme démonter le moteur d’une voiture juste avant le grand départ.
Des projets XXL qui ont besoin d’un chef d’orchestre
Regardez la liste des chantiers en cours, elle donne le vertige :
- Le Grand Paris Express : 7 nouvelles gares dans le département d’ici 2030
- La Cité de la gastronomie (projet toujours vivant, même s’il traîne)
- Les bords de Marne enfin valorisés
- Des bases de loisirs en pleine mutation
- Des musées qui se réveillent (MAC VAL, musée de la Résistance…)
Tout ça demande une promotion coordonnée, professionnelle, continue. Exactement ce que fait l’association depuis 1999. Sans elle, chaque ville, chaque hôtel, chaque resto va devoir se débrouiller seul face à la machine parisienne qui aspire 90 % des visiteurs.
Les professionnels sonnent l’alarme
Dans le milieu, on ne parle que de ça. Les hôteliers, les restaurateurs, les guides-conférenciers, les responsables de bases de loisirs : tout le monde est vent debout.
« On est à l’aube du Grand Paris Express, on parle d’une Cité de la gastronomie, on a un département magnifique… et on supprimerait l’outil qui le vend ? C’est aberrant. »
Un trésorier d’association hôtelière, particulièrement remonté
Et il n’est pas seul. Une pétition circule, des centaines de signatures déjà. Anciennes présidentes, directeurs de musée, patrons de camping… tout l’écosystème touristique francilien se mobilise.
Et si on trouvait l’argent ailleurs ?
Plusieurs pistes sérieuses sont sur la table :
- Reverser à l’association la taxe additionnelle de séjour collectée par le département (plusieurs centaines de milliers d’euros par an)
- Faire contribuer davantage les communes qui augmentent leur propre taxe de séjour
- Réduire certaines actions pour baisser les coûts
- Chercher des partenariats privés plus ambitieux
Des solutions existent. Elles demandent juste un peu de volonté politique et de créativité. Parce que, franchement, laisser mourir un outil qui marche bien sous prétexte qu’il n’est pas obligatoire, c’est un choix qui risque de coûter très cher à long terme.
Le tourisme, parent pauvre des priorités ?
J’ai parfois l’impression qu’en France, on considère encore le tourisme comme un bonus sympa quand tout va bien, mais le premier poste sacrifié quand ça se gâte. C’est dommage. Car chaque euro investi dans la promotion rapporte gros : nuitées d’hôtel, restos, transports, emplois indirects…
Dans le Val-de-Marne, on estime que l’activité touristique représente plusieurs dizaines de milliers d’emplois directs et indirects. Supprimer le comité, c’est risquer de mettre tout ce petit monde en difficulté. Et pour quel gain immédiat ? Quelques centaines de milliers d’euros économisés sur un budget départemental de plus d’un milliard.
Un modèle qui a fait ses preuves depuis 25 ans
Il faut se rappeler d’où on part. En 1999, le Val-de-Marne était une terre inconnue touristiquement. Paris aspirait tout. L’association a réussi, petit à petit, à faire exister la destination : salons, éditions, réseaux sociaux avant l’heure, partenariats malins. Résultat : des visiteurs qui restent dormir, qui vont au MAC VAL, qui découvrent la guinguette ou la roseraie du Val-de-Marne.
Aujourd’hui, quand on parle « tourisme en petite couronne », on cite souvent le 94 en exemple. Ironique, non ? On risque de tuer la poule aux œufs d’or juste au moment où elle commence à pondre vraiment.
Et maintenant ?
Les prochaines semaines vont être décisives. Le vote du budget 2026 approche. Les élus vont devoir trancher : maintenir un minimum de subvention ou laisser l’association se débrouiller seule.
En attendant, les équipes continuent de travailler. Salons à préparer, brochures à boucler, réseaux à animer. Avec, elles le font avec cette boule au ventre qu’ont tous ceux qui savent que leur outil pourrait disparaître du jour au lendemain.
Alors oui, il y a des priorités sociales incontestables. Mais sacrifier l’avenir économique d’un territoire pour équilibrer les comptes à court terme, est-ce vraiment la bonne stratégie ? La question mérite d’être posée. Et vite.
Parce que, comme le disent les pros du secteur : « Quand le tourisme va, tout va. » Et dans le Val-de-Marne, on n’a vraiment pas envie qu’il s’arrête.
