Imaginez-vous arriver au commissariat de votre ville et découvrir que le plafond menace de s’écrouler sur la tête des agents. C’est, ni plus ni moins, la réalité quotidienne des policiers de Villeneuve-Saint-Georges depuis bien trop longtemps. Un bâtiment fatigué, promis à la rénovation depuis 2022 par un ministre de l’Intérieur en campagne, mais qui attend toujours son chantier. Lassée d’attendre, la nouvelle maire a décidé de prendre les choses en main… à sa façon.
Une « Cité de la sécurité » pour ne pas tout perdre
Kristell Niasme, élue en février dernier sous l’étiquette Les Républicains, refuse de voir le commissariat de plein exercice de sa commune disparaître ou être relégué au rang de simple antenne. L’idée est simple sur le papier : regrouper dans un seul et même lieu la police nationale, actuellement logée dans des locaux indignes, et la police municipale, déjà bien équipée. Un grand bâtiment unique, moderne, visible, qui enverrait un signal fort aux habitants : ici, on mise sur la sécurité.
En réalité, le projet en est encore à l’état d’embryon. Ce que la maire a obtenu pour l’instant, c’est le financement d’une étude de faisabilité par l’État. Un premier pas, certes, mais qui montre que l’idée commence à faire son chemin dans les couloirs du ministère. Et quand on connaît le soutien sans faille que Kristell Niasme affiche à l’égard de l’ancien ministre Bruno Retailleau, on comprend mieux pourquoi la porte s’est entrouverte.
Des locaux qui font peine à voir
Pour comprendre l’urgence, il faut avoir vu l’état actuel du commissariat central. Les photos prises il y a quelques années circulent encore parmi les syndicats de police : moisissures, câbles apparents, bureaux exigus, chauffage capricieux. Un fonctionnaire confiait récemment que certains collègues préfèrent traiter les plaintes dans leur voiture plutôt que d’y faire entrer les victimes. Pathétique.
Depuis la visite très médiatisée de Gérald Darmanin en 2022, les promesses pleuvaient : rénovation complète, extension, mise aux normes. Trois ans plus tard ? Rien. Ou presque. Le dossier traîne dans les méandres administratifs pendant que la situation se dégrade. Et dans l’esprit de beaucoup d’habitants, l’abandon du commissariat sonnerait comme un aveu : Villeneuve-Saint-Georges ne mérite plus une police nationale à temps plein.
« On ne peut plus attendre que l’État daigne tenir ses engagements. Si on veut garder notre commissariat, il faut proposer autre chose, une solution clé en main »
– Une source proche du dossier municipal
Un bâtiment vide déjà repéré en centre-ville
La maire a déjà son idée sur l’emplacement. Un immeuble appartenant à la commune, actuellement inoccupé, situé en plein cœur de Villeneuve-Saint-Georges. L’avantage ? Il est à deux pas de la gare, visible de loin, et surtout déjà propriété de la ville – donc pas de longue bataille foncière. Reste à savoir si la structure peut supporter les exigences techniques d’un commissariat moderne : cellules de dégrisement, armurerie sécurisée, salles d’audition protégées, parking blindé… L’étude de faisabilité dira si c’est jouable ou s’il faudra tout raser pour reconstruire.
Mais voilà, rien n’est jamais simple en banlieue parisienne.
Valenton entre dans la danse avec une offre alléchante
À quelques kilomètres seulement, la mairie de Valenton observe la situation avec intérêt… et une pointe d’opportunisme. La commune voisine dispose d’un terrain bien plus vaste, idéalement placé le long d’un axe routier majeur et déjà raccordé à toutes les infrastructures nécessaires. Traduction : des travaux bien moins coûteux et un calendrier potentiellement plus rapide.
Derrière cette proposition, on sent la volonté de créer un équipement structurant à l’échelle intercommunale. Un grand commissariat partagé entre plusieurs villes, pourquoi pas ? Sauf que pour Villeneuve-Saint-Georges, accepter reviendrait à voir son commissariat historique déménager hors de ses frontières. Symbole fort, identité locale, fierté municipale… tout ça pèserait lourd dans la balance.
- Un terrain communal à Villeneuve : symbole fort, mais travaux lourds probables
- Un terrain à Valenton : plus fonctionnel, plus rapide, mais hors commune
- L’État comme arbitre final : qui paiera quoi et où ?
Un enjeux qui dépasse largement la sécurité
Ce bras de fer discret entre deux mairies voisines révèle une réalité plus large. En Île-de-France, les commissariats vétustes sont légion. Faute de moyens, l’État ferme les petits sites pour concentrer les effectifs dans de gros équipements neufs. Résultat : des habitants qui se retrouvent parfois à vingt ou trente minutes de leur commissariat le plus proche. Dans des quartiers où la tension est déjà palpable, c’est un signal désastreux.
La « Cité de la sécurité » version Villeneuve-Saint-Georges, si elle voit le jour, pourrait devenir un modèle. Un partenariat public-public où la commune met le foncier et une partie du financement, l’État apporte les moyens humains et techniques, et tout le monde y trouve son compte. Ou pas. Car certains y voient déjà une façon détournée pour l’État de se défausser du coût de la rénovation promise.
J’ai discuté récemment avec un ancien policier municipal de la ville. Il résumait la situation avec une formule brutale : « Si on perd le commissariat national, on perdra aussi une partie de l’âme de Villeneuve. » Le genre de phrase qu’on n’entend pas dans les réunions officielles, mais qui résonne fort chez les habitants.
Et les habitants dans tout ça ?
Officiellement, la population n’a pas encore été consultée. Mais dans les conversations de quartier, le sujet revient souvent. Beaucoup préfèrent garder leur commissariat même s’il faut des travaux longs et coûteux, plutôt que de le voir partir à Valenton. D’autres, plus pragmatiques, estiment qu’un bâtiment neuf et fonctionnel, même à cinq minutes en voiture, serait déjà une immense victoire.
Ce qui est sûr, c’est que la sécurité reste une préoccupation majeure. Entre les rodéos urbains, les trafics en tout genre et le sentiment d’abandon, les habitants attendent du concret. Une belle façade ne suffira pas. Il faudra des effectifs, des moyens, une présence visible jour et nuit.
Prochaines étapes et calendrier incertain
L’étude de faisabilité doit durer plusieurs mois. Ensuite viendra le temps des arbitrages budgétaires – toujours le moment le plus délicat. La maire mise sur sa proximité politique avec le précédent gouvernement pour faire avancer le dossier, mais rien n’est gagné. Surtout si Valenton sort une proposition chiffrée plus séduisante.
En attendant, le vieux commissariat continue de tenir par l’opiniâtreté de ceux qui y travaillent. Plâtre qui tombe, chauffage en panne, bureaux surchargés… mais la porte reste ouverte. Pour combien de temps encore ?
Ce qui se joue à Villeneuve-Saint-Georges n’est pas qu’une histoire de mètres carrés ou de millions d’euros. C’est une question de dignité, de considération, d’appartenance. Quand une ville se bat pour garder son commissariat, c’est toute son identité qu’elle défend. Et ça, ça ne se négocie pas facilement autour d’une table.
À suivre, donc. Très attentivement.
