Vous êtes-vous déjà demandé jusqu’où une rivalité de quartier pouvait faire trembler les murs d’un palais de justice ? Hier, à Évry-Courcouronnes, la réponse a été brutale.
Ce qui devait être une simple troisième journée d’audience dans le procès pour le meurtre d’Arthur s’est transformé en scène de chaos. Deux bagarres successives, une centaine de policiers appelés en renfort, et finalement un huis clos total prononcé par le président de la cour d’assises. On se croirait presque dans un film… sauf que c’est la réalité crue de certaines banlieues franciliennes.
Quand la salle des pas perdus devient ring de boxe
Reprenons depuis le début. José M., 26 ans, originaire de Sainte-Geneviève-des-Bois, comparaît depuis plusieurs jours pour le meurtre d’Arthur, un jeune de 19 ans venu de Saint-Michel-sur-Orge. L’histoire est tragique : une expédition punitive, un lynchage filmé, une humiliation qui a mal tourné. Le genre d’affaire qui marque les esprits et ravive les vieilles haines entre quartiers.
Et ces haines, justement, n’ont pas attendu le verdict pour exploser.
Première alerte en début d’après-midi
Déjà, dès les premières heures, l’ambiance était électrique. Des groupes de jeunes des deux camps se toisent dans la salle des pas perdus. Les regards fusent, les provocations aussi. Les forces de l’ordre, présentes en nombre, tentent de maintenir une distance raisonnable. Mais quand la tension accumulée depuis des mois se retrouve concentrée dans un même lieu, ça ne tient qu’à un fil.
Vers le milieu de l’après-midi, le fil rompt.
Une première bagarre générale éclate. Poings, chaises qui volent, cris. Les gendarmes mobiles interviennent immédiatement, mais le mal est fait. Le président de la cour, Michaël Humbert, interrompt l’audience et lance un avertissement clair : « Si cela se reproduit, je ferme les portes. »
« On pouvait s’y attendre. Mais si cela devait se renouveler, je n’hésiterai pas à fermer les portes »
Le président de la cour d’assises, juste après la première bagarre
Et puis… ça recommence
On aurait pu croire que l’avertissement suffirait. Que la peur du huis clos calmerait les esprits. Eh bien non. Quelques dizaines de minutes plus tard, rebelote. Nouvelle altercation, plus violente encore. Cette fois, c’est l’évacuation totale du tribunal qui est ordonnée.
En quelques instants, plus d’une centaine de policiers débarquent sirènes hurlantes. Les images – que vous avez sans doute vues tourner sur les réseaux – sont impressionnantes : cordons de CRS, jeunes qui courent dans tous les sens, familles en pleurs. Un déploiement rarement vu pour un simple procès.
Le huis clos, une décision rare mais logique
Face à ce chaos, le président n’a plus le choix. Il prononce le huis clos pour le reste des débats. Exit le public, exit les familles, exit les journalistes. Seuls restent l’accusé, les parties civiles, les avocats, les jurés et le strict nécessaire.
Une décision lourde de sens. Le huis clos en cour d’assises, c’est exceptionnel. Ça arrive dans les affaires de terrorisme, de viols sur mineurs, parfois de criminalité organisée. Mais pour une rivalité de quartier ? Ça en dit long sur le climat.
Et franchement, entre nous, on peut comprendre le magistrat. Comment rendre une justice sereine quand la salle des pas perdus ressemble à un octogone ?
Derrière les coups, une guerre de territoire qui dure
Parce qu’il faut le rappeler : ce n’est pas juste une bagarre de supporters un soir de match. C’est l’aboutissement d’une rivalité qui empoisonne la vie de deux villes depuis des années.
Sainte-Geneviève-des-Bois d’un côté, Saint-Michel-sur-Orge de l’autre. Deux communes voisines, deux quartiers populaires, deux identités qui se sont construites en opposition. Les plus anciens parlent de tensions qui remontent à plus de quinze ans. Les plus jeunes, eux, ont grandi dedans.
- Guéguerres sur les réseaux sociaux
- Rixes régulières dans les rues ou les gares
- Expéditions punitives filmées et diffusées pour la gloire
- Un mort, Arthur, qui cristallise tout
Au fond, ce qui s’est passé hier au tribunal, c’est la suite logique d’une spirale. Le procès était censé clore le chapitre. Il l’a rouvert en grand.
La justice face à l’émotion brute
J’ai couvert pas mal d’affaires sensibles. Mais rarement on voit une telle charge émotionnelle déborder à ce point. D’un côté, la famille d’Arthur qui cherche des réponses, de la reconnaissance, une forme d’apaisement. De l’autre, celle de l’accusé qui défend son fils, son frère, persuadée qu’on exagère sa responsabilité.
Et entre les deux, des dizaines de jeunes qui n’ont parfois même pas connu la victime mais qui se sentent obligés de “tenir le quartier”. C’est cette mécanique-là qui a explosé hier.
Alors oui, le huis clos protège le bon déroulement des débats. Mais il prive aussi la société d’un moment important : celui où la justice, publiquement, dit le droit face à la violence.
Un verdict attendu dans la soirée… ou la nuit
À l’heure où j’écris ces lignes, les débats se poursuivent à huis clos. Les avocats plaident, les jurés délibèrent dans le secret. Le verdict pourrait tomber tard ce soir, peut-être même demain matin.
Jose M. risque la réclusion criminelle à perpétuité. Mais au-delà de la peine, c’est tout un territoire qui retient son souffle. Car quel que soit le verdict, la rivalité ne s’éteindra pas avec une signature au bas d’un arrêt.
Et maintenant ?
La question que tout le monde se pose : comment éviter que ça se reproduise ? Renforcer la sécurité dans les tribunaux ? Délocaliser certains procès sensibles ? Mieux accompagner les familles ? Travailler en amont sur ces rivalités qui gangrènent des territoires entiers ?
Il y a probablement un peu de tout ça. Mais une chose est sûre : hier, à Évry, la justice a vacillé. Pas dans ses fondements, mais dans sa capacité à rester accessible et sereine face à la rue.
Et ça, c’est un signal qu’on ne peut pas ignorer.
En attendant le verdict, une pensée pour la famille d’Arthur qui n’aura pas pu suivre les derniers instants du procès de son fils. Et une autre pour tous ces jeunes qui, quelque part, ont besoin qu’on leur tende une autre main que celle qui cogne.
Parce qu’au final, c’est peut-être ça le vrai défi : transformer la colère en autre chose. Avant que le prochain tribunal ne ressemble à une arène.
