Vous est-il déjà arrivé de monter dans un train et, soudain, de sentir que quelque chose cloche ? Ce regard un peu trop appuyé, cette proximité qui n’a rien de fortuit… Le 11 novembre dernier, une jeune étudiante a vécu exactement cela. Et pas n’importe où : dans le RER D, cette artère vitale mais souvent mal aimée de l’Île-de-France. Ce qui s’est passé ensuite dépasse le simple fait divers : il touche à la fois à l’insécurité quotidienne et à la dimension diplomatique.
Une agression éclair en gare de Ris-Orangis
Il est un peu plus de 18 heures ce soir-là. Le train est à quai à Ris-Orangis, dans l’Essonne. La jeune femme, étudiante discrète, attend que les portes s’ouvrent. Trois individus l’observent depuis plusieurs minutes. Rien d’amical dans leurs yeux. Et puis, d’un coup, l’un d’eux passe à l’acte : il tente d’arracher le pendentif qu’elle porte au cou.
La chaîne cède. Le bijou disparaît dans la poche d’un des agresseurs. Pas de coups, pas de blessures apparentes, mais le choc est brutal. En quelques secondes à peine, les trois hommes sautent sur le quai et se fondent dans la foule avant même que le train redémarre. La victime reste sonnée, la main sur le cou, réalisant à peine ce qui vient de se produire.
« Ils m’ont fixée longtemps, puis l’un d’eux a tiré d’un coup sec. J’ai senti la chaîne casser net. »
– La victime, lors de son dépôt de plainte
Ce n’est que quelques jours plus tard, ce mercredi précisément, qu’elle franchit le seuil du commissariat pour porter plainte officiellement. Et là, un détail change tout : la jeune femme n’est pas une étudiante lambda. Elle est la fille du vice-consul du Maroc en poste en France.
Le RER D, un terrain de plus en plus miné
Franchement, quand on prend le RER D régulièrement, on sait que ça peut partir en vrille n’importe quand. Entre les bagarres, les vendeurs à la sauvette qui bloquent les portes, les contrôles qui dégénèrent et les incivilités à tous les étages, l’ambiance est rarement à la sérénité. Mais un vol avec violence ciblé, en gare, sur la fille d’un diplomate ? On passe un cran au-dessus.
Cette ligne traverse des zones sensibles. Ris-Orangis, Évry-Courcouronnes, Grigny, Viry-Châtillon… Des noms qui reviennent souvent dans les faits divers. Et pourtant, des milliers de gens n’ont pas le choix : c’est leur seul moyen de rejoindre Paris ou leur banlieue. Le matin, c’est blindé. Le soir, c’est parfois glauque.
- Retards chroniques qui laissent les voyageurs à quai pendant des heures
- Présence policière aléatoire, souvent concentrée sur les grandes gares
- Vidéosurveillance en panne ou tout simplement ignorée par les délinquants
- Sentiment d’impunité totale pour les petits (et moins petits) délits
Résultat ? Beaucoup préfèrent rentrer tôt ou payer un VTC plutôt que de risquer le dernier RER.
Quand le fait divers devient affaire diplomatique
Imaginez la tête des policiers quand ils comprennent l’identité de la victime. On ne parle plus seulement d’un « snatching » classique – ces vols à l’arraché qui pullulent dans les transports. On parle d’une citoyenne marocaine, fille d’un représentant officiel du Royaume. Même si l’agression n’a pas été motivée par cela (rien ne le prouve pour l’instant), le symbole est lourd.
Le Maroc entretient des relations étroites avec la France. Des milliers d’étudiants marocains viennent chaque année. Des familles de diplomates vivent ici, parfois depuis des années. Un tel incident, même isolé, peut vite prendre une tournure embarrassante.
D’ailleurs, on peut se demander si l’enquête va bénéficier d’un traitement particulier. Pas par favoritisme, mais parce que la dimension internationale impose une certaine rigueur. Les caméras de la gare ont-elles filmé quelque chose d’exploitable ? Les témoins vont-ils enfin parler ? Les prochaines semaines nous le diront.
L’arrachage de bijou, une spécialité qui explose
Ces derniers mois, les vols de colliers ou de chaînes en or se multiplient dans les transports franciliens. Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est rapide, rentable, et l’or se revend facilement. Une chaîne de 10 grammes, c’est déjà plusieurs centaines d’euros dans la poche.
Les cibles ? Souvent des femmes, parfois des adolescents, qui portent visiblement un bijou. Les agresseurs repèrent, attendent le bon moment – une gare, un arrêt, une bousculade – et passent à l’acte. Le tout en moins de cinq secondes.
J’ai discuté avec un ancien agent de la sûreté ferroviaire. Il m’expliquait que les équipes sont débordées : « On court après des pickpockets, des fumeurs de crack, des bagarres… Et pendant ce temps, les vols à l’arraché continuent. » Triste constat.
Et nous, usagers lambdas, on fait quoi ?
On enlève nos bijoux avant de prendre le train ? On voyage en groupe ? On évite certains horaires ? Franchement, c’est épuisant de devoir penser à tout ça pour simplement rentrer chez soi.
Certains diront qu’il ne faut pas dramatiser, que la majorité des trajets se passe bien. C’est vrai. Mais quand on lit ce genre d’histoire – une jeune femme agressée sous les yeux des autres voyageurs, qui n’osent souvent rien dire – on se dit que le seuil de tolérance est dépassé depuis longtemps.
« On a peur, mais on n’a pas le choix. Alors on baisse la tête et on prie pour que ça aille. »
– Une usagère régulière du RER D
Ce témoignage, je l’ai recueilli il y a quelques semaines à la gare de Villeneuve-Saint-Georges. Il résume tout.
Des solutions existent-elles vraiment ?
On nous parle de renforts policiers, de brigades spécialisées, de chiens, de portiques de détection de métaux (abandonnés finalement). On installe des caméras partout… qui filment mais n’empêchent rien. On crée des applications pour signaler les incidents en temps réel. Tout ça, c’est bien. Mais sur le terrain, ça change quoi ?
Ce qu’il faudrait, peut-être, c’est une présence humaine visible et dissuasive à chaque rame sensible. Des agents en civil qui se fondent dans la masse. Des sanctions rapides et exemplaires. Et surtout, une vraie politique de tranquillité publique qui ne se limite pas aux annonces.
En attendant, des milliers de voyageurs continuent de serrer leur sac contre eux, de cacher leur téléphone, de vérifier dix fois que personne ne les suit en sortant de la gare.
Un pendentif volé, une confiance brisée
Au-delà de la valeur matérielle, ce qui frappe dans cette histoire, c’est le sentiment d’impunité des agresseurs et la vulnérabilité de la victime. Un bijou, souvent, c’est plus qu’un objet. C’est un cadeau, un souvenir, une protection. Le voir disparaître en un éclair, sous la menace implicite de la violence, ça laisse des traces.
La jeune femme, elle, a repris ses cours. Elle porte plainte, suit son chemin. Mais quelque part, une partie de sa sérénité est restée sur ce quai de Ris-Orangis.
Et nous ? On continue de prendre le RER D, parce qu’on n’a pas vraiment le choix. Mais à chaque trajet, on y pense. Un peu plus.
Cet événement, aussi bref soit-il, nous renvoie à une réalité qu’on préfère parfois ignorer : nos transports en commun, censés nous rapprocher, sont aussi le théâtre d’une violence ordinaire qui gangrène le quotidien. Espérons que cette fois, au-delà du symbole diplomatique, il serve de déclic. Parce que demain, la prochaine victime pourrait être n’importe qui. Toi, moi, un proche. Il est temps que ça change.
