Vous êtes-vous déjà demandé ce que l’on ressent quand on signe un chèque de près de quarante millions d’euros pour une simple maison ? Moi, franchement, j’ai du mal à me l’imaginer. Et pourtant, c’est exactement ce qu’a fait Xavier Niel il y a quelques jours, en devenant le nouveau maître du Pavillon de musique de la comtesse du Barry, à Louveciennes. Un endroit qui n’a rien d’une maison ordinaire, soyons clairs.
Quand on parle de ce genre de transaction, on entre dans une autre dimension. Celle où l’histoire de France flirte avec les portefeuilles les plus garnis. Et cette fois, c’est un Français, et pas n’importe lequel, qui a raflé la mise. Ça change agréablement des princes du Golfe ou des oligarques russes, non ?
Un bijou néoclassique chargé d’histoire
Revenons un peu en arrière pour bien comprendre de quoi on parle. Ce pavillon, construit vers 1770-1772, n’est pas tombé du ciel. Il a été commandé par Jeanne Bécu, plus connue sous le titre de comtesse du Barry, dernière favorite officielle de Louis XV. Le roi, déjà âgé et fatigué, lui avait offert le château de Louveciennes et les terres alentour. Mais ça ne suffisait pas à Madame. Elle voulait un lieu rien que pour ses fêtes, ses concerts, ses soupers fins. Un endroit où briller loin du protocole écrasant de Versailles.
L’architecte Claude-Nicolas Ledoux, oui, le même qui signera plus tard les barrières de Paris et la saline royale d’Arc-et-Senans, se met au travail. Le résultat ? Un petit palais d’à peine 1 350 m² habitables (une broutille à cette échelle) mais d’une pureté néoclassique absolue. Colonnes ioniques, frontons, symétrie parfaite. Et surtout, cette terrasse monumentale de 400 mètres carrés qui surplombe la vallée de la Seine comme un balcon sur le monde.
« Quand vous êtes sur cette terrasse, vous dominez tout : les boucles de la Seine, le Mont-Valérien, La Défense, la tour Eiffel, et même, par temps clair, la forêt de Montmorency. La nuit, c’est simplement magique. »
Un passionné d’histoire locale qui a eu la chance de visiter les lieux
Une reconstruction pierre par pierre
L’histoire de ce pavillon a failli s’arrêter net au début du XXe siècle. En 1929, le parfumeur François Coty, alors propriétaire, décide de creuser d’immenses caves sous la colline pour y installer son laboratoire. Résultat : les fondations lâchent. Plutôt que de tout raser, Coty fait démonter le bâtiment pierre par pierre et le remonte quelques mètres plus loin, sur un terrain stabilisé. Une opération folle, digne d’un pharaon qui déplacerait une pyramide.
Depuis, le pavillon a connu plusieurs vies. Fondation humanitaire, lieu semi-ouvert lors des Journées du Patrimoine… Jusqu’à cette vente discrète, annoncée début novembre 2025. Le prix ? On parle de 37,8 millions d’euros. Autant dire que le mètre carré dépasse allègrement les 28 000 €. À ce tarif, on espère au moins que le café est inclus.
Que trouve-t-on exactement pour ce prix ?
Beaucoup plus qu’une belle façade, croyez-moi. Voici ce que le nouveau propriétaire récupère :
- Un corps principal de 1 355 m² habitables sur trois niveaux
- Une quinzaine de pièces de réception, toutes décorées de boiseries, dorures et marbres restaurés à l’identique
- Le célèbre « Salon du Roi » où Louis XV venait en secret
- Une terrasse panoramique de 400 m² (oui, encore elle, on n’a pas fini d’en parler)
- Un pavillon d’accueil de 250 m²
- Un parc à l’anglaise de 4,6 hectares
- Un court de tennis (parce qu’il en faut bien un)
- Un parking… pour plus de 70 voitures. Pratique pour les soirées mondaines.
Et tout ça classé Monument historique depuis 1994. Donc pas question de transformer le salon en open-space ou de peindre les boiseries en gris anthracite. Xavier Niel le sait parfaitement, lui qui possède déjà un patrimoine immobilier impressionnant et qui a toujours montré un certain respect pour l’architecture.
Louveciennes, le Saint-Tropez des rois
Louveciennes n’a rien d’une commune ordinaire. Nichée entre Saint-Germain-en-Laye et Marly-le-Roi, elle a toujours attiré les puissants et les artistes. Pissarro y peignait les coteaux, Brigitte Bardot y a vécu, Jean-Pierre Pernaut y avait sa maison… Et puis il y a ce fameux « château Louis XV », réplique miniature de Vaux-le-Vicomte, acheté 275 millions d’euros en 2015 par un prince saoudien. À côté, les 38 millions de Niel font presque figure de bonne affaire.
Mais ce qui change, c’est la nationalité de l’acquéreur. Pour une fois, le joyau reste entre des mains françaises. Et pas n’importe lesquelles.
Xavier Niel, l’homme qui collectionne les lieux hors normes
On le sait discret sur sa vie privée, mais ses achats immobiliers parlent pour lui. Une ferme fortifiée dans l’Yonne, un hôtel particulier rue de Grenelle à Paris, une partie de l’île de Croë au Cap d’Antibes… Et maintenant ce pavillon. On sent une passion pour les lieux qui racontent quelque chose, qui ont une âme.
Est-ce qu’il va y vivre ? Y installer des bureaux pour ses startups ? En faire un lieu culturel ouvert au public de temps en temps ? Pour l’instant, mystère. Ceux qui le connaissent disent simplement : « S’il l’a acheté, c’est qu’il a un projet. Et avec lui, les projets sont rarement banals. »
« C’est une excellente nouvelle que ce soit une fortune française qui rachète ce genre de trésor. On peut lui faire confiance pour continuer à l’entretenir avec le soin qu’il mérite. »
Un historien local, visiblement soulagé
Et nous, simples mortels, dans tout ça ?
Évidemment, ce genre d’achat fait rêver. Ou grincer des dents, selon les jours. On se dit que 38 millions, ça ferait beaucoup de logements sociaux, beaucoup d’écoles, beaucoup d’hôpitaux. C’est vrai. Mais il y a aussi cette idée que certains lieux doivent être sauvés, entretenus, transmis. Et que, parfois, il faut des fortunes privées pour ça.
Personnellement, je trouve ça plutôt rassurant. Dans un monde où tant de châteaux tombent en ruine par manque d’argent, voir un entrepreneur français investir dans le patrimoine, ça change. Surtout quand on sait que le pavillon était ouvert lors des Journées du Patrimoine. Qui sait, peut-être que Xavier Niel continuera la tradition ?
En attendant, une chose est sûre : la prochaine fois que je passerai sur la D186 entre Bougival et Louveciennes, je lèverai les yeux vers la colline. Et je sourirai en me disant que là-haut, derrière ces colonnes blanches, un petit bout de l’histoire de France continue de vivre. Grâce à un homme qui a commencé par vendre des Minitel roses et qui, trente ans plus tard, peut s’offrir le salon où Louis XV écoutait du Rameau en galante compagnie.
Il y a des trajectoires qui forcent le respect, non ?
Et vous, que feriez-vous si vous aviez 38 millions à dépenser dans une seule maison ? Dites-le-moi en commentaire, je suis curieux…
