Imaginez-vous gravir un sentier escarpé, le souffle court, les jambes lourdes, mais porté par une détermination sans faille. Maintenant, imaginez que cette ascension n’est pas seulement physique, mais aussi mentale, face à un ennemi invisible qui s’attaque à votre corps. C’est l’histoire de Xavier Thévenard, légende de l’ultra-trail, terrassé par la maladie de Lyme depuis 2021, mais qui refuse de baisser les bras. Son parcours, entre exploits sportifs et combat intime, est une leçon de courage qui résonne bien au-delà des montagnes.
Un champion face à l’adversité
Xavier Thévenard, c’est d’abord un nom qui claque dans le monde du trail. Ce Jurassien d’1,70 m, surnommé le « petit prince du trail », a marqué l’histoire de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), une course mythique où il a triomphé à trois reprises (2013, 2015, 2018). Mais depuis août 2021, son ombre ne plane plus sur les sentiers. Ce jour-là, au kilomètre 50 des Chapieux, il abandonne, vidé de ses forces, le souffle coupé. Ce n’était pas une simple défaillance physique. La borréliose de Lyme, contractée des années plus tôt, avait pris le dessus.
« Ça me fait un pincement au cœur de revenir à Chamonix et de ne plus pouvoir courir à cause de ma santé. »
– Xavier Thévenard
Ce moment marque un tournant. Lui, l’athlète capable d’enchaîner 170 km de course en montagne, se retrouve confronté à une fatigue écrasante, des troubles cognitifs et une perte de force qu’il ne peut expliquer. La maladie de Lyme, transmise par une piqûre de tique, est devenue son adversaire le plus redoutable. Mais qui est vraiment cet ennemi ?
La maladie de Lyme : un fléau sournois
La borréliose de Lyme n’est pas une maladie anodine. En France, entre 50 000 et 70 000 personnes sont piquées par une tique chaque année, selon des données officielles. Parmi elles, certaines développent une forme chronique, reconnue officiellement par les autorités sanitaires françaises seulement en février 2025. Ce retard, comparé à des pays comme les États-Unis ou l’Allemagne, a laissé bien des patients dans l’ombre, dont Thévenard.
Les symptômes ? Une triade implacable : douleurs articulaires, fatigue chronique et troubles cognitifs. Imaginez ne plus pouvoir monter deux étages sans vous arrêter, ou perdre le fil d’une conversation banale. Pour un athlète comme Thévenard, habitué à repousser ses limites, c’est un choc. « J’ai ressenti les premiers signes fin 2019, confie-t-il. J’étais vite épuisé, mes jambes ne répondaient plus, je voyais flou. »
- Fatigue désocialisante : incapacité à maintenir une activité physique ou sociale prolongée.
- Brouillard cérébral : difficultés à se concentrer, pertes de mémoire immédiate.
- Douleurs diffuses : articulaires, musculaires, parfois sans cause évidente.
Ce qui rend la maladie si perfide, c’est son caractère insidieux. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’érythème migrant, cette rougeur caractéristique autour de la piqûre, n’apparaît pas toujours. Thévenard, lui, n’a rien vu. Pas un signe visible, juste un corps qui trahit, comme un moteur qui s’essouffle sans raison apparente.
Un combat contre l’invisible
Quand on pense à un champion d’ultra-trail, on imagine un surhumain, capable de dompter les pires conditions. Pourtant, face à la maladie de Lyme, Thévenard a dû réapprendre la patience. En 2020, il entame un traitement classique à base d’antibiotiques : amoxicilline, doxycycline. Mais la bactérie, Borrelia, est tenace. « J’ai eu des améliorations, mais je rechutais sans cesse », explique-t-il. La chronicité de la maladie s’installe, transformant chaque jour en une nouvelle épreuve.
Ce qui frappe dans son histoire, c’est sa pudeur. Longtemps, il a gardé le silence, refusant de s’apitoyer. « Je ne voulais pas me plaindre, ce n’est pas mon style. » Pourtant, cette discrétion a un revers : en France, la maladie de Lyme souffre d’un manque de reconnaissance. Les médecins, parfois démunis, attribuent les symptômes à une simple fatigue psychologique. Thévenard, lui, sait que c’est bien plus grave.
« La persistance de la bactérie est reconnue aux États-Unis et en Allemagne. Pourquoi pas ici ? Pourquoi nos souffrances ne sont-elles pas prises au sérieux ? »
– Xavier Thévenard
Frustré, il décide de traverser la frontière en 2023 pour consulter à la clinique Alviasana, en Allemagne. Là-bas, les médecins adoptent une approche globale : une trithérapie combinant antibiotiques, phytothérapie et thérapie des mitochondries pour traiter la fatigue chronique. « Cette combinaison m’a redonné une vie », affirme-t-il. Pas encore celle d’un champion, mais un premier pas.
L’impact sur une carrière légendaire
Thévenard, c’est l’homme du Grand Chelem de l’UTMB. Il est le seul à avoir remporté ses quatre courses individuelles : l’UTMB (170 km), la CCC (99 km), la TDS (119 km) et l’OCC (55 km). Des exploits qui font de lui une icône. Pourtant, depuis 2021, il est absent des podiums. Ses pairs, comme Ludovic Pommeret, vainqueur de l’UTMB 2016, le regrettent : « Sa présence manque. On n’oublie pas ses performances, mais dans ce milieu, on est vite remplacé. »
| Course | Distance | Année | Résultat |
| UTMB | 170 km | 2013, 2015, 2018 | Victoire |
| CCC | 99 km | 2010 | Victoire |
| TDS | 119 km | 2014 | Victoire |
| OCC | 55 km | 2016 | Victoire |
En 2023, il vit ce qu’il décrit comme « la pire année de ma vie ». Incapable de courir plus de 20 minutes, il doit renoncer à son retour à l’UTMB. Les montées, autrefois son terrain de jeu, deviennent des murs infranchissables. Pourtant, il refuse de s’avouer vaincu. « J’espère que cette histoire finira un jour », confie-t-il, le regard tourné vers un possible retour.
Un engagement au-delà du sport
Même diminué, Thévenard ne reste pas inactif. Fidèle à ses valeurs, il s’engage pour la protection de l’environnement. Il anime des fresques du climat, sensibilisant à l’urgence écologique. « Le réchauffement climatique augmente les populations de tiques, explique-t-il. C’est un cercle vicieux. » Ses sponsors, touchés par sa résilience, continuent de le soutenir. « On ne lâche pas un athlète comme lui », affirme un représentant d’une marque partenaire.
- Engagement écologique : Animation de fresques du climat mensuelles.
- Soutien des sponsors : Fidélité malgré l’absence de compétitions.
- Encadrement : Stages de trail dans le Jura, à un rythme adapté.
En mai 2025, il participe au Trail des Forts de Besançon (42 km). Pas pour la victoire, mais pour renouer avec la course. « J’étais en mode balade, avec des amis. Le public m’a porté. » Les encouragements des spectateurs, leur bienveillance, lui redonnent espoir. Ce jour-là, il termine loin du vainqueur, mais chaque pas est une victoire.
Vers un retour au sommet ?
Reverra-t-on Xavier Thévenard sur un podium ? La question brûle les lèvres. Son médecin allemand reste optimiste : « Il est jeune, il peut y arriver. » Pommeret, à 50 ans, est la preuve qu’un retour est possible, lui qui a remporté la Hardrock 100 en 2024 et 2025. Thévenard, lui, ne baisse pas les bras. « Je ferai tout pour me débarrasser de cette maladie, même si je dois aller aux États-Unis. »
Ce combat, c’est aussi un cri pour plus de reconnaissance. En France, la maladie de Lyme reste mal comprise, mal traitée. Thévenard veut changer cela. En partageant son histoire, il espère sensibiliser, donner espoir à ceux qui souffrent en silence. « On ne nous croit pas toujours, parce qu’on n’est pas en fauteuil roulant. Mais la souffrance est réelle. »
« J’ai tellement envie de revenir sur une course, de refaire un ultra. »
– Xavier Thévenard
Pour moi, l’histoire de Thévenard est plus qu’un simple récit sportif. C’est une leçon de vie. Face à l’adversité, il montre qu’on peut tomber, mais jamais s’arrêter. Chaque pas, même modeste, est une victoire contre l’invisible. Et si le chemin est encore long, une chose est sûre : le petit prince du trail n’a pas dit son dernier mot.
