Vous savez cette sensation quand votre équipe préférée gagne largement mais que vous rentrez quand même du stade avec la boule au ventre ? C’est exactement ce que des dizaines de milliers de supporters ont ressenti samedi soir au Stade de France. 48-33, sept essais à quatre, bonus offensif en poche… et pourtant, personne n’avait vraiment le sourire. Comme si les Bleus venaient de gagner un match qu’ils auraient dû dominer de la tête et des épaules.
Parce que oui, marquer près de cinquante points à une nation du Tier 1, ça reste une performance rare. Mais encaisser cinq essais à domicile contre une Australie pourtant diminuée, ça commence à faire beaucoup. Trop, même. Et quand on regarde les trois matchs de novembre, le constat est brutal : douze essais encaissés en trois rencontres. On ne parle plus d’accidents, on parle d’un vrai problème structurel.
Une victoire qui ne masque rien
Dans le vestiaire, l’ambiance n’était pas à la fête. Les joueurs eux-mêmes ont préféré pointer du doigt ce qui ne va pas plutôt que de se féliciter. Et franchement, ça fait du bien d’entendre cette autocritique. Parce que c’est facile de se cacher derrière le score quand tout va bien. Là, ils ont choisi la lumière crue de la vérité.
La défense, ce vieux démon qui revient
Reprenons les chiffres calmement. Vingt-deux plaquages manqués rien que contre l’Australie. Cinq essais encaissés. Et si on ajoute les rencontres précédentes, ça fait une moyenne de quatre essais pris par match sur la tournée. Pour une équipe qui ambitionne le toit du monde en 2027, c’est tout simplement inacceptable.
Ce n’est pas nouveau, me direz-vous. Déjà contre les Springboks, puis contre les Fidji, les mêmes trous d’air. Des séquences où la ligne défensive s’effiloche, où les un contre un sont perdus, où les appuis sont trop lents. On a vu des Australiens rentrer dans nos 22 mètres comme dans du beurre à plusieurs reprises. Et pourtant, cette équipe australienne n’est pas celle de 2019 ou 2023. Elle est en reconstruction.
« En défense, on a été un peu léger par moments. »
Louis Bielle-Biarrey, double marqueur du soir
Le plus inquiétant ? Cette impression que le système défensif, jadis si solide sous l’ère Novès ou pendant la Coupe du monde 2023, a perdu ses repères. Est-ce le turnover ? L’absence de certains cadres ? Un problème de lecture collective ? Probablement un peu de tout ça.
L’indiscipline, la grande maladie du moment
Et puis il y a cette indiscipline qui pourrit tout. Douze pénalités, un coup franc, un carton jaune. Contre l’Australie, ça leur a offert des munitions en or. Des pénaltouches dans nos 22 mètres à répétition. Des retours dans le match alors qu’on les avait distancés.
Le pire, c’est que tout le monde le sait. Les joueurs, le staff, les supporters. On en a parlé toute la semaine après le match contre les Fidji. On a mis le focus dessus. Et qu’est-ce qu’on fait en début de match ? Une pénalité au bout d’une minute trente. Comme un symbole.
- Hors-jeu à répétition
- Fautes au sol évitables
- Plaquages hauts ou dangereux
- Contestations inutiles
Le cocktail est connu. Et il coûte cher. Très cher. Parce que dans le rugby moderne, la discipline, c’est 30 % du résultat. Peut-être plus.
« On se dit d’être disciplinés et on ne l’est pas. On fait un focus sur ça durant la semaine, et on prend une pénalité au bout d’une minute trente… »
Thomas Ramos, impeccable au pied mais lucide
Pourquoi autant de fautes ? Les explications qui circulent
Plusieurs pistes émergent dans les couloirs du Stade de France. D’abord, l’arbitrage international. En Top 14, certaines choses passent. Au niveau test-match, rien ne passe. Les rucks sont scrutés à la loupe. Le moindre soutien tardif, le moindre pilier qui arrive de travers, c’est sifflé. Et les Bleus, habitués au championnat domestique, retombent parfois dans leurs travers.
Ensuite, il y a cette surmotivation qui joue des tours. Quand tu veux absolument stopper l’adversaire, tu montes trop vite, tu te mets hors-jeu. Quand tu veux dominer le collision, tu arrives un peu trop fort et tu prends un carton. C’est l’histoire du trop-plein d’envie qui se retourne contre toi.
Enfin, il y a peut-être une forme de relâchement mental quand on mène largement. Contre l’Australie, à partir du moment où on a pris vingt points d’avance, on a vu des fautes bêtes s’enchaîner. Comme si inconsciemment, on se disait que ça allait passer. Sauf que ça ne passe plus à ce niveau.
Et l’attaque dans tout ça ? Le seul vrai motif de satisfaction
Parce qu’il faut quand même le dire : offensivement, il y a du très beau. Sept essais, des mouvements fluides, des relances de partout. Louis Bielle-Biarrey a remis les gaz, Thomas Ramos a été précieux, Grégory Alldritt a fini fort. On a retrouvé par séquences cette capacité à déplacer le ballon vite et à faire mal sur les extérieurs.
Mais même là, il y a un revers. Cette attaque flamboyante est parfois trop gourmande. On veut aller à l’essai à tout prix, on oublie la gestion, on prend des risques inutiles. Résultat : turnovers, contre-attaques, essais encaissés. Le rugby total, c’est bien. Mais le rugby gagnant, c’est autre chose.
Le Six Nations dans le viseur : plus de marge pour l’erreur
Maintenant, la vraie question : va-t-on corriger ça d’ici février ? Parce que le Tournoi des Six Nations qui arrive ne pardonnera rien. Premier match contre l’Irlande au Stade de France. L’Irlande, championne en titre, maître de la discipline, machine à pénalités quand tu déconnes.
Si les Bleus arrivent avec les mêmes lacunes défensives et la même indiscipline, ça peut très vite tourner au cauchemar. On l’a vu en 2024 : une défaite d’entrée contre les Irlandais et tout le Tournoi est plié. Cette fois, il n’y aura pas de seconde chance.
Le temps presse. Deux mois et demi pour régler des problèmes qui traînent depuis plusieurs matchs. Le staff le sait. Les joueurs le répètent. Reste à passer des paroles aux actes.
Ce qu’il faut retenir de cette tournée de novembre
En vrac, voilà ce que cette tournée d’automne nous laisse :
- Une attaque retrouvée par moments, capable du meilleur
- Une défense beaucoup trop perméable
- Une indiscipline chronique qui coûte des matchs
- Une prise de conscience collective, c’est déjà ça
- Un groupe qui reste soudé malgré les critiques
- Des jeunes qui confirment (Bielle-Biarrey, Meafou…)
- Des cadres qui sonnent l’alarme (Fickou, Ramos)
Le bilan comptable est positif : deux victoires et une défaite contre les champions du monde. Mais le contenu, lui, pose question. Beaucoup de questions.
Personnellement, je préfère mille fois une équipe qui gagne 20-13 en étant solide qu’une équipe qui gagne 48-33 en prenant l’eau de partout. Parce que dans les grands rendez-vous, c’est la solidité qui paye. Et pour l’instant, les Bleus sont loin du compte.
Alors oui, il y a du talent à revendre. Oui, il y a du potentiel énorme. Mais le haut niveau ne pardonne pas les détails. Et en ce moment, les détails tuent les Bleus. À eux de transformer cette frustration en moteur. Le Six Nations nous dira si la leçon a été apprise. En attendant, on croise les doigts.
Et vous, vous en pensez quoi ? Les Bleus vous ont-ils rassurés ou inquiétés ? La défense et la discipline, c’est rédhibitoire à ce niveau ou c’est juste une mauvaise passe ? Dites-moi tout en commentaire, on en discute.
