Vous arrivez au stade, il pleut des cordes, le terrain ressemble plus à une rizière qu’à une pelouse, et vous vous dites que ça va être une soirée tranquille. Et puis non. Parfois, le foot amateur vous colle une claque dont vous vous souvenez toute votre vie. Samedi soir, quelque part entre Béthune et Steenvoorde, on a vécu exactement ça.
Imaginez : 0-0 après 90 minutes. 0-0 après 120 minutes. Et ensuite ? Une séance de tirs au but qui dure… allez, presque une demi-heure. Quarante-quatre tentatives. Oui, vous avez bien lu. Quarante-quatre. C’est le genre de chiffre qu’on associe à un match de basket, pas à des pénalties.
Quand la Coupe de France devient complètement dingue
On va être honnête : le match en lui-même n’avait rien d’un feu d’artifice. Terrain lourd, jeu haché, peu d’occasions franches. Les deux équipes évoluent en Régional 1, elles se connaissent par cœur, et la peur de perdre a clairement pris le dessus sur l’envie de gagner. Résultat ? Tout le monde s’est neutralisé pendant deux heures.
Mais c’est précisément là que la magie opère. Parce que quand deux équipes de ce niveau se retrouvent à égalité après la prolongation, il ne reste plus que les nerfs. Et là, ça devient du grand spectacle.
Le scénario minute par minute d’une folie absolue
Les cinq premiers tirs de chaque côté ? Ratés ou arrêtés. On se dit que ça va être rapide, que les gardiens sont chauds. Et puis… plus rien. Les joueurs se mettent à les mettre les uns après les autres. Avec une maîtrise hallucinante.
10-10. 15-15. 20-20. À ce stade, les gens dans les tribunes ne savent plus s’ils doivent rire ou pleurer. Les bancs sont debout, les téléphones filment, et les commentateurs amateurs sur les lives Facebook répètent en boucle « c’est du jamais vu ».
Et le plus fou ? Sur les 44 tentatives, il n’y a eu qu’un seul échec franc : un tir au-dessus de la barre côté Steenvoorde au 42e essai. Tous les autres sont rentrés. Contre-pieds parfaits, frappes placées, lucarnes. Une démonstration de sang-froid presque effrayante.
« Je n’ai jamais vu une telle séance, avec 21 ou 22 tirs, je ne sais plus… »
Un entraîneur expérimenté présent sur place, encore sonné le lendemain
Pourquoi c’est (probablement) un record mondial
En France, c’est déjà officiel : la Fédération a validé le record national. Mais à l’échelle internationale ? On dépasse largement les séances mythiques qu’on cite habituellement.
- Namibie – Namibie (2005) : 48 tirs (24-24), mais en deux manches différentes
- Argentine – Colombie (Copa América 2024) : « seulement » 22 tirs
- Le précédent français : 34 tirs entre deux clubs amateurs en 2021
44 tentatives en une seule séance, avec seulement un échec ? C’est du jamais vu dans une compétition officielle. Point final.
Les héros du soir : ceux qui ont tenu leurs nerfs
Gauthier Thumerel, le dernier tireur de Béthune. Il prend le ballon, il sait que s’il marque, c’est fini. Il attend, il fixe le gardien, il part sur sa gauche. Contre-pied parfait. 22-21. Explosion de joie. Le gars finit dans les bras des supporters, trempé, en larmes. L’image même de ce qu’est la Coupe.
De l’autre côté, le joueur de Steenvoorde qui envoie le 42e tir au-dessus. Il sait immédiatement. Il met les mains sur la tête, reste planté là quelques secondes. Le silence tombe sur le stade. On a tous eu mal pour lui.
Le rôle du terrain et de la météo : on ne va pas se mentir
Quand on regarde les images, on comprend vite pourquoi il n’y a pas eu de but dans le jeu. La pelouse était dans un état lamentable. Des flaques partout, le ballon qui ne roule plus, les appuis qui partent. Franchement, marquer dans ces conditions relevait de l’exploit.
Mais aux tirs au but ? Le point de penalty, lui, était nickel. Et là, plus d’excuse. Il n’y a plus que toi, le ballon, et le gardien à onze mètres. Le grand égalisateur.
Jean-Guy Wallemme, l’ancien pro au milieu de la tempête
Sur le banc de Béthune, il y a un mec qui a gagné le championnat de France avec Lens, qui a joué la Ligue des Champions, qui a entraîné des clubs pros un peu partout. Jean-Guy Wallemme. Et même lui, même après tout ça, il n’avait jamais vécu une soirée pareille.
« On aurait aimé jouer un peu plus au football mais avec la pelouse… c’est la Coupe et l’esprit qui va avec. »
Il a tout dit. Parfois, la Coupe de France, ce n’est pas du beau jeu. C’est de la boue, de la pluie, des crampes, et puis une séance de tirs au but qui dure une éternité. Et c’est pour ça qu’on l’aime.
Ce que ça nous dit sur le foot amateur aujourd’hui
Derrière l’anecdote folle, il y a quelque chose de plus profond. Ces joueurs bossent toute la semaine, s’entraînent le soir après le boulot, jouent devant 300 personnes quand tout va bien. Et un soir de décembre, sous la pluie, ils entrent dans l’histoire du foot français.
C’est ça, la beauté du truc. Le même week-end, il y avait du PSG – Liverpool en Ligue des Champions avec 80 000 personnes et des millions devant la télé. Et quelque part dans le Nord, deux clubs de R1 ont fait mieux en termes d’émotion pure.
Le foot pro nous vend du spectacle. Le foot amateur, lui, nous donne des histoires. Des vraies.
Et maintenant ? Le rêve continue pour Béthune
Lundi soir, tirage au sort des 32es de finale au Parc des Princes. On rêve tous d’un gros. Imaginez Béthune – PSG. Ou Béthune – Marseille au stade Bollaert plein à craquer. Ce serait la suite logique de cette folie.
En attendant, les joueurs vont rentrer chez eux, reprendre le boulot mardi matin, avec des courbatures partout et une qualification historique dans la poche. Et dans vingt ans, ils raconteront encore à leurs enfants qu’ils ont participé à la séance de tirs au but la plus longue de l’histoire.
Parce que oui, parfois, le foot c’est ça : pas de but pendant deux heures, et puis quarante-quatre tirs au but qui font basculer une saison entière.
Moi, en tout cas, je n’oublierai jamais cette soirée. Et vous ?
Et si on remettait les choses en perspective avec quelques chiffres fous ?
| Durée moyenne d’une séance « classique » | 5-7 minutes |
| Durée de celle-ci | Environ 28 minutes |
| Taux de réussite | 97,7 % (43/44) |
| Nombre de joueurs ayant tiré 2 fois | Toute l’équipe + remplaçants |
| Émotion collective | Incommensurable |
Le foot, parfois, il ne faut pas chercher à comprendre. Il faut juste vivre ces moments-là. Et merci à Béthune et Steenvoorde de nous l’avoir rappelé, un soir de décembre sous la pluie.
