Il y a des semaines où, en refermant le dernier livre, on se dit simplement : « Waouh. » Cette semaine en fait partie. J’ai enchaîné cinq romans tellement différents qu’on pourrait croire qu’ils viennent de planètes opposées, et pourtant chacun m’a touché en plein cœur, chacun à sa manière. Du rire jaune face à notre système de santé bancal jusqu’à l’espionnage glamour des années 60, en passant par une jeune Italienne qui claque la porte du destin tout tracé… voilà les cinq pépites qui m’ont accompagné partout ces derniers jours.
Les 5 romans qui m’ont marqué cette semaine
Je ne vais pas vous faire le coup du classement, parce que les comparer serait injuste. Chacun mérite sa place sur votre table de nuit. Allez, on y va dans l’ordre où je les ai lus – l’ordre du hasard, le meilleur qui soit.
La Tournée – Maxime Rossi
Imaginez un aide-soignant qui sillonne la campagne profonde avec sa vieille 206 diesel, seul rempart médical sur des centaines de kilomètres carrés. C’est La Tournée, et croyez-moi, ça cogne fort.
Maxime Rossi nous plonge dans le quotidien de Léo, trente-quatre ans, infirmier libéral dans une zone que les cartes officielles oublient souvent. Entre les maisons de retraite sous-staffées, les fermes isolées et les patients qui attendent parfois trois semaines un médecin, il fait ce qu’il peut. Avec son humour noir et sa tendresse un peu rugueuse.
« On est les pompiers d’une médecine qui crève en silence. »
Cette phrase, Léo la lâche un soir après avoir ranimé une mamie de 92 ans tout seul dans sa cuisine. Et elle résume tout le roman. Rossi ne tombe jamais dans le pathos larmoyant : il observe, il raconte, parfois il rit jaune. Le portrait est d’une justesse effrayante. On sent qu’il connaît son sujet sur le bout des doigts – et pour cause, il a exercé le métier.
Ce qui m’a le plus bouleversé ? La solitude. Pas seulement celle des patients, mais celle de Léo lui-même. Ce gars qui sauve des vies tous les jours et rentre le soir dans un studio où personne ne l’attend. C’est un roman social, oui, mais avant tout profondément humain. Si vous avez envie de comprendre pourquoi certains territoires se sentent abandonnés, lisez La Tournée. Et préparez les mouchoirs, même si vous ne pleurez jamais d’habitude.
Gabriel’s Moon – William Boyd
Changement radical d’ambiance. Direction les années 60, le Congo post-indépendance, Londres en plein Swinging, et un journaliste malgré lui devenu espion par accident. William Boyd, maître incontesté du roman d’espionnage élégant, signe avec Gabriel’s Moon l’un de ses meilleurs livres depuis des années.
Gabriel Dax est un jeune reporter voyageur un peu désabusé qui couvre le chaos congolais en 1961. Un soir, dans un bar enfumé de Léopoldville, un inconnu lui glisse une enveloppe. À l’intérieur ? Des preuves compromettantes sur l’assassinat imminent d’un leader africain. Et voilà Gabriel embarqué dans une partie d’échecs mortelle entre MI6, CIA et services secrets locaux.
Ce que j’aime chez Boyd, c’est qu’il ne fait jamais dans le James Bond gadgetisé. Ses espions boivent trop, doutent, tombent amoureux au pire moment et commettent des erreurs stupides. Gabriel est tout ça à la fois. Drôle, touchant, parfois pathétique. Et l’époque est rendue avec une précision chirurgicale : les costumes trois-pièces, les cigarettes à chaîne, les vinyles de jazz qui tournent dans les ambassades…
- Le suspense est constant mais jamais artificiel
- Les personnages secondaires sont inoubliables (mention spéciale à Faith, la correspondante américaine)
- La fin vous laisse sonné pendant trois jours
Franchement, si vous avez aimé Le Carre ou Any Human Heart du même Boyd, foncez. C’est du grand art.
M comme Maraviglia – Aurora Tamigio
On reste dans l’étranger, mais cette fois-ci au soleil de la Calabre des années 80. Aurora Tamigio, jeune autrice italienne dont c’est le premier roman traduit en français, nous offre une pépite féministe joyeuse et rageuse.
Maraviglia a vingt-deux ans, un fiancé choisi par son père, et une vie toute tracée dans le village où elle est née. Jusqu’au jour où elle découvre les lettres que sa grand-mère écrivait à une femme, dans les années 50. Des lettres d’amour. Boum. Tout explose.
De fil en aiguille, Maraviglia va quitter le cocon familial, monter à Rome, découvrir le milieu artistique underground, tomber amoureuse (plusieurs fois), et surtout apprendre à dire « moi aussi j’ai le droit ». Le tout avec une écriture sensuelle, pleine de saveurs – on sent presque l’odeur des figuiers et du café trop serré.
« On ne naît pas femme, dans mon village. On le devient en fermant sa gueule. »
Cette phrase m’a poursuivi pendant des jours. Tamigio réussit le tour de force de parler d’émancipation sans jamais être moralisatrice. C’est drôle, c’est sexy, c’est parfois douloureux, mais surtout c’est vivant. Un vrai coup de cœur féminin de l’année.
Les deux autres pépites que je n’oublie pas
Je pourrais écrire dix pages sur chacun des deux derniers, mais je vais essayer de faire court (promis, juré).
Il y a d’abord ce polar islandais glacial et addictif dont l’action se déroule pendant le réveillon de Noël – imaginez une famille réunie dans une maison coupée du monde par la neige, et un secret qui remonte à la surface trente ans plus tard. L’ambiance est tellement oppressante que j’ai lu avec la couette jusqu’au nez alors qu’on est en novembre.
Et puis il y a ce premier roman français complètement barré : une quadragénaire qui décide de vivre un an sans dire un seul mensonge. Pas de petit bobard, pas de « oui ça va » quand ça ne va pas. Le résultat est hilarant et terrifiant à la fois. On rit beaucoup, et puis soudain on se prend une claque en réalisant combien on ment tous, tout le temps, même aux gens qu’on aime.
Pourquoi ces livres-là, précisément cette semaine ?
Je me suis posé la question après coup. Pourquoi ces cinq-là m’ont autant marqué en même temps ? Je crois que c’est parce qu’ils parlent tous, chacun à leur manière, de liberté. Liberté de soigner ou d’être soigné dignement. Liberté d’aimer qui on veut. Liberté de dire non à un destin imposé. Liberté de dire la vérité, même quand ça dérange.
En 2025, on en a bigrement besoin, de ces rappels-là.
Alors voilà. Si vous cherchez de quoi remplir votre pile à lire cet hiver, vous savez où regarder. Et si vous ne deviez en choisir qu’un seul ? Honnêtement, je serais incapable de trancher. Peut-être La Tournée, parce qu’il parle de nous, ici et maintenant. Ou Gabriel’s Moon, parce qu’on a tous besoin d’évasion elegante. Ou M comme Maraviglia, parce qu’on a tous besoin d’espoir.
En fait, prenez les cinq. Vous ne le regretterez pas.
Et vous, quel est votre dernier coup de cœur littéraire ? Dites-moi tout en commentaire, j’ai toujours besoin de nouvelles idées pour alimenter ma PAL (pile à lire, pour les non-initiés) qui menace de s’écrouler sur mon chat.
Bonne lecture, et à la semaine prochaine pour cinq nouvelles aventures entre les pages.
