Imaginez un instant : vous vous réveillez un matin, prêt à acheter du pain, mais votre portefeuille est vide, les banques sont fermées, et les distributeurs automatiques ne crachent plus un seul billet. C’est la réalité quotidienne à Goma, une ville de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), depuis que le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, a pris le contrôle en janvier dernier. Plus de cash, plus de fluidité économique, juste une lutte acharnée pour survivre. Comment une ville entière s’adapte-t-elle à une pénurie aussi brutale ?
Un quotidien bouleversé par l’absence de liquidités
À Goma, l’économie s’est figée du jour au lendemain. Les banques, privées d’approvisionnement par les autorités congolaises, ont fermé leurs portes. Les guichets automatiques, autrefois salvateurs, sont à sec. Les habitants, confrontés à une pénurie de liquidités, ont dû réinventer leur façon de vivre, de consommer, et même d’éduquer leurs enfants. Cette situation, aussi dramatique qu’inédite, a donné naissance à des solutions aussi créatives que désespérées.
Le troc : une réponse à la crise
Dans une école de Goma, les frais de scolarité ne se règlent plus en francs congolais ou en dollars, mais en bidons d’huile de palme ou en sacs de farine. Ce système de troc s’est imposé comme une bouée de sauvetage. Un parent apporte un bidon d’huile, l’école évalue sa valeur marchande, et l’équivalent en argent est inscrit dans les comptes. Simple, mais poignant.
Les parents viennent avec des vivres, on évalue, et on attribue une valeur. C’est comme ça qu’on fonctionne maintenant.
– Un responsable d’école à Goma
Ce troc, bien qu’ingénieux, reflète une situation économique au bord de l’asphyxie. Les enseignants, eux-mêmes en difficulté, acceptent ces biens en guise de paiement, mais tout le monde sait que ce n’est pas tenable à long terme. La survie quotidienne devient un défi constant, où chaque transaction est un casse-tête.
Le rôle du M23 et les défis économiques
Le M23, groupe armé contrôlant la ville, a instauré des mesures pour limiter les dégâts. Ils ont fixé un taux de change officiel pour freiner les abus des changeurs de monnaie, qui pratiquent des taux exorbitants dans un pays déjà parmi les plus pauvres au monde. Pourtant, ces efforts semblent vains face à l’ampleur du problème. Les habitants, privés d’accès à leurs comptes bancaires, doivent parfois traverser la frontière rwandaise pour retirer de l’argent, au prix de taxes supplémentaires.
J’ai été frappé par la résilience de ces gens. Imaginez-vous parcourir des kilomètres, payer des frais, juste pour toucher votre propre salaire ? C’est une réalité qui semble sortie d’un autre temps, mais elle est bien actuelle à Goma.
Les solutions numériques : un espoir fragile
Face à cette crise, les autorités locales et le M23 encouragent l’usage des paiements mobiles. Une idée séduisante, mais encore embryonnaire à Goma. Contrairement à d’autres pays d’Afrique de l’Est, où les transactions par téléphone sont monnaie courante, ici, l’infrastructure et l’habitude manquent. Les habitants, habitués au cash, peinent à adopter ce virage numérique.
- Infrastructure limitée : Les réseaux mobiles ne couvrent pas toujours les zones reculées.
- Manque de confiance : Beaucoup hésitent à confier leurs économies à des plateformes numériques.
- Coût d’accès : Les frais de transaction peuvent être prohibitifs pour les plus démunis.
Ce retard technologique, combiné à la crise, crée un cercle vicieux. Les habitants veulent survivre, mais les outils pour y parvenir restent hors de portée pour beaucoup.
Une économie au ralenti
Les marchés de Goma, autrefois bruyants et animés, sont aujourd’hui étrangement silencieux. Les commerçants, comme ceux du marché Birere, décrivent une chute vertigineuse des ventes. Un vendeur de farine de maïs confie ne plus écouler que la moitié de ses stocks habituels. Les produits de première nécessité arrivent toujours en ville, mais les acheteurs manquent à l’appel.
Avant, je vendais vingt sacs par semaine. Aujourd’hui, dix sacs par mois, c’est un miracle.
– Un commerçant local
Les prix des denrées ont grimpé en flèche, alourdis par des taxes imposées par les belligérants et des difficultés d’approvisionnement. Les habitants, déjà éprouvés, réduisent leurs dépenses au strict minimum : pas de vêtements neufs, pas de sorties, juste l’essentiel pour survivre.
L’impact sur les salariés et les fonctionnaires
Les salariés, y compris les fonctionnaires et les employés d’organisations internationales, sont durement touchés. Sans accès à leurs comptes bancaires, beaucoup doivent se rendre au Rwanda voisin pour retirer leur argent, un périple coûteux et risqué. Cette situation, combinée à la morosité économique, a entraîné une vague de pertes d’emplois.
Prenez l’exemple de Godel, une ancienne employée du service public. « Depuis le conflit, il n’y a plus d’opportunités. Je suis devenue femme au foyer », confie-t-elle. Son témoignage, simple mais brutal, illustre l’impact humain de cette crise. Combien de familles ont vu leur vie basculer ainsi ?
La criminalité en hausse
La pénurie de cash a des répercussions au-delà de l’économie. Dans les rues de Goma et de Bukavu, une autre grande ville touchée, la criminalité explose. Les nuits, autrefois animées, sont désormais désertes, marquées par la peur. Cette montée de l’insécurité reflète le désespoir d’une population acculée.
| Problème | Impact | Exemple |
| Pénurie de cash | Impossibilité d’acheter | Troc de biens essentiels |
| Chute des ventes | Commerces en crise | 10 sacs de farine/mois |
| Criminalité | Insécurité croissante | Rues désertes la nuit |
Ce tableau, bien que simplifié, montre à quel point la crise est multidimensionnelle. Chaque aspect de la vie quotidienne est affecté, et les solutions tardent à venir.
Vers un avenir incertain
Les négociations entre la RDC et le Rwanda, censées esquisser un accord de paix, n’ont pas encore porté leurs fruits. En attendant, la régie financière instaurée par le M23 peine à convaincre. Les habitants hésitent à y déposer leurs économies, craignant que cette structure ne serve qu’à collecter des taxes pour le groupe armé.
Pourtant, au milieu de ce chaos, il y a une lueur d’espoir. La résilience des habitants de Goma est remarquable. Ils s’adaptent, troquent, innovent. Mais combien de temps peuvent-ils tenir ? La question reste en suspens, et l’avenir de la ville demeure flou.
Ce qui compte, c’est de survivre. Tout le reste attendra.
– Une habitante de Goma
En tant que rédacteur, je ne peux m’empêcher de penser à la force de ces communautés face à l’adversité. Leur histoire, bien que tragique, est une leçon d’humanité. Mais sans solutions concrètes, leur courage pourrait ne pas suffire.
La situation à Goma nous rappelle une vérité universelle : l’économie, c’est bien plus que des chiffres. C’est la vie des gens, leurs rêves, leurs luttes. Et à Goma, cette lutte est plus palpable que jamais.
