Imaginez-vous endormi dans une maison fragile, bercé par le bruit de la pluie qui s’abat sans relâche. Soudain, un grondement. La terre glisse, les murs s’effondrent. Cette scène, digne d’un cauchemar, est devenue réalité pour des habitants d’Abidjan dans la nuit de mardi à mercredi. Un éboulement a emporté six vies dans le quartier de Mossikro, commune d’Attécoubé, après des pluies torrentielles. Ce drame, loin d’être isolé, nous rappelle une vérité brutale : à Abidjan, la saison des pluies rime trop souvent avec tragédie.
Quand la Pluie Devient une Menace Mortelle
Chaque année, entre fin mai et fin juillet, la saison des pluies transforme Abidjan, poumon économique de la Côte d’Ivoire, en un terrain miné. Les précipitations, souvent intenses, provoquent des inondations et des glissements de terrain, particulièrement dans les zones où les constructions précaires pullulent. J’ai toujours trouvé frappant comment une métropole aussi vibrante, avec ses six millions d’habitants, peut être si vulnérable face aux caprices du climat. Ce dernier éboulement à Mossikro n’est qu’un épisode parmi tant d’autres, mais il met en lumière des enjeux profonds.
Mossikro : Une Tragédie Annoncée
Le quartier de Mossikro, dans la commune d’Attécoubé, est un symbole de cette fragilité. Dans la nuit, un déluge a déclenché un glissement de terrain qui a englouti trois maisons. Six personnes ont perdu la vie, et sept autres ont été blessées, évacuées vers le CHU de Yopougon. Une survivante, bouleversée, a partagé son récit :
« On dormait quand la pluie a tout emporté. La terre a dévalé, et certains n’ont pas pu sortir. »
Ces mots, simples mais lourds, traduisent l’impuissance face à une nature déchaînée. Ce n’est pas la première fois que Mossikro est touché. En juin 2023, un incident similaire avait déjà coûté la vie à cinq personnes. Pourquoi ces drames se répètent-ils ? La réponse réside dans un cocktail explosif : des constructions précaires, des zones à risque et une urbanisation galopante.
Les Causes Profondes du Problème
Abidjan, comme beaucoup de grandes villes africaines, connaît une croissance démographique fulgurante. Avec près de six millions d’habitants, la pression sur les infrastructures est énorme. Dans les quartiers populaires comme Mossikro, les maisons sont souvent construites sans respecter les normes de sécurité, sur des terrains instables ou inondables. Ajoutez à cela des pluies diluviennes qui saturent les sols, et vous obtenez une recette pour la catastrophe.
Ce qui me frappe, c’est la récurrence de ces événements. En 2023, une trentaine de personnes ont péri dans des incidents liés aux pluies. En 2024, le bilan s’élevait à plus de vingt morts. Ces chiffres ne sont pas juste des statistiques : ils racontent des familles brisées, des vies fauchées. Alors, pourquoi est-il si difficile de briser ce cycle ?
- Urbanisation anarchique : Les quartiers précaires se développent sans planification, souvent sur des pentes ou des zones inondables.
- Manque d’infrastructures : Les systèmes de drainage et d’évacuation des eaux sont insuffisants ou mal entretenus.
- Changements climatiques : Les pluies, de plus en plus intenses, aggravent les risques de glissements de terrain.
- Pauvreté structurelle : Les habitants n’ont souvent pas les moyens de construire des logements solides ou de s’installer ailleurs.
Les Efforts du Gouvernement : Entre Action et Controverse
Face à ces drames, les autorités ivoiriennes ne restent pas les bras croisés. Depuis l’année dernière, une ambitieuse politique d’assainissement a été lancée. Des quartiers informels, souvent construits dans des zones à risque, ont été rasés pour limiter les dangers. Mais cette stratégie, appelée déguerpissement, soulève des débats passionnés. Si l’objectif est de protéger les populations, les relogements proposés sont souvent insuffisants.
Des voix, y compris celles d’organisations internationales, se sont élevées pour critiquer ces opérations. Pourquoi ? Parce que démolir des habitations sans offrir de solutions durables laisse des familles dans une précarité encore plus grande. J’ai toujours pensé qu’une politique, aussi bien intentionnée soit-elle, doit mettre l’humain au centre. Déplacer des populations sans leur garantir un avenir stable, c’est comme soigner une blessure avec un pansement trop petit.
« Les déguerpissements, sans accompagnement, aggravent la vulnérabilité des populations déjà fragiles. »
– Observateur des droits humains
Ce constat est partagé par beaucoup. Les habitants des quartiers concernés, souvent issus des couches les plus modestes, se retrouvent parfois sans toit, sans compensation. Comment concilier sécurité et justice sociale ? C’est une question qui mérite qu’on s’y attarde.
Des Solutions pour l’Avenir ?
Alors, comment sortir de cette spirale tragique ? Les experts s’accordent sur plusieurs pistes, mais leur mise en œuvre reste un défi. Voici quelques idées qui émergent :
- Renforcer les infrastructures : Investir dans des systèmes de drainage efficaces et des barrières anti-éboulements dans les zones à risque.
- Planification urbaine : Réguler la construction dans les zones dangereuses et promouvoir des logements abordables et sécurisés.
- Sensibilisation : Éduquer les populations sur les risques liés aux pluies et aux constructions précaires.
- Relogement durable : Accompagner les familles déplacées avec des solutions de logement pérennes.
Personnellement, je trouve que la sensibilisation est un levier sous-estimé. Si les habitants comprennent mieux les dangers, ils pourraient être plus enclins à collaborer avec les autorités. Mais cela demande du temps, des moyens et, surtout, de la confiance. Et la confiance, dans un contexte où les promesses de relogement sont rarement tenues, est un bien rare.
Un Drame qui Interpelle
Ce drame à Mossikro n’est pas qu’une statistique de plus. C’est un appel à repenser notre rapport à l’urbanisation, au climat et à la solidarité. Abidjan, avec son dynamisme et ses ambitions, mérite des solutions à la hauteur de ses défis. Mais pour cela, il faut agir vite, et bien. Les prochaines pluies ne tarderont pas, et avec elles, le risque d’un nouveau drame.
En attendant, les familles de Mossikro pleurent leurs proches. Leurs histoires, comme celle de cette rescapée qui a vu sa maison s’effondrer, nous rappellent que derrière chaque chiffre, il y a des vies. Et si on prenait enfin ces catastrophes au sérieux ?
| Année | Nombre de morts | Type d’incident |
| 2023 | 30 | Inondations et éboulements |
| 2024 | 20+ | Inondations |
| 2025 | 6 (Mossikro) | Éboulement |
Ce tableau, aussi froid qu’il puisse paraître, résume l’urgence. Chaque année, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Mais les solutions existent. Reste à savoir si elles seront mises en œuvre avant la prochaine tragédie.
