Imaginez un pays où chaque citoyen reçoit directement une part des richesses tirées du sous-sol. Pas une vague promesse électorale, mais un véritable programme qui redistribue les revenus du pétrole à la population. C’est exactement ce que le Suriname, petit État sud-américain, est en train de mettre en place. Alors que l’exploitation pétrolière s’apprête à transformer l’économie du pays dès 2028, ce projet audacieux pourrait redéfinir la manière dont une nation partage ses ressources. Mais comment cela fonctionne-t-il, et surtout, quelles en seront les conséquences ?
Un Pari sur l’Or Noir pour un Avenir Partagé
Le Suriname, voisin de la Guyane française, est aujourd’hui un acteur discret sur la scène mondiale. Avec une population d’environ 570 000 habitants, ce pays est l’un des plus petits d’Amérique du Sud. Pourtant, il se prépare à un bouleversement économique majeur grâce à ses réserves pétrolières offshore. Dès 2028, l’exploitation d’un gisement majeur dans l’Atlantique devrait propulser le pays dans une nouvelle ère de prospérité. Mais ce qui distingue vraiment ce projet, c’est l’engagement à redistribuer une partie de ces richesses directement aux citoyens.
Cette richesse appartient à tous les Surinamais. C’est leur part.
– Un haut responsable du gouvernement
Ce programme, baptisé RVI (pour « Royalties pour tous » en néerlandais), est une initiative sans précédent. Contrairement à d’autres modèles où les revenus pétroliers alimentent des fonds souverains ou des projets publics, le Suriname a choisi une approche directe : chaque citoyen éligible recevra un coupon monétisable, lié aux royalties pétrolières. Une idée qui, selon moi, pourrait inspirer d’autres nations, mais qui soulève aussi des questions sur sa mise en œuvre.
Un Programme Inédit : Les Coupons Pétroliers
Le concept du RVI est simple mais révolutionnaire. Chaque citoyen, dès l’âge de 18 ans, recevra un coupon représentant une part des royalties pétrolières. Ces coupons pourront être encaissés dès que les revenus commenceront à affluer en 2028, ou bien épargnés pour générer des intérêts. Ce système, conçu avec l’aide d’experts financiers internationaux, est unique en son genre. Ailleurs, comme en Alaska, les citoyens reçoivent des dividendes issus des bénéfices d’un fonds souverain, mais ici, il s’agit d’un accès direct aux royalties.
- Coupons immédiats : Les personnes âgées de plus de 80 ans et celles en situation de handicap peuvent déjà retirer une somme équivalente à environ 750 dollars.
- Épargne optionnelle : Les citoyens de 18 à 59 ans pourront choisir d’encaisser leur coupon en 2028 ou de l’épargner avec un intérêt annuel de 7 %, jusqu’à un maximum de 1 275 dollars.
- Bonus à long terme : Ceux qui épargnent pendant 10 ans recevront un bonus supplémentaire de 150 dollars.
Ce système a déjà commencé à se déployer. Depuis mai, les premiers bénéficiaires – les seniors et les personnes handicapées – ont reçu leurs coupons. Mais l’ambition est de toucher l’ensemble de la population, y compris les 127 169 seniors âgés de 60 ans et plus. Les banques locales jouent un rôle clé en avançant les fonds pour ces premiers versements, en échange de l’acquisition des RVI.
Un Boom Pétrolier en Vue
Le moteur de ce programme est l’exploitation imminente du gisement GranMorgu, situé à 150 kilomètres des côtes surinamaises. Une grande compagnie pétrolière internationale a engagé 10,5 milliards de dollars sur quatre ans pour développer ce projet, en partenariat avec l’entreprise publique surinamaise. L’objectif ? Atteindre une production de 220 000 barils par jour dès 2028, contre seulement 5 000 à 6 000 aujourd’hui. Ce saut spectaculaire pourrait transformer l’économie du pays, mais il suscite aussi des débats.
| Aspect | Détails | Impact |
| Production actuelle | 5 000-6 000 barils/jour | Faible contribution économique |
| Production prévue (2028) | 220 000 barils/jour | Transformation économique majeure |
| Investissement | 10,5 milliards USD | Création d’emplois, croissance |
Ce projet pétrolier place le Suriname à un carrefour. D’un côté, il promet une manne financière qui pourrait réduire la pauvreté, qui touche un habitant sur cinq. De l’autre, il risque de bouleverser l’équilibre environnemental d’un pays qui, pour l’instant, absorbe plus de CO2 qu’il n’en émet. Comment concilier ces deux réalités ? C’est une question que je trouve particulièrement fascinante, et qui mériterait un débat plus large.
Les Voix des Bénéficiaires
Pour comprendre l’impact de ce programme, rien de mieux que d’écouter ceux qui en bénéficient déjà. Une femme de 80 ans, par exemple, a partagé son enthousiasme : elle prévoit d’utiliser son argent pour acheter de la nourriture et des produits de première nécessité. « Pourquoi épargner ? À mon âge, je veux en profiter ! » a-t-elle déclaré. Un homme de 91 ans, lui, envisage de gâter sa petite-fille et de s’offrir quelques plaisirs simples, comme des cigarettes. Ces témoignages montrent une réalité : pour beaucoup, cet argent est une bouffée d’oxygène immédiate.
Je vais économiser, car je n’ai pas encore de projets précis. Cet argent, c’est une sécurité pour l’avenir.
– Un bénéficiaire en situation de handicap
Pour d’autres, comme une femme de 38 ans en fauteuil roulant ou un homme de 32 ans ayant perdu ses jambes, l’épargne est privilégiée. Ce choix reflète une vision à long terme, dans un pays où les opportunités économiques sont souvent limitées. Ces histoires humaines, touchantes et variées, montrent que le programme s’adapte à des réalités très différentes.
Un Défi d’Inclusion et d’Accessibilité
Si le programme RVI est ambitieux, il n’est pas sans obstacles. Dans un pays où une grande partie de la population vit dans des zones rurales ou isolées, comme les communautés indigènes et marronnes, l’accès aux fonds pose question. Comment s’assurer que chaque citoyen, même dans l’intérieur des terres, puisse bénéficier de ce système ? Les autorités misent sur la transformation numérique pour simplifier les démarches, avec une structure dédiée qui enregistre les bénéficiaires et facilite les retraits.
- Inscription simplifiée : Les seniors et personnes handicapées sont enregistrés automatiquement, avec un seul déplacement pour récupérer leur carte.
- Partenariats bancaires : Les banques locales avancent les fonds, garantissant une distribution fluide.
- Extension progressive : Le programme s’ouvrira à tous les âges à partir de 2028.
Mais certains experts s’interrogent. Une universitaire spécialiste des questions sociales souligne l’importance de rendre le programme accessible aux communautés rurales. « La bureaucratie peut être un frein », note-t-elle. Cette remarque me semble pertinente : un projet aussi ambitieux doit être inclusif pour réussir.
Un Modèle à Suivre ou un Risque à Évaluer ?
Le programme RVI est une expérience fascinante. En redistribuant directement les richesses pétrolières, le Suriname tente de briser le cycle de l’inégalité qui accompagne souvent les booms pétroliers. Mais il y a des risques. Et si les citoyens préféraient consommer immédiatement plutôt qu’épargner ? Cela pourrait limiter les investissements dans des projets structurants, comme l’éducation ou les infrastructures. De plus, l’impact environnemental de l’exploitation pétrolière reste un sujet brûlant.
Personnellement, je trouve ce modèle audacieux, mais fragile. Il repose sur une hypothèse : celle que les revenus pétroliers seront stables et suffisants. Que se passera-t-il si les prix du pétrole chutent ou si la production rencontre des obstacles ? Ce sont des questions qu’il faudra surveiller de près.
Vers un Avenir Transformé ?
Le Suriname se trouve à un tournant. Avec ce programme, il ne se contente pas d’exploiter ses ressources naturelles : il tente de réinventer la manière dont elles profitent à la population. Si le projet réussit, il pourrait devenir un modèle pour d’autres nations riches en ressources. Mais pour l’instant, le défi est de taille : assurer une mise en œuvre équitable, transparente et durable.
En attendant 2028, les regards se tournent vers ce petit pays sud-américain. Réussira-t-il à transformer sa manne pétrolière en un levier d’inclusion sociale ? Ou tombera-t-il dans les pièges classiques des économies pétrolières ? Une chose est sûre : l’expérience surinamaise mérite qu’on s’y intéresse. Et vous, que pensez-vous de ce pari audacieux ?
