Imaginez-vous dans les jardins du parlement namibien, où le vent chaud du désert porte encore les échos d’un passé douloureux. Ce 28 mai 2025, pour la première fois, la Namibie s’arrête pour honorer officiellement les victimes du génocide Herero et Nama, massacrés par les forces coloniales allemandes au début du XXe siècle. Ce moment, chargé d’émotion, n’est pas seulement un hommage : c’est un cri pour la justice, une demande insistante de réparations qui résonne bien au-delà des frontières de ce pays d’Afrique australe. Pourquoi, plus d’un siècle plus tard, cette blessure reste-t-elle si vive ?
Un Génocide Méconnu : L’Histoire des Herero et Nama
Entre 1904 et 1908, ce qui est aujourd’hui la Namibie fut le théâtre d’une tragédie effroyable. Les forces coloniales allemandes, dans une répression brutale, ont exterminé environ 60 000 Herero et 10 000 Nama, soit près de 80 % de la population Herero selon certains historiens. Ce massacre, souvent qualifié de premier génocide du XXe siècle, n’est pas seulement un chiffre : il représente des familles déchirées, des cultures brisées, et une douleur transmise à travers les générations.
Les Herero et les Nama, deux groupes ethniques vivant dans ce qui était alors le Sud-Ouest africain allemand, se sont rebellés contre l’exploitation coloniale. En réponse, les troupes allemandes ont lancé une campagne d’une violence inouïe : exécutions de masse, famines orchestrées, et enfermement dans des camps de concentration. À Windhoek, la capitale, l’un de ces camps se trouvait à quelques pas de l’endroit où, aujourd’hui, des bougies sont allumées en mémoire des victimes.
Nous nous tenons non loin d’un ancien camp de concentration. Nous ne pouvons changer le passé, mais nous devons assumer la responsabilité de nous en souvenir.
– Un diplomate européen présent à la cérémonie
Une Première Commémoration Chargée de Symboles
Le 28 mai 2025 marque un tournant. Pour la première fois, la Namibie a décrété cette date comme Jour du Souvenir du Génocide, un jour férié officiel. Pourquoi ce jour précis ? En 1907, sous la pression internationale, les autorités coloniales allemandes avaient ordonné la fermeture des camps de concentration. Ce choix de date n’est pas anodin : il ancre la mémoire collective dans un moment où l’espoir d’un changement avait timidement émergé.
La cérémonie, organisée dans les jardins du parlement à Windhoek, a réuni un millier de personnes, dont des dignitaires étrangers. Des bougies ont été allumées, une minute de silence observée, et des chants traditionnels ont résonné, mêlés de discours poignants. Ce moment solennel a rappelé à tous que la mémoire n’est pas qu’un exercice du passé : elle façonne l’avenir.
La Demande de Réparations : Un Combat Inachevé
Si l’Allemagne a reconnu en 2021 que ces atrocités constituaient un génocide, le chemin vers une véritable réparation reste semé d’embûches. Lors de la cérémonie, la présidente namibienne, première femme à occuper ce poste, a réitéré avec force la nécessité de réparations justes. “Nous devons rester déterminés jusqu’au bout”, a-t-elle déclaré, soulignant l’absence d’accord concret malgré des discussions entamées en 2013.
L’Allemagne a proposé un milliard d’euros d’aide au développement sur trente ans, destiné aux descendants des Herero et Nama. Mais cette offre a été rejetée par la Namibie, qui y voit une tentative de contourner la question des réparations officielles. Pour beaucoup, cette somme, bien que conséquente, ne peut compenser la perte de vies, de terres et de dignité.
- Reconnaissance officielle : L’Allemagne a admis sa responsabilité en 2021, un pas historique.
- Proposition financière : Un milliard d’euros sur 30 ans, refusé par la Namibie.
- Restitution des restes : Crânes et ossements rapatriés en 2011 et 2018.
- Discussions en cours : Depuis 2013, sans accord final sur les réparations.
Un Passé qui Hante le Présent
J’ai toujours trouvé fascinant, et parfois dérangeant, de voir comment l’histoire continue de modeler nos sociétés modernes. Les Herero et les Nama ne demandent pas seulement une compensation financière : ils exigent une reconnaissance pleine et entière de leur souffrance. Les crânes et ossements ramenés d’Europe en 2011 et 2018, utilisés autrefois pour des expériences pseudoscientifiques, sont un rappel brutal des abus coloniaux. Qui pourrait rester indifférent face à de tels vestiges d’inhumanité ?
Les camps de concentration de l’époque, comme celui de Windhoek, ne sont pas qu’un lointain souvenir. Ils symbolisent une période où des idéologies racistes ont justifié l’indicible. Aujourd’hui, la Namibie, avec ses trois millions d’habitants, cherche à transformer cette douleur en un élan de justice. Mais comment quantifier une perte aussi immense ?
Il ne s’agit pas seulement d’argent. C’est une question de dignité, de mémoire, et de justice pour nos ancêtres.
– Une voix de la communauté Herero lors de la cérémonie
Pourquoi Cette Commémoration Compte
Ce premier Jour du Souvenir n’est pas seulement une cérémonie. Il marque une volonté de faire entendre une histoire trop longtemps ignorée. Dans un monde où les récits coloniaux sont souvent édulcorés, la Namibie pose une question essentielle : comment réparer les injustices du passé ? Ce n’est pas un débat abstrait, mais une réalité qui touche les descendants des victimes, toujours en quête de reconnaissance.
La présence de diplomates étrangers, dont l’ambassadeur allemand, à la cérémonie montre que ce sujet dépasse les frontières namibiennes. Il interroge la responsabilité des anciennes puissances coloniales face à leur héritage. Et si l’Allemagne a fait des pas en avant, comme la restitution de restes humains, le refus de qualifier son aide de “réparations” reste un point de friction.
| Aspect | Détails | Impact |
| Reconnaissance | Admise en 2021 par l’Allemagne | Étape clé, mais insuffisante sans réparations |
| Restitution | Crânes et ossements rendus en 2011 et 2018 | Symbolique, mais ne compense pas les pertes |
| Aide proposée | 1 milliard d’euros sur 30 ans | Rejetée, perçue comme inadéquate |
| Commémoration | Premier Jour du Souvenir en 2025 | Renforce la mémoire collective |
Vers un Avenir de Justice ?
La route vers des réparations justes est encore longue. Les négociations, entamées il y a plus de dix ans, patinent. Pourtant, l’élan donné par cette première commémoration pourrait changer la donne. La présidente namibienne, avec une détermination palpable, incarne cet espoir. Mais au-delà des discours, c’est l’unité de la nation qui sera cruciale pour maintenir la pression.
En observant ce moment historique, je ne peux m’empêcher de penser à d’autres luttes similaires à travers le monde. Les questions de réparations coloniales ne concernent pas seulement la Namibie ou l’Allemagne. Elles touchent à des débats universels sur la mémoire, la justice et la responsabilité. La Namibie, en érigeant ce Jour du Souvenir, pose un jalon. Mais la véritable victoire sera-t-elle un accord sur des réparations dignes de ce nom ?
Un Défi Global pour les Anciennes Puissances Coloniales
Ce qui se joue en Namibie dépasse le cadre bilatéral. D’autres nations africaines observent. Les anciennes puissances coloniales, qu’il s’agisse de la France, du Royaume-Uni ou de la Belgique, font face à des appels similaires. Comment répondre à ces demandes sans tomber dans des excuses vides ou des gestes symboliques insuffisants ? C’est une question qui hante les chancelleries européennes.
La Namibie, avec sa population modeste de trois millions d’habitants, montre qu’un petit pays peut porter une voix puissante. Ce premier Jour du Souvenir n’est pas seulement un moment de recueillement : c’est un acte de résistance face à l’oubli. Les bougies allumées à Windhoek éclairent un chemin, fragile mais déterminé, vers la justice.
La mémoire est une arme. Elle nous rappelle qui nous sommes et ce que nous devons exiger.
– Un leader communautaire namibien
Et Ensuite ?
Alors que la Namibie continue de pousser pour des réparations, le monde regarde. Ce combat, à la croisée de l’histoire et de la justice, pourrait redéfinir la manière dont les nations affrontent leur passé colonial. Les Herero et les Nama ne demandent pas seulement une compensation : ils exigent que leur dignité soit restaurée. Et si ce premier Jour du Souvenir marque le début d’un tournant, il reste à voir si l’Allemagne, et d’autres anciennes puissances, sauront répondre à l’appel.
En attendant, la Namibie ne baisse pas les bras. Les chants, les bougies, et les discours de ce 28 mai résonnent comme un rappel : l’histoire n’est pas close. Elle vit, elle interpelle, et elle exige des comptes. À nous, lecteurs, de ne pas détourner le regard.
