Imaginez un matin de mai 1986. Une jeune femme, mère de deux enfants, part distribuer des journaux dans les rues tranquilles d’une petite ville de l’Isère. Elle ne reviendra jamais. Cette disparition, celle de Marie-Thérèse Bonfanti, a marqué les esprits pendant des décennies. Pourquoi cette affaire revient-elle hanter les tribunaux aujourd’hui ? Parce qu’un homme, des années plus tard, a avoué. Mais la justice peut-elle encore le juger ?
Le 3 septembre 2025, la Cour de cassation se penchera sur une question cruciale : le meurtre de Marie-Thérèse Bonfanti est-il prescrit ? Ce débat, loin d’être un simple point de droit, pourrait redéfinir la manière dont la France traite ses cold cases, ces affaires criminelles jamais élucidées. Plongeons dans cette histoire, entre espoir de justice et complexités juridiques.
Une Disparition qui Hante Pontcharra
En 1986, Pontcharra, petite commune de l’Isère, est secouée par la disparition soudaine de Marie-Thérèse Bonfanti. Âgée de 25 ans, elle est une figure familière du quartier, distribuant des journaux aux aurores. Ce 22 mai, elle ne termine pas sa tournée. Sa famille alerte rapidement les autorités, mais à l’époque, les moyens d’enquête sont limités. Aucun corps, aucune scène de crime. Juste un vide.
Une disparition, c’est comme une blessure qui ne cicatrise jamais. On vit avec, mais on n’oublie pas.
– Un proche d’une victime de cold case
Les premières investigations se tournent vers un voisin, Yves Chatain. Suspecté, il est interrogé mais relâché faute de preuves. L’enquête s’essouffle, aboutissant à un non-lieu en 1987, confirmé en 1989. Pendant des décennies, l’affaire dort dans les archives, laissant la famille Bonfanti dans l’espoir d’une vérité qui semble hors de portée.
Le Tournant de 2022 : Des Aveux Inattendus
En mai 2022, un rebondissement spectaculaire relance l’affaire. Yves Chatain, désormais âgé de 60 ans, est de nouveau interpellé. Cette fois, il craque. Lors de son interrogatoire, il avoue avoir étranglé Marie-Thérèse Bonfanti et dissimulé son corps. Un choc pour la famille, mais aussi un nouvel espoir : la justice pourrait enfin rendre son verdict.
Mais un obstacle de taille se dresse : la prescription. En 1986, le délai pour juger un meurtre était de dix ans. Selon la défense de Chatain, ce délai est largement dépassé. Pourtant, les avocats de la famille Bonfanti soutiennent une autre thèse : tant que le corps n’était pas retrouvé, l’affaire était occulte, c’est-à-dire cachée. Pour eux, le délai de prescription ne commence qu’avec les aveux de 2022.
- 1986 : Disparition de Marie-Thérèse Bonfanti.
- 1987-1989 : Non-lieu dans l’enquête initiale.
- 2022 : Aveux d’Yves Chatain, mis en examen pour meurtre.
- 2023 : Libération sous contrôle judiciaire en raison des doutes sur la prescription.
Ce désaccord juridique n’est pas anodin. Il soulève une question fondamentale : comment juger des crimes lorsque les preuves émergent des décennies plus tard ?
La Bataille Juridique autour de la Prescription
La notion de prescription est au cœur de ce dossier. En droit français, elle fixe une limite temporelle pour engager des poursuites. Mais dans une affaire comme celle-ci, où le crime est resté caché si longtemps, où commence le compte à rebours ?
En novembre 2022, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Grenoble donne raison à la famille Bonfanti. Elle estime que l’absence de corps et de scène de crime rendait le meurtre occulte. Ainsi, la prescription ne s’appliquerait qu’à partir du moment où les aveux ont révélé le crime. Une lueur d’espoir pour la famille.
La justice doit s’adapter aux réalités des cold cases. Un crime ne peut pas être effacé simplement parce que le temps a passé.
– Un avocat spécialisé en affaires criminelles
Mais la Cour de cassation ne l’entend pas ainsi. En 2023, elle casse cette décision, arguant que l’absence de corps n’empêche pas la manifestation de la vérité. Le dossier est renvoyé à la cour d’appel de Lyon, qui, en décembre 2024, rend un arrêt audacieux : elle refuse de suivre la Cour de cassation, estimant que la date du décès n’étant pas connue, le meurtre n’est pas prescrit.
Cet arrêt de rébellion, comme on l’appelle dans le jargon juridique, est rare. Il montre à quel point cette affaire divise. D’un côté, la rigueur du droit et ses délais stricts. De l’autre, le besoin de justice pour une famille endeuillée. La décision du 3 septembre 2025 sera cruciale.
Les Enjeux pour les Cold Cases
Si l’affaire Bonfanti est singulière, elle n’est pas isolée. En France, des centaines de cold cases dorment dans les archives judiciaires. Ces crimes non résolus, parfois vieux de plusieurs décennies, posent un défi : comment concilier le droit à la justice avec les contraintes du temps ?
| Aspect | Défis | Solutions possibles |
| Prescription | Délais légaux trop courts | Prolongation pour crimes occultes |
| Preuves | Absence de corps ou d’indices | Technologies modernes (ADN) |
| Justice | Attentes des familles | Pôle dédié aux cold cases |
La décision de la Cour de cassation pourrait créer un précédent. Si elle donne raison à la cour d’appel de Lyon, elle ouvrirait la voie à la révision d’autres affaires similaires. À l’inverse, si elle confirme la prescription, elle pourrait fermer la porte à de nombreuses familles en quête de réponses.
Personnellement, je trouve que cette affaire illustre un paradoxe. On ne peut pas reprocher à un criminel d’avoir bien caché son crime, mais on ne peut pas non plus ignorer le besoin de justice des victimes. N’est-ce pas là tout l’enjeu du droit : trouver un équilibre entre rigueur et humanité ?
Une Famille en Quête de Vérité
Derrière les débats juridiques, il y a une famille. Celle de Marie-Thérèse Bonfanti, qui, pendant 36 ans, a vécu dans l’incertitude. Les aveux de 2022 ont rouvert une blessure, mais ils ont aussi offert une chance, même fragile, de faire la lumière sur ce drame.
Le combat de cette famille n’est pas unique. Partout en France, des proches de victimes de cold cases se battent pour que la justice ne les oublie pas. Leur ténacité, souvent face à l’indifférence, force l’admiration. Mais elle pose aussi une question : jusqu’où peut-on aller pour obtenir justice ?
- Persévérance : Les familles maintiennent la pression sur les autorités.
- Avancées technologiques : L’ADN et les nouvelles méthodes d’enquête rouvrent des dossiers.
- Soutien juridique : Des avocats spécialisés accompagnent les victimes.
Dans le cas Bonfanti, l’avocat de la famille, sans jamais baisser les bras, a su transformer une disparition en une affaire criminelle. Un travail de longue haleine, mais qui pourrait porter ses fruits.
Et Après ?
Le 3 septembre 2025, la Cour de cassation rendra un verdict qui fera date. Mais quelle que soit sa décision, l’affaire Bonfanti aura marqué les esprits. Elle nous rappelle que la justice, aussi imparfaite soit-elle, est un pilier de notre société. Et que derrière chaque dossier, il y a des vies brisées, des espoirs, des combats.
Pour ma part, je ne peux m’empêcher de penser à ces familles qui attendent, parfois depuis des décennies, une réponse. Leur courage face à l’incertitude est une leçon d’humanité. Et si cette affaire pouvait, d’une manière ou d’une autre, leur redonner espoir ?
La vérité, même tardive, est toujours une victoire.
– Un magistrat français
En attendant, l’affaire Bonfanti reste un symbole. Un symbole de la quête de vérité, mais aussi des limites du système judiciaire. Le 3 septembre, une page se tournera. Mais pour Marie-Thérèse, sa famille, et tous les cold cases de France, le livre reste ouvert.
