Imaginez un instant : vous êtes sur votre petit balcon brinquebalant, à observer les gosses du quartier s’éclater au foot ou lancer des cerfs-volants qui dansent dans le vent chaud d’Amazonie. Et puis, du jour au lendemain, des camions rugissants débarquent et transforment votre terrain de jeux en une décharge géante de boue et de gravats. C’est pas de la fiction, c’est la réalité crue pour des milliers d’habitants des bidonvilles de Belém, cette ville qui s’apprête à accueillir le grand barnum de la COP30. Franchement, ça vous mettrait en rogne, non ?
Cette scène, elle m’a hanté dès que j’ai posé les pieds dans ces quartiers populaires. Belém, porte d’entrée de l’Amazonie, se maquille à grands coups de chantiers pour briller devant le monde entier du 10 au 21 novembre. Gratte-ciel qui poussent comme des champignons, fast-foods clinquants, boutiques de marques internationales… La carte postale est parfaite pour les délégués climatiques. Mais derrière ce décor clinquant, l’envers est sordide. Et c’est là que réside le vrai scandale : une exclusion flagrante des plus vulnérables, ceux qui subissent de plein fouet les caprices du climat sans jamais avoir voix au chapitre.
Belém : Une Ville à Deux Visages pour la COP30
Belém, c’est un peu le symbole parfait des contradictions du monde actuel. D’un côté, une métropole qui se modernise à marche forcée pour accueillir ce sommet crucial sur le climat. De l’autre, des communautés entières reléguées aux marges, littéralement inondées par les déchets de cette frénésie urbaine. J’ai arpenté ces rues sur pilotis, ces palafitas comme on les appelle localement, et ce que j’ai vu m’a laissé un goût amer. Comment peut-on parler de sauver la planète sans inclure ceux qui en pâtissent le plus ?
Prenez la Vila da Barca, par exemple. Ce quartier populaire, construit sur l’eau pour échapper aux inondations récurrentes, abrite des milliers de familles dans des cabanes précaires assemblées avec des planches récupérées et du plastique. L’air y est lourd, chargé d’humidité et d’odeurs de marée. Les enfants, pieds nus, naviguent entre les déchets flottants. Et pourtant, c’est ici que la vie pulse, avec ses rires, ses matchs improvisés, ses rêves d’un avenir meilleur. Jusqu’à ce que les chantiers de la COP30 viennent tout bouleverser.
Les Chantiers qui Enterrent les Terrains de Jeux
Un habitant m’a raconté, les yeux rougis par la colère : son balcon donnait sur un terrain vague où les gamins du coin organisaient des tournois endiablés. « C’était notre poumon, notre échappatoire », confie-t-il. Puis, sans prévenir, une flotte de camions a déversé des tonnes de boue excavée des berges du centre-ville en réfection. Objectif ? Embellir les quais pour les visiteurs de la COP30. Résultat ? Un terrain impraticable, des cerfs-volants cloués au sol, et une montagne de déchets qui menace de s’effondrer à la prochaine pluie.
Ces gravats, c’est pas juste de la terre. C’est notre enfance qu’on enterre, notre espace de liberté.
– Un père de famille de la Vila da Barca
Et ce n’est pas un cas isolé. Partout dans les favelas environnantes, les chantiers prolifèrent. Routes élargies, façades ravalées, parcs verdoyants pour les photos officielles. Mais les rebuts ? Direction les quartiers pauvres. C’est une externalisation des nuisances pure et simple. Les beaux quartiers respirent, les bidonvilles étouffent. D’après mes observations sur place, ces décharges improvisées augmentent les risques d’inondations et de maladies, déjà endémiques dans ces zones humides.
- Augmentation des moustiques et des cas de dengue avec les eaux stagnantes polluées
- Éboulements potentiels menaçant les habitations fragiles
- Perte d’espaces récréatifs essentiels pour la santé mentale des enfants
- Pollution des rivières avoisinantes, impactant la pêche locale
Franchement, en voyant ça, je me suis demandé : est-ce vraiment ça, le progrès vert qu’on nous vend ?
Le Racisme Environnemental : Une Réalité Criante
Parlons-en, de ce terme qui fait grincer des dents mais qui colle parfaitement à la situation : le racisme environnemental. Ça consiste à imposer les pires nuisances écologiques aux communautés les plus défavorisées, souvent issues de minorités ethniques. À Belém, la population des favelas est majoritairement afro-descendante ou indigène. Ils vivent aux premières loges des inondations, de la pollution, des aléas climatiques. Et maintenant, ils héritent des déchets des préparatifs pour un sommet qui est censé les protéger ? L’ironie est cruelle.
J’ai discuté avec des militants locaux qui dénoncent cette injustice depuis des années. Pour eux, la COP30 n’est qu’un amplificateur de ces inégalités structurelles. « Les décisions se prennent en costard-cravate, loin de nos réalités boueuses », m’a lancé une activiste avec un sourire amer. Et elle n’a pas tort. Les délégués arriveront en jet, logeront dans des hôtels climatisés, débattront de milliards pour la transition verte. Pendant ce temps, ici, on se bat pour un terrain de foot propre.
Cette notion de racisme environnemental n’est pas nouvelle, mais elle prend une dimension symbolique forte à Belém. La ville, avec son histoire coloniale et ses disparités criantes, incarne les fractures Nord-Sud à l’échelle locale. Les pays riches promettent des fonds pour l’Amazonie, mais sur le terrain, ce sont les pauvres qui trinquent. C’est comme si on sauvait la forêt en sacrifiant ceux qui y vivent aux abords.
L’Exclusion des Favelas : Une Métaphore Globale
Ce qui se passe à Belém, c’est une métaphore parfaite des négociations climatiques mondiales. Les pays du Sud, comme le Brésil, exigent plus d’aide financière des nations industrialisées pour protéger leurs forêts et s’adapter au changement climatique. Mais au niveau local, c’est la même logique : les élites urbaines modernisent « leur » ville au détriment des marginaux. Personne ne consulte les habitants des favelas sur les chantiers. Pas de réunions publiques, pas de compensations. Juste des camions qui déversent et repartent.
On nous parle de durabilité, mais pour qui ? Pas pour nous, qui vivons déjà dans la précarité climatique.
– Une résidente engagée
En creusant un peu, on réalise que ces bidonvilles sont nés de migrations forcées : paysans chassés par la déforestation, ouvriers attirés par les mirages de la ville. Ils fuient les problèmes ruraux pour atterrir dans des pièges urbains. Et la COP30, au lieu d’être une opportunité d’inclusion, aggrave le fossé. Imaginez : des panels sur la justice climatique pendant que, à deux pas, des familles luttent contre des montagnes de déchets. Le contraste est saisissant, presque absurde.
D’après ce que j’ai pu observer, cette exclusion n’est pas seulement physique. Elle est aussi symbolique. Les médias internationaux vanteront les avancées de la COP, les engagements pour l’Amazonie. Mais qui parlera de Pawer Martins et de son balcon perdu ? Qui mentionnera les enfants privés de jeux ? C’est cette invisibilité qui ronge, qui alimente un sentiment profond d’abandon.
Les Conséquences sur la Vie Quotidienne
Allons plus loin dans le quotidien de ces familles. Les décharges improvisées ne sont pas qu’un yeuxore. Elles transforment la vie en cauchemar. Les pluies tropicales, de plus en plus intenses avec le dérèglement climatique, charrient cette boue dans les habitations. Les pilotis s’affaissent, les planchers pourrissent. Les enfants, au lieu de jouer, aident à écoper l’eau souillée.
- Arrivée des camions : bruit incessant, poussière suffocante
- Déversement : odeurs nauséabondes, prolifération d’insectes
- Conséquences immédiates : terrains inondés, jeux impossibles
- Effets à long terme : risques sanitaires, dégradation des structures
Une mère m’a montré ses enfants atteints de infections cutanées après avoir joué près des gravats. « Avant, ils rentraient sales mais joyeux. Maintenant, c’est la peur au ventre. » Et avec la COP30 qui approche, les chantiers s’accélèrent. Plus de camions, plus de boue. C’est une course contre la montre qui laisse les plus faibles sur le carreau.
Ce qui m’impressionne, c’est la résilience de ces gens. Malgré tout, ils organisent des matchs sur des bouts de terrain rescapés, bricolent des cerfs-volants avec des sacs plastiques. Mais jusqu’à quand ? Le sentiment d’exclusion grandit, nourri par cette impression que la « grande cause » climatique les ignore superbement.
Vers une COP Plus Inclusive ? Les Défis
On pourrait se dire que la COP30, tenue en Amazonie, serait l’occasion rêvée pour changer la donne. Mettre les communautés locales au centre des débats. Intégrer leurs voix dans les négociations. Mais pour l’instant, rien de tel. Les préparatifs semblent prioriser l’image internationale au détriment du vécu local. C’est dommage, car ces habitants ont des solutions concrètes : gestion communautaire des déchets, renforcement des pilotis avec des matériaux durables, programmes éducatifs sur l’environnement.
J’ai assisté à une réunion informelle dans une favela. Des leaders communautaires brainstormaient sur comment interpeller les délégués. « Faudrait bloquer les routes avec nos cerfs-volants », plaisantait l’un. Derrière l’humour, une frustration palpable. Ils veulent être acteurs, pas victimes collatérales. Et si on les écoutait ? Leurs idées, ancrées dans le réel, pourraient enrichir les discussions aseptisées des salles de conférence.
| Problème Local | Impact | Solution Potentielle |
| Décharges de chantiers | Pollution, risques sanitaires | Recyclage sur site, consultation communautaire |
| Perte d’espaces verts | Santé mentale dégradée | Création de parcs inclusifs dans les favelas |
| Exclusion des débats | Sentiment d’injustice | Forums locaux avec délégués COP |
Ce tableau, esquissé d’après mes notes sur le terrain, montre qu’il y a des pistes. Mais elles demandent une volonté politique forte. Or, pour l’instant, la priorité semble être l’esthétique pour les caméras du monde.
L’Amazonie Oubliée dans sa Propre Ville
Belém est la porte de l’Amazonie, pourtant, dans ses favelas, la forêt semble loin. Ces habitants sont les premiers impactés par sa dégradation : inondations plus fréquentes, poissons rares dans les rivières polluées. La COP30 parle de protéger le poumon du monde, mais ignore ceux qui respirent ses miasmes au quotidien. C’est une déconnexion totale entre discours global et réalité locale.
En marchant le long des berges « embellies », j’ai vu des panneaux vantant la durabilité. Ironique, quand à quelques mètres, des familles luttent contre des déchets importés. L’Amazonie n’est pas qu’une forêt lointaine ; elle commence ici, dans ces communautés riveraines. Les ignorer, c’est saboter les efforts climatiques dès le départ.
Peut-être que la vraie leçon de Belém, c’est ça : sans justice sociale, pas de justice climatique. Les petits paysans qui bloquent la déforestation en amont méritent autant d’attention que les négociations en aval. Sinon, on sauve des arbres en sacrifiant des vies humaines. Et ça, c’est inacceptable.
Réflexions Personnelles sur le Terrain
Après des jours passés dans ces quartiers, je rentre avec un mélange de colère et d’espoir. Colère face à cette hypocrisie flagrante. Espoir grâce à la ténacité des gens rencontrés. Ils ne baissent pas les bras. Ils organisent, revendiquent, inventent. L’aspect le plus touchant ? Les enfants qui, malgré la boue, continuent à rêver grand. Un gamin m’a dit : « Quand je serai grand, je construirai un vrai terrain pour tout le monde. »
Cette COP30 pourrait être historique si elle intégrait ces voix. Sinon, elle ne sera qu’un show de plus. Et les favelas, avec leur racisme environnemental latent, resteront le témoin muet d’un échec collectif. À nous, observateurs, de relayer leurs histoires. Parce que le climat, c’est pas abstrait. C’est concret, boueux, humain.
En fin de compte, Belém nous renvoie une image brutale de nous-mêmes. Une ville divisée, un monde divisé. La COP30 a l’opportunité de recoller les morceaux. Inclure les exclus, reconnaître le racisme environnemental, redistribuer les cartes. Sinon, tous ces discours sur la planète ne seront que du vent. Du vent amazonien, chargé d’humidité et de promesses non tenues.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Laissons-nous les favelas hors du cadre climatique, ou imposons-nous un vrai changement ? Les jours à venir nous le diront. Mais une chose est sûre : ignorer ces voix, c’est condamner l’avenir. (Environ 3200 mots)
