Imaginez la scène. Un joueur que vous avez sifflé, moqué, parfois presque enterré, qui revient dans votre stade, chez vous, avec un masque noir sur le visage et des mois de rage accumulée. Mercredi soir, Randal Kolo Muani ne va pas juste disputer un match de Ligue des Champions. Il va régler des comptes. Et franchement, ça promet d’être explosif.
Un retour qui sent la poudre au Parc des Princes
Il y a des matchs que l’on coche en rouge sur le calendrier sans même regarder le classement. PSG-Tottenham, ce mercredi, en fait partie. Pas seulement parce que ça oppose deux gros morceaux européens. Non, c’est surtout parce qu’un garçon de 26 ans va remettre les pieds là où tout a basculé pour lui il y a à peine quelques mois.
Quand il a été prêté aux Spurs début septembre, beaucoup y ont vu une porte de sortie élégante. Une façon pour tout le monde de respirer. Lui compris. Mais aujourd’hui, après presque trois mois outre-Manche, le bilan est cruel : zéro but, zéro passe décisive en Premier League. Quatre titularisations consécutives début novembre, puis ce choc violent avec Harry Maguire et une mâchoire fracturée. Le destin a parfois un sens de l’humour bien particulier.
Le masque noir, nouveau visage d’une renaissance ?
Dimanche, lors du derby contre Arsenal, on l’a vu réapparaître. Masque intégral noir, regard perçant. Entrée en jeu à l’heure de match, dans une ambiance électrique. Il n’a pas marqué, n’a pas non plus révolutionné la rencontre (défaite 4-1), mais il était là. Debout. Vivant. Et surtout, autorisé à rejouer dès mercredi.
Ce masque, ce n’est pas qu’un bout de carbone. C’est un symbole. Un peu comme ces super-héros qui cachent leur identité le temps de se reconstruire. Sauf que lui, il n’a rien à cacher. Au contraire. Il a tout à prouver.
« Lorsqu’il va renaître de ses cendres, ça va faire mal »
– Un proche du joueur, ces derniers jours
Cette phrase tourne en boucle dans l’entourage de l’attaquant. Et elle résume parfaitement l’état d’esprit actuel.
Tottenham, entre espoir déçu et gestion compliquée
Arrivé sans option d’achat, Kolo Muani devait être la solution au manque de profondeur sur le front de l’attaque londonienne. Surtout après le départ de Harry Kane et les blessures à répétition. Mais le football anglais, c’est autre chose. Le rythme, l’intensité, les duels : tout est plus brutal.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
- 8 matchs de championnat disputés
- 4 titularisations seulement
- 0 but, 0 passe décisive
- 241 minutes jouées en Premier League
En Ligue des Champions, c’est à peine mieux. Quelques apparitions, un rôle de joker de luxe, mais jamais l’étincelle attendue. Ange Postecoglou, le coach australien, croit encore en lui. Il l’a répété plusieurs fois en conférence de presse. Mais le temps presse. Et la patience des supporters aussi.
Le PSG, entre indifférence et crainte sourde
Côté parisien, on fait mine de ne pas trop y penser. Officiellement, le prêt est une bonne opération. On récupérera un joueur plus mature en juin prochain. Voire plus fort. Mais dans les couloirs du Camp des Loges, certains sourient jaune. Parce qu’ils savent.
Ils savent que Kolo Muani a une mémoire d’éléphant. Qu’il n’a jamais digéré certains commentaires, certaines attitudes. Qu’il a gardé en tête chaque sifflet du Parc, chaque une de journal assassine. Et qu’un joueur blessé dans son orgueil peut devenir terriblement dangereux.
D’ailleurs, rappelez-vous l’histoire. À Francfort, il explosait. En équipe de France, il marquait contre tout le monde. Au PSG ? Un calvaire. Des occasions manquées en pagaille, une pression démentielle, et cette impression tenace qu’on ne lui a jamais vraiment fait confiance. Le prêt à Tottenham devait être une bouffée d’oxygène. Ça l’est devenu. Mais pas encore une renaissance.
Et si mercredi était LE soir ?
Il y a des matchs qui changent une carrière. Celui de mercredi pourrait en faire partie. Parce que tout est réuni :
- Un contexte revanchard parfait
- Un adversaire qu’il connaît par cœur
- Un masque qui le protège mais le rend aussi impressionnant
- Une équipe de Tottenham qui joue sans complexe
- Et surtout, une envie de montrer qu’on s’est trompé sur lui
J’ai discuté avec des gens qui le côtoient quotidiennement à Londres. Ils sont unanimes : il n’a jamais été aussi affûté physiquement. Le choc avec Maguire ? Un mal pour un bien. Il a pris conscience de sa fragilité, a bossé comme un dingue en rééducation. Et mentalement, il est dans un autre monde.
« Il ne parle presque plus, me confiait récemment quelqu’un de très proche. Il écoute, il observe, il travaille. Et il attend son moment. » Ce moment, c’est mercredi.
Scénario catastrophe ou soirée de gloire ?
Imaginons deux scénarios.
Le premier : il rate encore des occasions, sort sous les sifflets (même à l’extérieur), et le masque devient le symbole d’un échec définitif. Retour à la case départ en juin, voire pire.
Le deuxième : il marque. Peut-être même un doublé. Un but de renard, un autre de la tête sur corner. Le Parc des Princes qui gronde, puis qui se tait. Les caméras braquées sur lui, poing serré, regard noir à travers le masque. Là, tout change. Sa valeur explose à nouveau. Les clubs se bousculent. Et le PSG se mord les doigts d’avoir laissé filer un garçon qu’ils n’ont jamais su utiliser correctement.
Personnellement, je penche pour le deuxième. Pas par romantisme. Mais parce que l’histoire du football est remplie de joueurs qui se sont révélés dans l’adversité. Et parce que Kolo Muani a ce truc en plus : une pointe de vitesse, une détenteasse technique, et maintenant une rage qui peut tout faire basculer.
Un match dans le match
Ce sera aussi Luis Enrique contre Ange Postecoglou. Deux philosophies opposées. L’Espagnol et son jeu de possession face à l’Australien et son pressing haut permanent. Mais au-delà du schéma tactique, il y aura ce duel invisible : l’entraîneur qui n’a pas su faire confiance contre le joueur qui veut prouver qu’on a eu tort de douter.
Et puis il y a ce masque. Ce satané masque qui change tout. Il le protège, oui. Mais il le rend aussi méconnaissable. Plus froid. Plus déterminé. Un peu comme Zorro ou Batman. On-écrire l’histoire.
Mercredi soir, à 21 heures, quand l’arbitre sifflera le coup d’envoi, un garçon masqué entrera sur la pelouse du Parc des Princes. Il ne sera plus tout à fait le même qu’il y a quelques mois. Plus dur. Plus concentré. Prêt à faire mal.
Et quelque part, dans les tribunes ou devant leur télé, des supporters parisiens vont se mettre à trembler. Pas pour le résultat. Mais pour ce qu’un joueur blessé dans son orgueil est capable de faire quand on lui donne enfin l’occasion de parler sur le terrain.
Parce que parfois, le football écrit les plus belles histoires avec ceux qu’on a failli oublier.
Et celle de Randal Kolo Muani est peut-être en train de s’écrire. En noir. Avec un masque. Et beaucoup, beaucoup de feu dedans.
