Imaginez la scène. Vous venez d’apprendre que votre condamnation à de la prison ferme est définitive. Plus de recours possible. Dans quelques semaines, un juge va décider si vous porterez un bracelet électronique ou si vous irez dormir derrière les barreaux. Et vous, que feriez-vous le soir même ? Vous enfermer chez vous ? Appeler vos avocats en urgence ? Non. Vous prenez votre écharpe rouge et bleu et vous filez au Parc des Princes voir un match de Ligue des Champions. C’est exactement ce qu’a fait Nicolas Sarkozy ce mercredi 26 novembre 2025.
Franchement, il faut un certain tempérament.
Une soirée presque comme les autres au Parc
Le Parc des Princes, ce soir-là, vibrait pour PSG-Tottenham. Un choc de prestige, des stars sur la pelouse, 48 000 personnes dans les travées. Et dans la tribune présidentielle, comme si de rien n’était, l’ancien chef de l’État discutait tranquillement avec Nasser Al-Khelaïfi et Yaël Braun-Pivet. Écharpe du PSG autour du cou pour certains, sourires, photos. L’image est presque banale. Sauf que quelques heures plus tôt, la Cour de cassation venait de clore treize ans de procédure dans l’affaire Bygmalion.
Je me suis surpris à me demander : est-ce du sang-froid hors norme ou simplement l’expression d’une passion plus forte que tout ? Peut-être les deux.
Bygmalion : rappel des faits sans jargon
Pour ceux qui auraient raté les épisodes précédents – et ils sont nombreux –, un petit retour en arrière s’impose. En 2012, Nicolas Sarkozy brigue un second mandat. La campagne est fastueuse : meetings géants, décors hollywoodiens, déplacements en jet privé. Problème : la loi limite strictement les dépenses électorales. Pour contourner le plafond, une partie des factures passe par l’UMP (devenue Les Républicains) via une société d’événementiel, Bygmalion. Résultat : près de 43 millions d’euros dépensés au lieu des 22,5 millions autorisés.
Pendant des années, l’ancien président a contesté, fait appel, pourvu en cassation. Mercredi, c’est fini. La Cour a validé la peine : un an de prison dont six mois ferme. En pratique, il y a de fortes chances qu’il n’aille pas en cellule – aménagement de peine, bracelet électronique ou semi-liberté sont probables –, mais le symbole est lourd. Un ancien président de la République condamné définitivement pour financement illégal de campagne.
« Je prends acte de cette décision avec sérénité », aurait déclaré son entourage.
Communiqué sobre, comme toujours
Le foot, refuge ou thérapie ?
On le sait peu, mais Nicolas Sarkozy est un vrai mordu de ballon rond. Depuis des décennies, il ne rate presque aucun match du PSG quand il le peut. Sous la présidence, déjà, il invitait des joueurs à l’Élysée, organisait des réceptions après les victoires. Une fois sorti du pouvoir, il est devenu un habitué du Parc, au point d’avoir sa place attitrée.
Ce n’est pas nouveau. Souvenez-vous : en 2016, alors qu’il était mis en examen dans l’affaire des écoutes, il était au stade pour France-Allemagne en demi-finale de l’Euro. En 2021, pendant le procès Bygmalion en première instance, il assistait à PSG-Bayern en quarts de Ligue des Champions. Le pattern est clair.
- Condamnation confirmée en appel ? Il va voir PSG-Manchester City.
- Perquisition à son domicile ? Direction le Parc pour PSG-Real Madrid.
- Cour de cassation qui rejette son pourvoi ? Allez, un petit PSG-Tottenham pour se changer les idées.
On pourrait presque en rire si le sujet n’était pas aussi sérieux.
Le contraste qui frappe les esprits
Ce qui rend la séquence vertigineuse, c’est le décalage abyssal entre la gravité judiciaire et l’insouciance apparente. D’un côté, la plus haute juridiction française qui clôt un dossier historique. De l’autre, un ex-chef d’État qui applaudit des buts comme n’importe quel supporter lambda.
Et pourtant, c’est peut-être la meilleure illustration de ce que beaucoup ressentent : en France, les puissants semblent parfois vivre dans un monde parallèle. Pendant que le citoyen moyen tremble à l’idée d’un contrôle fiscal, certains continuent de fréquenter les loges VIP le jour même où la justice les rattrape.
Je ne porte pas de jugement moral ici – chacun gère le stress comme il peut –, mais l’image est brutale.
Que va-t-il se passer concrètement maintenant ?
Concrètement, rien ne change dans l’immédiat. Nicolas Sarkozy reste libre de ses mouvements. Dans les prochaines semaines, il sera convoqué par le juge d’application des peines qui décidera des modalités d’exécution : prison ferme aménagée, semi-liberté, bracelet électronique à domicile… L’hypothèse la plus probable reste le bracelet, comme pour d’autres personnalités condamnées à des peines similaires.
En attendant, il continue sa vie. Conférences rémunérées à l’étranger, écriture de livres, matchs du PSG. Le calendrier judiciaire ne semble pas encore avoir prise sur son agenda personnel.
Et le PSG dans tout ça ?
Du côté du club parisien, on ne commente jamais vraiment la présence des personnalités politiques en tribune. Nasser Al-Khelaïfi entretient depuis longtemps des relations cordiales avec l’ancien président – on se souvient des photos à Doha ou des dîners communs. Le PSG, c’est aussi ça : un club-État où se croisent milliardaires qataris, stars du foot et anciens chefs d’État.
Ce soir-là, d’ailleurs, l’ambiance était plutôt joyeuse malgré la défaite face à Tottenham. Richarlison a bien refroidi le Parc, mais les VIP, eux, semblaient dans leur élément.
Ce que cette séquence dit de notre époque
Plus largement, cette soirée résume assez bien l’époque. D’un côté, une justice qui fait son travail, lentement mais sûrement. De l’autre, des élites qui continuent de vivre dans une bulle protégée, où les conséquences semblent toujours différées.
Est-ce choquant ? Oui, un peu. Est-ce surprenant ? Plus vraiment. Après tout, on a vu d’autres anciens présidents ou Premiers ministres continuer leurs activités malgré des mises en examen ou des condamnations en cours.
Mais il y a quelque chose de profondément humain aussi dans cette attitude. Le foot comme exutoire. Le stade comme parenthèse. Pendant 90 minutes, plus de Bygmalion, plus de Cour de cassation, juste un ballon et des émotions brutes.
Et vous, à sa place, auriez-vous eu le cœur à aller au stade ? Moi, je ne suis pas sûr.
Au final, cette soirée au Parc des Princes restera comme une séquence d’anthologie. Celle où un ancien président de la République, fraîchement condamné à de la prison ferme, a choisi le foot plutôt que le silence. Symbole d’une résilience à toute épreuve ou d’un décalage devenu ordinaire ? Chacun se fera son opinion.
Ce qui est certain, c’est que Nicolas Sarkozy n’a pas fini de nous surprendre. Et que le PSG, quoi qu’il arrive, restera son jardin secret. Même quand la justice frappe à la porte.
