Imaginez la scène : on est fin novembre 2025, le pays retient son souffle, et le budget de l’État pour 2026 n’est toujours pas voté. Pas parce qu’on manque d’idées, non. Simplement parce que la majorité relative rend chaque voix précieuse et que, pour une fois, la gauche socialiste a décidé de ne rien lâcher. Hier, le président du groupe PS à l’Assemblée a sorti l’artillerie lourde : sans vrai compromis, il n’y aura pas de budget. Point final. Même pas peur du 49.3.
Un ultimatum qui change la donne
Franchement, ça fait longtemps qu’on n’avait pas entendu un responsable socialiste parler avec une telle fermeté. Boris Vallaud ne fait pas que poser des conditions : il fixe une ligne rouge infranchissable. Et il le fait à quelques jours seulement de la réunion cruciale prévue lundi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu et le premier secrétaire du parti Olivier Faure.
Le message est limpide : le PS est prêt à discuter, à trouver des points d’accord, mais pas à n’importe quel prix. Si le gouvernement pense pouvoir passer en force avec l’article 49.3, qu’il essaie. Le risque ? Un rejet massif du texte, et donc… plus de budget du tout en 2026. Une situation inédite sous la Ve République.
« S’il n’y a pas de compromis, 49.3 ou pas, il n’y aura pas de budget »
Boris Vallaud, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale
Pourquoi maintenant ? Le contexte explosif
Pour comprendre l’audace de cette position, il faut revenir quelques mois en arrière. Depuis les législatives de 2024, plus aucune majorité absolue à l’Assemblée. Le gouvernement navigue à vue, obligé de négocier texte par texte. Le budget 2025 avait déjà été adopté grâce à plusieurs 49.3 successifs. Résultat ? Une colère qui monte à gauche, mais aussi dans l’opinion publique qui en a marre de voir la démocratie parlementaire ainsi bafouée.
Les socialistes, eux, ont tiré les leçons. Ils ne veulent plus être les idiots utiles qui permettent au gouvernement de passer ses textes en s’abstenant gentiment. Cette fois, ils posent leurs exigences dès le départ. Et ils savent qu’ils ont une carte maîtresse : sans leurs voix (ou du moins leur abstention), le texte ne passe pas.
Les lignes rouges du PS : ce qu’ils veulent vraiment
Alors concrètement, que demande le Parti socialiste ? Pas la lune. Juste le respect de quelques principes qu’ils estiment non négociables en période de crise du pouvoir d’achat.
- Une vraie protection du pouvoir d’achat des Français (revalorisation des minima sociaux, gel des tarifs réglementés, etc.)
- Le maintien des moyens pour les services publics, notamment l’hôpital et l’éducation nationale
- L’abandon ou la forte modulation de certaines mesures fiscales jugées injustes envers les classes moyennes
- Une contribution exceptionnelle plus ambitieuse des grandes entreprises et des très hauts revenus
Rien de révolutionnaire, direz-vous. Et pourtant, le gouvernement traîne des pieds. D’où la menace très sérieuse de tout faire capoter.
Le 49.3, arme à double tranchant
On l’oublie souvent, mais le 49.3 n’est pas une baguette magique. Oui, il permet de faire adopter un texte sans vote. Mais il ouvre aussi la porte à une motion de censure. Et là, tout devient possible.
Si les socialistes décident de voter la censure avec l’extrême gauche et une partie de la droite (ce qui n’est pas totalement exclu), le gouvernement tombe. Et on se retrouve en pleine crise politique à quelques mois de l’élection présidentielle. Autant dire que Sébastien Lecornu a tout intérêt à écouter attentivement ce que Boris Vallaud va lui dire lundi.
« C’est pour la protection du pouvoir d’achat et des services publics que je me bats, pas contre un article de la Constitution »
Boris Vallaud
Et si vraiment il n’y a pas de budget ? Les scénarios possibles
Techniquement, la France peut fonctionner quelques mois avec le système des douzièmes provisoires (on reconduit 1/12e du budget précédent chaque mois). Mais au-delà de quelques mois, c’est la paralysie : plus de nouvelles dépenses, blocage des investissements publics, incertitude totale pour les collectivités, les entreprises, les associations…
Politiquement, ce serait un séisme. Le gouvernement apparaîtrait comme incapable de gérer les affaires courantes. L’opposition, toute l’opposition, hurlerait à l’incompétence. Et Emmanuel Macron devrait soit dissoudre à nouveau (avec le risque d’un résultat encore pire), soit nommer un nouveau Premier ministre pour tenter de débloquer la situation.
Le PS a-t-il les moyens de ses ambitions ?
Oui et non. Avec environ 65 députés, le groupe socialiste n’est pas majoritaire. Mais dans l’hémicycle actuel, chaque groupe compte. Et surtout, les socialistes savent qu’ils ne sont pas seuls : les écologistes et les communistes partagent une grande partie de leurs exigences. Ensemble, ils pèsent lourd.
De plus, une partie des députés de la majorité relative commence à grincer des dents face à la méthode autoritaire du gouvernement. Certains pourraient être tentés de lâcher du lest pour éviter le chaos.
Ce que la réunion de lundi peut changer
Lundi, trois hommes vont se retrouver autour d’un côté Sébastien Lecornu, de l’autre Olivier Faure et Boris Vallaud (accompagnés du président des sénateurs PS). C’est probablement la dernière chance d’éviter le crash.
Le gouvernement peut-il faire des concessions significatives sans perdre la face ? Le PS acceptera-t-il un compromis a minima ? Ou bien chacun va-t-il camper sur ses positions, préférant le chaos à la raison ?
Une chose est sûre : rarement un rendez-vous politique n’aura eu autant d’importance pour les mois à venir. Parce qu’au-delà du budget 2026, c’est toute la fin du quinquennat qui se joue là.
Mon avis (parce qu’on a bien le droit d’en avoir un)
Personnellement, je trouve que Boris Vallaud joue un coup de poker intéressant. Longtemps critiqué pour sa mollesse, le PS montre enfin les dents. Et il a raison : à force de dire oui à tout pour éviter le pire, on finit par obtenir le pire quand même.
Après, reste à voir s’il ira jusqu’au bout. Parce que bloquer le budget, c’est aussi prendre le risque d’être accusé d’irresponsabilité par une partie de l’opinion. Mais parfois, pour être entendu, il faut savoir faire peur.
Affaire à suivre de très près. Lundi soir, on saura si la France aura un budget… ou si on entre dans une zone de turbulences comme on n’en a jamais vu.
Et vous, pensez-vous que le gouvernement va céder ? Ou bien on court vraiment vers le blocage total ?
