Imaginez la scène : un désert brûlant, des spéciales à plus de 200 km/h entre des rochers qui ne pardonnent pas, et un pilote de 41 ans qui, au lieu de lever le pied, appuie encore plus fort pour aller chercher un neuvième titre mondial. Franchement, quand j’ai vu le classement final tomber ce samedi, j’ai eu des frissons. Sébastien Ogier vient d’écrire une page énorme de l’histoire du sport automobile. Et pas n’importe laquelle : celle où il rejoint l’autre Sébastien, le mythe absolu, au panthéon du rallye.
Neuf titres chacun. Dix-huit couronnes pour deux gars qui portent le même prénom. On dirait presque un scénario de film. Et pourtant, c’est bien réel.
Une Saison 2025 Complètement Folle
Cette année, personne n’aurait misé un euro sur lui au départ. Programme partiel, envie de profiter de la famille, discours de quasi-retraite… Ogier arrivait presque en touriste de luxe chez Toyota. Et puis patatras : dès le Monte-Carlo, il rappelle à tout le monde qui est le patron. Quelques victoires chirurgicales, des points grappillés avec une intelligence rare, et surtout une gestion de championnat digne des plus grands stratèges.
Le tournant ? Probablement le Safari Rally et son retour gagnant après des années d’absence là-bas. Ensuite, le Portugal, la Sardaigne… À chaque fois qu’il le fallait, il était là. Pas tout le temps le plus rapide en spéciale pure, mais toujours le plus malin. C’est ça, la marque des immenses champions.
Et puis arrive cette finale en Arabie Saoudite, un terrain inconnu, ultra-exigeant, où la moindre erreur se paye cash. Les jeunes loups – Rovanperä en tête – voulaient sa peau. Neuville rêvait de son premier sacre. Mais non. Ogier, avec son expérience et une froideur impressionnante, a tout simplement fait le job.
« Gagner à 41 ans, avec un programme réduit, face à des pilotes qui courent toute la saison… honnêtement, je ne sais même pas comment qualifier cette performance. »
Un observateur régulier du paddock
Le Duel à Distance qui N’en Finira Jamais
On a beaucoup parlé de rivalité entre les deux Sébastien. En réalité, ils ne se sont croisés que très peu sur la même période pleine. Loeb a dominé outrageusement les années 2000, Ogier a pris le relais dès 2013. Mais leurs carrières se téléscopent parfaitement pour former la plus belle histoire du rallye français.
Ce qui frappe, c’est la complémentarité. Loeb, c’était la vitesse brute, l’attaque pure, le pilotage parfois irréel sur asphalte. Ogier ? L’intelligence tactique, la gestion de course, cette capacité à ne jamais paniquer quand ça part en vrille. L’un a inventé des standards, l’autre les a poussés encore plus loin dans une ère hyper-professionnelle.
- Loeb : 9 titres consécutifs (2004-2012), record absolu à l’époque
- Ogier : 9 titres sur 13 saisons pleines, avec 3 constructeurs différents
- Ensemble : 18 des 22 derniers championnats du monde
Dix-huit titres sur vingt-deux ans. Laissez ça poser deux secondes. C’est simplement hallucinant.
Et Maintenant ? La Fin d’une Ère ou Pas ?
À 41 ans, Ogier répète qu’il veut lever le pied. Qu’il court pour le plaisir désormais. Sauf que… quand on gagne, c’est dur d’arrêter. Je me souviens de Loeb qui disait la même chose en 2012. Et on l’a vu revenir, encore et encore, jusqu’à 46 ans presque.
Alors oui, l’an prochain il ne fera probablement que quelques manches. Mais s’il sent qu’un dixième est possible ? Franchement, je ne parierais contre lui pour rien au monde.
Ce qui est sûr, c’est que la relève française existe. Adrien Fourmaux progresse à vitesse grand V, Pierre-Louis Loubet a montré de belles choses par flashes. Mais remplacer un Ogier ou un Loeb ? Ça va prendre du temps. Beaucoup de temps.
Pourquoi Cette Domination Française Nous Rend Fiers
Il y a quelque chose de profondément français dans cette success-story. Cette capacité à transformer des gamins de petites villes – Gap pour l’un, Haguenau pour l’autre – en légendes mondiales. Ce mélange de talent brut, de travail acharné et d’une certaine forme d’élégance dans la victoire.
On parle souvent de la France nation de football ou de rugby. Mais en rallye ? On est tout simplement la référence absolue depuis deux décennies. Et ça, ça fait du bien.
« Quand j’étais gamin et que je regardais Loeb passer en spéciale, je n’imaginais pas un jour être à son niveau. Et pourtant… »
Sébastien Ogier, quelques heures après son titre
Cette phrase résume tout. L’humilité, le respect de l’histoire, et en même temps cette immense fierté d’avoir rejoint le maître.
Les Moments Clés de la Saison 2025
Pour ceux qui auraient loupé des épisodes, voilà les instants qui ont marqué cette campagne :
- Monte-Carlo : Ogier gagne d’entrée et pose les bases psychologiques
- Safari Rally : Retour triomphal sur une épreuve qu’il n’avait plus courue depuis 2009
- Portugal et Sardaigne : Deux victoires autoritaires quand Neuville et Rovanperä commençaient à douter
- Finlande : Il laisse gagner le jeune loup maison mais sécurise de gros points
- Arabie Saoudite : Gestion parfaite, pas d’erreur, titre en poche
Entre chaque rallye, des semaines de doute, des déclarations où il disait « je ne cours plus pour le championnat ». Et à chaque fois, quand il le fallait, il était là. C’est ça, la classe ultime.
Un Palmarès Qui Donne le Vertige
Petit rappel pour ceux qui découvrent :
| Année | Pilote | Voiture |
| 2013-2018 | Ogier | VW puis Ford puis Citroën |
| 2017-2018 | Ogier | Ford M-Sport |
| 2020-2021 | Ogier | Toyota |
| 2025 | Ogier | Toyota |
Six titres consécutifs, puis deux chez Toyota, puis ce neuvième après une pause. Avec trois marques différentes. Personne n’a fait ça. Personne.
Et Loeb Dans Tout Ça ?
Loeb, lui, suit tout ça de loin. Consultant, pilote d’Extreme E, ambassadeur… Il a forcément vu arriver ce neuvième titre avec un sourire en coin. Les deux hommes se respectent énormément. Ils ont dîné ensemble à Djeddah avant la finale. Deux légendes qui savent qu’ils ont marqué leur sport à jamais.
Est-ce qu’on verra un jour Loeb revenir tenter le dixième pour reprendre la tête ? À 51 ans, ça semble compliqué. Mais avec lui, on n’est jamais sûr de rien.
En attendant, profitons. Profitons de cette France qui domine le rallye mondial comme aucune autre nation n’a dominé un sport mécanique avant elle. Profitons d’avoir vécu l’époque des deux Sébastien.
Parce que oui, un jour ça s’arrêtera. Mais en attendant, merci Séb. Les deux. Vous avez fait rêver des générations entières. Et quelque part, sur une spéciale perdue au milieu de nulle part, il y a sûrement un gamin qui regarde passer une Toyota rouge et blanche en se disant : « Un jour, moi aussi ».
Et c’est peut-être ça, la plus belle victoire.
