Imaginez la scène : une nuit sans lune, quelque part dans les sables de Rafah, au sud de la bande de Gaza. Quatre silhouettes émergent lentement d’un trou noir, comme des fantômes sortis de terre. Quelques secondes plus tard, tout est fini. L’armée israélienne vient d’éliminer ceux qu’elle qualifie immédiatement de « terroristes ». Et nous, à des milliers de kilomètres, on se demande encore : était-ce une violation du cessez-le-feu ou une opération de routine dans une zone toujours sous haute tension ?
C’est l’histoire d’un dimanche matin qui a commencé par un communiqué laconique de Tsahal, mais qui cache en réalité des enjeux bien plus profonds. Parce qu’à Rafah, rien n’est jamais anodin.
Rafah, la ville qui ne dort jamais vraiment
Quand on parle de Rafah, on parle d’une frontière. D’une ligne de sable qui sépare Gaza de l’Égypte, mais aussi d’un réseau souterrain qui, pendant des années, a été le poumon logistique du Hamas. Des tunnels longs de plusieurs kilomètres, parfois équipés d’électricité, de rails, de systèmes de ventilation. Un monde parallèle sous les pieds des habitants.
Au début de l’automne 2025, un cessez-le-feu fragile a été signé. On a beaucoup parlé de reconstruction, d’aide humanitaire, de retour des otages. Mais dans les faits, Rafah reste une zone militaire. Les soldats israéliens y sont toujours présents, et les tunnels, même partiellement inondés ou détruits, continuent d’exister.
C’est dans ce contexte que, dans la nuit du 29 au 30 novembre, quatre hommes armés sont repérés en train de sortir d’une infrastructure souterraine. L’armée israélienne ne laisse aucune chance : guidée par des drones et des unités au sol, elle neutralise les cibles en quelques minutes.
Que s’est-il passé exactement cette nuit-là ?
D’après les informations militaires, tout a commencé par une surveillance de routine. Les systèmes de détection thermique ont repéré du mouvement près d’une entrée de tunnel connue. Quatre individus en sont sortis, équipés d’armes légères et de sacs. Pas de tir immédiat, mais une identification claire : pour Tsahal, ce sont des membres du Hamas.
Ensuite, tout va très vite. Une frappe aérienne précise, ou peut-être une intervention au sol – les détails restent flous, comme toujours dans ce genre d’opération. Quatre corps, quatre armes récupérées, fin de l’histoire côté israélien.
« Des terroristes qui avaient quitté des infrastructures souterraines ont été identifiés et éliminés », indique sobrement le communiqué officiel.
Mais du côté palestinien, la version est évidemment différente. On parle de « combattants de la résistance assiégés » dans les tunnels depuis des semaines, qui tentaient simplement de regagner la surface. Une sortie sous la contrainte, pas une attaque planifiée.
Les tunnels, cette obsession qui ne disparaît pas
Il faut comprendre une chose : les tunnels, ce n’est pas juste un détail technique. C’est devenu un symbole. Pour Israël, ils représentent la menace permanente, la capacité du Hamas à se réorganiser, à faire entrer des armes, à préparer des attaques surprise. Pour les Palestiniens, ils sont parfois le seul moyen de faire circuler vivres et médicaments quand le blocus est total.
Depuis la signature du cessez-le-feu en octobre, la question des tunnels est au cœur de toutes les négociations. On a vu des propositions farfelues : inondation à l’eau de mer, robots explorateurs, cartographie complète. Rien n’a vraiment abouti. Et pendant ce temps, des dizaines, peut-être des centaines de combattants seraient toujours coincés sous terre, sans nourriture suffisante, avec des réserves d’oxygène qui s’amenuisent.
- Certains tunnels font plus de 20 mètres de profondeur
- D’autres sont équipés de portes blindées et de systèmes anti-intrusion
- Une partie a été construite avec l’aide d’ingénieurs étrangers
- Le coût total du réseau est estimé à plusieurs centaines de millions de dollars
J’ai souvent pensé que ces tunnels étaient une métaphore parfaite du conflit : plus on essaie de les détruire, plus ils se reconstruisent ailleurs. Un peu comme si la guerre elle-même avait trouvé refuge sous terre.
Le cessez-le-feu tient-il encore ?
C’est la grande question que tout le monde se pose depuis dimanche matin. Officiellement, oui. Il n’y a pas eu de reprise massive des hostilités, pas de roquettes tirées sur Israël, pas de bombardements intensifs sur Gaza. Mais chaque incident de ce type fragilise un peu plus l’édifice.
La semaine précédente, plus de vingt combattants avaient déjà été tués dans des circonstances similaires. Huit autres avaient été capturés vivants. On sent bien que l’armée israélienne maintient une pression constante sur les dernières poches de résistance armée.
« Nous ne permettrons pas à des terroristes de sortir en sécurité des tunnels », avait déclaré un responsable israélien il y a quelques semaines.
De l’autre côté, le Hamas accuse Israël de violer systématiquement les termes de l’accord, notamment l’engagement à permettre une sortie négociée des combattants bloqués sous terre.
Pourquoi Rafah reste la clé de tout
Si vous regardez une carte, vous comprendrez tout de suite. Rafah, c’est le dernier verrou. Celui qui contrôle Rafah contrôle l’accès sud de Gaza. Et tant que ce verrou n’est pas totalement neutralisé militairement, Israël considère que la menace Hamas n’est pas éliminée.
C’est pour ça que, même pendant le cessez-le-feu, la présence militaire israélienne reste forte dans le secteur. Des barrages, des tours de guet, des patrouilles nocturnes. Et surtout, une surveillance permanente des entrées de tunnels connues.
Ce qui s’est passé cette nuit n’est donc pas vraiment une surprise. C’est presque devenu la routine dans cette zone grise entre guerre et paix.
Et maintenant ?
Les jours qui viennent vont être décisifs. Les médiateurs égyptiens et qataris vont certainement remettre la pression pour éviter une escalade. Du côté israélien, on maintient que ces opérations sont purement défensives. Du côté palestinien, on crie à la provocation.
Ce que je trouve le plus troublant, personnellement, c’est qu’on parle de quatre vies humaines réduites à un communiqué de presse. Quatre hommes qui, quelle que soit leur appartenance, avaient probablement des familles qui les attendaient. Dans ce conflit, même les morts finissent par devenir des statistiques.
Et pendant ce temps, les habitants de Gaza continuent de vivre avec cette réalité : au-dessus de leurs têtes, un cessez-le-feu fragile. En dessous, un réseau de tunnels qui rappelle que la guerre n’est jamais vraiment finie.
Rafah, novembre 2025. Une nuit comme les autres, ou peut-être le début d’une nouvelle séquence. L’histoire, comme toujours, nous le dira. Mais une chose est sûre : dans cette partie du monde, la paix ressemble encore beaucoup à une trêve entre deux combats.
(Article mis à jour le 30 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
