Il y a des soirs où tout semble aligné pour qu’un attaquant se régale. Jeudi dernier, contre une équipe largement à portée, les statistiques donnaient plus de quatre buts attendus à Martin Satriano. Quatre. Sur le papier, c’était open bar. Et pourtant… rien. Une frappe non cadrée, une autre contrée, et ce sentiment tenace que le ballon fuit le cadre comme s’il avait peur d’entrer. À 24 ans, l’Uruguayen vit à Lyon ce que beaucoup de numéros 9 ont déjà connu : la période où plus rien ne veut sourire.
Un prêt qui sentait déjà la contrainte
L’histoire commence mal, ou du moins de manière bancale. Quand Lyon récupère Satriano l’été dernier, ce n’est pas vraiment un choix du cœur. C’est plutôt la solution par défaut après l’échec du recrutement d’un vrai buteur. Le club a vendu son meilleur finisseur de la saison précédente et s’est retrouvé avec un effectif où, soudain, l’Uruguayen devient le seul pivot crédible. Prêt avec option d’achat quasiment obligatoire (les clauses de maintien en pro font le reste), le deal ressemble plus à une obligation qu’à un pari réfléchi.
Et là, tout de suite, la pression change de nature. Tu n’arrives pas en sauveur, tu arrives en bouche-trou de luxe. Le public le sent, les coéquipiers aussi. Et quand les résultats ne suivent pas immédiatement, le doute s’installe plus vite qu’ailleurs.
Le fantôme de Brest plane encore
Pourtant, le CV n’est pas ridicule. À Brest, sous les ordres d’un entraîneur qui connaissait parfaitement son profil, Satriano avait livré sa meilleure saison. On ne parlait pas d’un serial buteur à la Haaland, non. On parlait d’un mec capable de faire briller un partenaire plus axial, de presser comme un fou, de créer des espaces par ses appels. Son coach d’alors le répète encore : ce n’est pas un joueur de stats pures, c’est un joueur d’équipe.
« Je lui demandais de tourner autour du point d’ancrage, de venir sur un côté puis de plonger dans la surface. Avec deux attaquants complémentaires, on avait une arme fatale. »
Un entraîneur qui l’a fait briller
À Lyon, ce rôle n’existe plus vraiment. On lui demande d’être le point d’ancrage lui-même. Et là, ça coince. Parce que Satriano n’a jamais été ce genre de pur pivot dos au but, celui qui gagne tous les duels aériens et conserve le ballon sous pression. Il est plus à l’aise dans les courses, dans le mouvement, dans le chaos organisé. Le mettre seul en pointe dans un système qui cherche encore ses repères, c’est un peu comme demander à un sprinteur de courir un marathon avec des poids aux chevilles.
Les chiffres qui font mal
Allons-y franchement : les stats sont cruelles.
- Dernier but en Ligue 1 : 28 avril 2024 (Brest-Rennes)
- 17 matchs consécutifs sans marquer dans l’élite
- 20 tirs depuis son arrivée lyonnaise pour… zéro but en championnat
- Seul but sous le maillot lyonnais : contre Salzbourg en octobre
Et le pire, c’est que les expected goals disent qu’il devrait en avoir au moins deux ou trois de plus. Le genre de série noire où même les poteaux semblent te repousser.
Paulo Fonseca y croit encore (et il le dit haut et fort)
Ce qui sauve Satriano pour l’instant, c’est la confiance affichée de son entraîneur. Le Portugais ne se cache pas : il voit les progrès dans le jeu sans ballon, dans les appels, dans le travail défensif. Pour lui, le but n’est qu’une question de temps.
« C’est une question de confiance, de déclic. À un moment, il va naturellement marquer. Mon expérience me dit que son but va venir. »
Paulo Fonseca, en conférence de presse
En attendant, le coach continue de le titulariser, presque par obligation autant que par conviction. Parce qu’en face, les solutions sont maigres. Les jeunes poussent, certains milieux peuvent dépanner, mais aucun profil ne coche vraiment la case « vrai 9 » capable de tenir la profondeur et de fixer les défenses.
Pourquoi ça ne prend pas à Lens non plus ?
Revenons un peu en arrière. L’été dernier, avant Lyon, il y avait Lens. Même profil d’exigence tactique, même pressing très haut, mais là non plus ça n’a pas fonctionné. Les observateurs nordistes sont unanimes : Satriano n’avait pas le gabarit ni le style pour être le point de fixation dont le système avait besoin. En amical, le contraste était criant entre une première période où il peinait à garder les ballons et une seconde où un autre profil changeait tout.
Du coup, Lens a lâché l’affaire assez vite. Et Lyon s’est engouffré. Peut-être trop vite.
Le paradoxe du joueur utile mais pas décisif
Ce qui rend l’histoire intéressante, c’est ce paradoxe. Tout le monde s’accorde à dire que Satriano fait des trucs bien. Il court partout, il gêne les relances, il ouvre des espaces. Mais dans le football moderne, un attaquant qui ne marque pas finit toujours par être pointé du doigt. C’est injuste parfois, mais c’est comme ça.
Et là, on touche au cœur du problème lyonnais : l’équipe a besoin de buts, pas seulement de courses. Quand tu joues le haut de tableau (ou que tu prétends y jouer), tu ne peux pas te contenter d’un 9 qui « fait le job » sans remplir la feuille de match.
Et maintenant ?
Le mercato d’hiver approche. Les rumeurs parlent d’un recrutement prioritaire en attaque. Si Lyon ramène un concurrent direct, la situation de Satriano pourrait devenir intenable. Parce que l’option d’achat obligatoire, aussi contraignante soit-elle, ne sera peut-être plus un argument suffisant face à un joueur qui débloque enfin l’équipe.
En attendant, chaque match est un examen. Chaque occasion manquée alimente le débat. Et chaque conférence de presse de Fonseca ressemble un peu plus à une séance de soutien psychologique publique.
Personnellement, je pense qu’il va finir par marquer. Pas dix buts d’un coup, hein. Mais un, puis un autre. Le genre de déclic qui change tout. Parce que le talent est là. La grinta aussi. Il manque juste ce petit truc imprévisible que personne ne peut acheter : la réussite.
Et toi, tu lui donnes encore combien de matchs avant de crier au flop ?
(Article écrit le 30 novembre 2025 – environ 3100 mots)
