Il y a des dimanches où l’on sent, dès les premiers mètres, que l’histoire est en train de s’écrire. Ce 30 novembre 2025, sur la piste de Vincennes, l’air était lourd d’attentes. La finale du Grand National du Trot, c’est un peu le championnat de France des trotteurs, celui qui couronne une saison entière d’efforts à travers tout le pays. Et quand le nom de Bazire flotte dans les conversations, on sait déjà que ça va être compliqué pour les autres.
Mais cette fois, ce n’est pas le père. C’est le fils. Nicolas Bazire, 27 ans, regard déterminé, qui prend les rênes d’un cheval qu’il connaît par cœur : Jingle du Pont. Et quand la voiture ouvre la piste, c’est comme si tout le poids de la dynastie reposait sur ses épaules… sans que ça semble le gêner une seconde.
Un doublé qui en dit long sur la transmission
Revenons un peu en arrière. Le Grand National du Trot, c’est treize étapes partout en France, des points accumulés, des drivers et des entraîneurs qui se battent pour une place en finale. Arriver à Vincennes avec le statut de favori, c’est déjà une performance. Mais réaliser le doublé, premier et deuxième, avec deux chevaux de la même écurie ? Là, on entre dans une autre dimension.
Jingle du Pont a franché la ligne en vainqueur, suivi comme son ombre par un pensionnaire de la même casaque. Deux chevaux, deux drivers différents, même famille, même méthode. On appelle ça la patte Bazire. Et franchement, c’est impressionnant à voir.
Jingle du Pont, plus qu’un cheval : une machine à gagner
À 7 ans, Jingle du Pont n’est plus un jeunot, mais il reste redoutable. Ce hongre bai brun a déjà une sacrée carte de visite : plusieurs victoires de Groupe, une régularité folle et surtout cette capacité à accélérer quand les autres commencent à faiblir. Sur les 2 850 mètres de la finale, il a montré pourquoi il était le cheval à battre.
Parti prudemment, Nicolas l’a placé en troisième épaisseur dans le dernier tour, puis a déclenché les hostilités à 500 mètres du but. Et là, c’est le festival. Le cheval a littéralement avalé le peloton, laissant ses adversaires sur place. Un finish en 1’10 et des poussières sur les derniers 500 mètres, c’est tout simplement élite.
« Il était au top aujourd’hui. Je savais qu’il avait les moyens, il me l’a prouvé une nouvelle fois. »
Nicolas Bazire, juste après la course, micro encore à la main
Le poids du nom : pression ou moteur ?
Être le fils de Jean-Michel Bazire, c’est un peu comme être le fils de Zidane quand on joue au foot. Tout le monde vous regarde, tout le monde compare. Mais Nicolas a choisi de transformer ça en force. Il drive, il entraîne, il gère le haras familial. Et il gagne. Déjà plusieurs quintés à son actif, des Groupe II, et maintenant cette finale du GNT.
On sent chez lui cette sérénité des gens qui ont grandi dans l’odeur du foin et le bruit des sabots. Il ne surjoue pas, il ne crie pas. Il gagne, il lève le poing, il sourit discrètement. Et pourtant, chaque victoire est un message envoyé à ceux qui doutaient : oui, la relève est bien là.
Le Grand National du Trot, plus qu’une compétition : un tour de France
Ce qui rend ce circuit si particulier, c’est son côté itinérant. Treize hippodromes, treize ambiances différentes. Amiens, Marseille, Toulouse, La Capelle… Chaque étape a son caractère, sa piste, son public. Et pour gagner le classement général, il faut être régulier partout.
- Des pistes en herbe sous la pluie
- Des virages serrés à Mauquenchy
- Des longues lignes droites à Cagnes-sur-Mer
- Et enfin la cendrée mythique de Vincennes
C’est un vrai test d’adaptation pour les chevaux et les hommes. Et cette année, l’écurie Bazire a tout simplement survolé les débats. Points bonus, victoires d’étapes, et cerise sur le gâteau : le doublé en finale. Chapeau.
Et les autres dans tout ça ?
Parce qu’il ne faut pas oublier qu’il y avait du beau monde au départ. Des drivers confirmés, des chevaux en pleine forme. Certains avaient fait le déplacement avec l’envie de jouer les trouble-fêtes. Mais face à la machine Bazire, ça a été compliqué.
Quelques uns ont essayé de prendre les commandes tôt, d’imposer un rythme infernal. D’autres ont patienté, espérant un scénario favorable. Mais quand Jingle du Pont a passé la vitesse supérieure, il n’y avait plus rien à faire. Le genre de course où on se dit que c’était écrit d’avance… même si en sport, rien n’est jamais écrit.
Ce que cette victoire dit du trot français actuel
Le trot attelé français reste une exception mondiale. Des pistes magnifiques, un niveau homogène impressionnant, et surtout une filière qui fonctionne. Élevage, entraînement, compétition : tout est là. Et les Bazire, père et fils, en sont les meilleurs ambassadeurs.
J’ai souvent entendu dire que le trot était un sport de vieux. Franchement, quand on voit un gamin de 27 ans dominer ainsi une finale nationale devant 20 000 personnes, on se dit que le trot a encore de très beaux jours devant lui.
Et puis il y a cette transmission familiale, ce savoir-faire qui se passe de père en fils. Dans un monde où tout va vite, où les carrières sont éphémères, voir une dynastie s’installer durablement, ça fait du bien.
Les moments qui ont marqué la course
Pour ceux qui n’étaient pas devant leur écran, voici les séquences qu’il ne fallait pas manquer :
- Le départ : propre, sans incident majeur malgré 16 partants
- Le premier kilomètre : rythme modéré, tout le monde se regarde
- L’attaque à 800 mètres : un concurrent tente le tout pour le tout
- Le contre de Jingle du Pont : fulgurant, imparable
- L’arrivée : poing levé, émotion contenue, explosion de joie dans le clan
Des images qui resteront. Le genre qu’on ressortira dans dix ans pour dire : « Tu te souviens de cette finale ? »
Et maintenant ?
Pour Nicolas Bazire et Jingle du Pont, la saison n’est pas terminée. Il reste le meeting d’hiver de Vincennes, avec ses Groupe I, ses Prix d’Amérique en ligne de mire (même si le cheval n’est pas forcément taillé pour ça). Mais une chose est sûre : ce succès en finale du GNT va donner des ailes.
Quant à la relève française, elle peut dormir tranquille : elle a déjà un leader. Et il porte un nom qu’on risque d’entendre encore longtemps sur les hippodromes.
Le trot français a trouvé son nouveau visage. Et il ressemble beaucoup à l’ancien… en plus jeune, en plus souriant, mais tout aussi gagnant.
Fin de journée à Vincennes. Les lumières s’éteignent doucement sur la cendrée encore tiède. Dans les box, Jingle du Pont mâchonne tranquillement son foin. Il ne sait pas qu’il vient d’entrer dans l’histoire. Mais nous, on le sait. Et franchement, ça fait plaisir à voir.
