Imaginez un peu. Vous êtes en vacances sur la Côte d’Azur, l’air sent la mer et le luxe, les yachts scintillent au loin. Et puis, en une nuit, tout bascule. Ce qui devait être une soirée légère devient un cauchemar dont on ne se réveille pas vraiment. C’est exactement ce que raconte une jeune femme de 29 ans à propos de sa rencontre, en août 2018, avec l’une des plus grandes stars de la chanson arabe.
Sept ans plus tard, l’histoire revient hanter les deux protagonistes. Ce lundi 1er décembre 2025, la cour d’assises du Var, à Draguignan, va se pencher sur cette nuit-là. Et pas n’importe quel accusé : Saad Lamjarred, 40 ans, idole de tout un continent, plusieurs centaines de millions de vues sur YouTube, voix qui fait vibrer des stades entiers. Pour beaucoup, il reste l’artiste intouchable. Pour d’autres, il est déjà un homme condamné.
Une deuxième fois devant les jurés
Ce n’est pas la première fois que le chanteur marocain se retrouve sur le banc des accusés en France. En février 2023, il a déjà écopé de six ans de prison pour le viol avec violences d’une jeune femme de 20 ans dans une chambre d’hôtel parisien en 2016. Il a fait appel, il clame toujours son innocence dans cette affaire-là aussi. Mais aujourd’hui, c’est un autre dossier, une autre plaignante, une autre nuit qui occupe la cour.
Les faits remontent au 26 août 2018. La jeune femme travaille comme barmaid dans un établissement huppé près de Saint-Tropez. Elle croise la star, ils discutent, boivent un verre. Ensuite ? Les versions divergent totalement. Elle parle d’une invitation dans la suite de luxe, puis d’une violence brutale, d’une incapacité à se défendre. Lui affirme qu’elle était parfaitement consentante, qu’il n’y a eu aucun refus, aucun cri, aucune résistance.
Deux récits irréconciliables
D’un côté, une « nuit d’horreur ». C’est l’expression qu’utilise la plaignante. Elle décrit un homme qui change soudain d’attitude, qui la plaque, qui la frappe, qui la viole. Elle dit avoir été tétanisée, incapable de pousser un cri assez fort pour alerter quelqu’un. Le lendemain, elle porte plainte. Des traces de coups seront relevées, des analyses toxicologiques montreront qu’elle avait consommé alcool et drogue – un point que la défense ne manquera pas d’exploiter.
De l’autre côté, une rencontre comme il en arrive des milliers dans ce genre d’endroits. Le chanteur parle d’une femme qui flirtait ouvertement, qui l’a suivi de son plein gré, qui a participé activement. Selon lui, rien ne laissait penser qu’elle n’était pas d’accord. Ses avocats devraient insister : pas de témoin direct, pas de caméras dans la chambre, seulement deux paroles qui s’opposent.
« Elle n’a jamais dit non, jamais repoussé, jamais pleuré. Tout était clair entre nous. »
– Version rapportée par l’entourage de la défense
Et pourtant, la justice a estimé qu’il y avait assez d’éléments pour renvoyer l’artiste devant les assises. Deux fois en quelques années. Ça commence à faire beaucoup pour le hasard.
Le poids du statut de star
Franchement, on peut se poser la question : est-ce que Saad Lamjarred serait là si il n’était pas célèbre ? Probablement pas. Sa notoriété a amplifié l’affaire, bien sûr, mais elle joue aussi dans l’autre sens. Quand on est une icône pour des millions de personnes, on bénéficie d’un capital sympathie énorme. Des fans remplissent encore les commentaires de ses clips pour crier à l’acharnement, au complot, à la jalousie.
Mais la justice française, elle, regarde les faits. Et les faits, ce sont deux plaintes distinctes, deux femmes qui ne se connaissent pas, deux contextes différents, deux hôtels de luxe, deux nuits où tout aurait basculé. Le hasard a ses limites.
- 2016 – Hôtel à Paris : viol avec violences, condamné à 6 ans en 2023 (appel en cours)
- 2018 – Hôtel près de Saint-Tropez : viol simple cette fois, nouveau procès
- Deux plaignantes françaises, deux âges différents, deux récits similaires sur la brutalité soudaine
Coïncidence ? C’est ce que la défense va tenter de démonter. Mais quand même. Deux affaires en deux ans, ça interroge.
Le consentement au cœur du débat
Ce procès, comme tant d’autres ces dernières années, va tourner autour d’une question centrale : qu’est-ce qu’un consentement valide ? Est-ce qu’on peut être consentant à 22h et le retirer à 22h30 sans que l’autre le comprenne ? Est-ce qu’une femme ivre ou droguée peut encore dire oui de façon éclairée ? Et quand elle dit qu’elle était paralysée par la peur, est-ce crédible ou est-ce une reconstruction a posteriori ?
La plaignante de 2018 a expliqué aux enquêteurs qu’elle n’avait pas la force physique de résister à un homme plus grand, plus costaud, dans une chambre isolée. Elle parle de sidération. Un concept que les tribunaux commencent à prendre en compte, mais qui reste difficile à prouver objectivement.
La défense, elle, devrait mettre en avant les messages échangés avant et après la soirée, les sourires sur les vidéos de surveillance, l’absence de cris entendus par le personnel. Tout ce qui peut semer le doute. Parce que dans ce genre d’affaires, le doute profite toujours à l’accusé.
Un procès probablement à huis clos
On ne devrait pas entendre grand-chose de l’intérieur de la salle d’audience. La plaignante a demandé le huis clos, comme c’est souvent le cas dans les affaires de viol. On évitera donc les retranscriptions en direct, les caméras dans le couloir, les larmes filmées. Seuls les avocats parleront, par bribes, à la sortie.
Dommage, d’une certaine façon. Parce que ces procès-là disent beaucoup de notre époque. Sur la façon dont on regarde les rapports de séduction quand le pouvoir et la célébrité entrent en jeu. Sur la difficulté de prouver ce qui se passe derrière une porte close. Sur le courage qu’il faut pour porter plainte quand on sait que des millions de fans vont vous traiter de menteuse.
Et après ?
Si Saad Lamjarred est condamné, la peine pourrait être lourde. Surtout avec un casier judiciaire qui commence à se remplir. S’il est acquitté, il pourra crier victoire et reparler de complot. Dans les deux cas, sa carrière continuera – elle a déjà survécu à pire. Au Maroc, il reste un héros national malgré tout. La musique pardonne beaucoup.
Mais pour les deux femmes qui ont porté plainte, la vie ne redeviendra jamais comme avant. L’une a déjà obtenu une condamnation, l’autre attend encore que justice soit faite. Ou pas.
On suivra ce procès de loin, comme on suit un feuilleton douloureux. Parce qu’au-delà du people, il y a des vies brisées, des questions qu’on n’a toujours pas réglées, et cette impression tenace que, quelque part, on passe à côté de l’essentiel.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Quand deux versions s’opposent aussi radicalement, à qui fait-on confiance ? À la plaignante qui dit avoir vécu l’enfer ? À l’accusé qui jure qu’elle était d’accord ? Ou à la justice, qui doit trancher avec des preuves souvent fragiles ?
Une chose est sûre : ce genre d’affaires nous renvoie à nos propres silences, à nos propres zones grises. Et ça, ça ne concerne pas que les stars.
