Vous est-il déjà arrivé de monter dans un bus et de vous dire… « mais il ne fait aucun bruit » ? C’est exactement ce que vivent les habitants de Nogent-le-Rotrou depuis quelques jours. Un grand bus tout neuf, 100 % électrique, glisse dans les rues comme un fantôme. Et le plus fou ? Les gens adorent ça. Vraiment.
Quand une petite ville du Perche fait mieux que certaines métropoles
Je vais être honnête : quand j’ai appris qu’une commune de 10 000 habitants venait de mettre en service un bus électrique chinois, j’ai d’abord souri. Encore un gadget écolo pour la galerie, me suis-je dit. Et puis j’ai vu les chiffres de satisfaction. 73 % de « très satisfaits ». Autant vous dire que ça calme les sceptiques, moi le premier.
Le véhicule est entré en service le 28 novembre 2025. Un modèle de la marque Yutong, déjà bien connue en Europe, mais qui fait ici ses premiers tours de roue dans le réseau local. Et franchement, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne passe pas inaperçu… ou plutôt si, justement, parce qu’on ne l’entend pas !
Un test en juin qui a tout changé
Revenons quelques mois en arrière. En juin 2025, la municipalité a fait venir ce même bus pour dix jours d’essai. Pas de grande communication, juste une mise à disposition sur les lignes habituelles. Résultat ? Les retours ont été tellement positifs que les élus n’ont même pas hésité.
« 86 % des gens ont trouvé le silence « très bien », 73 % l’accessibilité, et 95 % estiment qu’il est parfaitement adapté à notre réseau. »
Un responsable municipal, encore ébahi par les chiffres
95 %, vous vous rendez compte ? Dans une époque où on râle pour tout, obtenir un plébiscite pareil relève du miracle.
Concrètement, qu’est-ce qui plaît autant ?
D’abord le silence, évidemment. Plus de vibrations, plus de diesel qui pue, plus de vrombissements au démarrage. On monte, on s’assoit, et on a presque l’impression d’être dans un tramway de luxe.
- Prises USB et USB-C à chaque rangée (oui, même pour charger le téléphone en cinq minutes entre deux arrêts)
- Caméras qui comptent automatiquement les montées/descentes – fini les estimations à la louche
- Grande rampe PMR ultra-simple à déployer
- 9 mètres de long mais plus étroit que les anciens modèles : il passe partout dans le centre ancien
Petit détail qui tue : le bus est capable de transporter 62 personnes (21 assises, 41 debout) ne pèse pas plus lourd qu’un modèle thermique équivalent grâce à une conception optimisée. Résultat, il use moins les routes et ça coûte moins cher à la collectivité. Malin.
250 km d’autonomie : largement de quoi voir venir
On me demande souvent : « Oui mais il tient la route en hiver ? » La réponse est oui. L’autonomie annoncée est de 250 km, largement au-delà des besoins quotidiens du réseau (moins de 150 km/jour). Et quand il y a une pause le midi, hop, on branche deux heures et c’est reparti.
Le gestionnaire du réseau le confirme sans détour : même par temps froid, la perte d’autonomie reste raisonnable. Et pour cause, le système de chauffage est à pompe à chaleur, pas de résistances énergivores comme sur certains modèles anciens.
Un réseau gratuit qui explose les compteurs
Depuis janvier 2023, le transport urbain est gratuit à Nogent-le-Rotrou. Conséquence directe : 100 000 voyageurs par an, soit quasiment 300 par jour. Le matin, ce sont surtout les collégiens et lycéens. L’après-midi, les seniors et les courses. Le soir, les salariés qui rentrent.
Du coup, le bus électrique arrive au meilleur moment. Plus besoin de culpabiliser de prendre la voiture pour 1,5 km : on monte, c’est gratuit, c’est propre, c’est silencieux. Le cercle vertueux parfait.
Et la concurrence européenne dans tout ça ?
Je ne vais pas vous mentir : le choix d’un constructeur chinois a fait jaser dans certains cercles. Pourtant, quand on regarde les faits, Yutong domine le marché européen du bus électrique depuis plusieurs années. Leurs véhicules roulent déjà à Londres, Copenhagen, Madrid… et maintenant dans le Perche.
Le prix ? Environ 30 à 40 % moins cher qu’un équivalent européen, avec une garantie de 8 ans sur les batteries. Difficile de faire l’impasse quand on a un budget serré et un parc à renouveler d’urgence – certains anciens bus affichaient plus d’un million de kilomètres !
Prochaines étapes : deux grands bus et deux petits d’ici 2027
Le deuxième grand bus électrique arrivera en mai 2026. Ensuite viendront deux minibus pour les lignes secondaires. L’objectif : 100 % électrique d’ici trois ans maximum.
Et ce n’est pas qu’une question d’image. Les économies de carburant et d’entretien devraient permettre d’amortir l’investissement en moins de dix ans. Après, c’est tout bénef pour les finances publiques… et pour la qualité de l’air.
Ce que ça dit de la France des petites villes
Ce qui me frappe dans cette histoire, c’est que ce n’est pas Paris, Lyon ou Bordeaux qui montrent l’exemple, mais une ville de 10 000 habitants. Preuve que la transition écologique n’est pas réservée aux métropoles. Quand il y a de la volonté politique et un peu d’audace, même une commune modeste peut devenir pionnière.
Et quelque part, c’est rassurant. Parce que si Nogent-le-Rotrou y arrive, alors toutes les petites villes de France le peuvent aussi.
Alors la prochaine fois que vous croiserez un bus silencieux dans une rue de campagne, souriez. C’est peut-être le futur qui passe, tout doucement, sans faire de bruit.
