Vous souvenez-vous exactement où vous étiez quand Zidane a mis son coup de tête à Materazzi ? Moi oui. Et samedi soir, au moment où la sirène retentissait à Ernest-Wallon, j’ai eu la même sensation de « non, il n’a pas osé ». Sauf que cette fois, ce n’était pas une finale de Coupe du monde. C’était « juste » un match de Top 14. Et le protagoniste s’appelle Janick Tarrit.
Quand le talonneur du Racing perd complètement la tête
Reprenons depuis le début, calmement. Toulouse – Racing 92, samedi 29 novembre. Les deux équipes sont à égalité ou presque à la pause, l’intensité est déjà énorme avec le retour d’Antoine Dupont qui électrise le stade. Dernière action : le ballon est dégagé loin devant, un Toulousain le récupère dans l’en-but francilien. Fin de la première mi-temps, tout le monde pense vestiaires.
Et là, comme sorti de nulle part, Janick Tarrit fonce tête baissée – littéralement – dans le plexus d’Efrain Elias. Pas un petit contact, non : un vrai coup de boule, frontal, violent, qui plie l’Argentin en deux. L’arbitre n’hésite pas une seconde : carton rouge direct. Le Racing va jouer toute la seconde période à quatorze. Fin de l’histoire ? Pas vraiment.
Le geste vu et revu des milliers de fois
En quelques minutes, la vidéo tourne en boucle sur les réseaux. On la ralentit, on zoome, on commente. Et très vite, une expression revient partout : « Il a fait une Zizou ».
« Il a fait une Zizou quoi… »
– Un talonneur adverse, presque amusé après coup
Le parallèle est évident. Même violence gratuite, même contexte de fin de période, même impression que le joueur a disjoncté en une fraction de seconde. Zidane avait expliqué plus tard qu’il avait été provoqué. Tarrit, lui, n’a pas encore parlé. Et peut-être qu’on ne saura jamais vraiment ce qui s’est passé dans sa tête à cet instant précis.
Des réactions contrastées dans les deux camps
Du côté toulousain, on reste assez fair-play. Guillaume Cramont, le talonneur local, sourit presque en conférence de presse : il n’y a pas de haine, juste de l’incompréhension. Efrain Elias, la victime, est sonné mais pas gravement blessé. Il a repris le match sans problème.
Du côté du Racing, c’est plus compliqué. Patrice Collazo, l’entraîneur, est furieux. Il parle de « bêtise impardonnable », de collectif mis en danger, de travail anéanti. On sent que le vestiaire est sous le choc.
« On ne peut pas prédire la bêtise. Quand ça casse la dynamique d’un groupe, c’est inacceptable. »
– L’entraîneur du Racing, visiblement très remonté
Mais il y a aussi des voix qui tentent de nuancer. Max Spring, notamment, estime que le rouge est sévère : « Il n’y a pas de méchanceté, il voulait juste le sortir du ruck… » Difficile à entendre quand on revoit les images, soyons honnêtes.
Pourquoi ce genre de geste arrive encore en 2025 ?
Le rugby pro est devenu ultra-physique, ultra-rapide. Les mecs sont des athlètes de haut niveau, sous pression permanente, avec des charges d’entraînement folles. Parfois, la soupape lâche. On l’a vu avec Eben Etzebeth il y a peu, on l’a vu avec d’autres avant.
Mais il y a aussi la question de la formation. On apprend aux jeunes à être durs, à ne rien lâcher, à répondre à la provocation. Et puis un jour, la frontière est franchie. Tarrit n’a pas un profil de bagarreur. C’est même plutôt un joueur discret, travailleur, apprécié. Alors qu’est-ce qui fait basculer un mec comme lui ? La fatigue ? Une insulte ? Un trop-plein ?
- La pression du très haut niveau qui monte d’un cran chaque année
- Des matches tous les six jours, parfois moins
- Une rivalité historique entre clubs qui exacerbe les tensions
- Le sentiment d’impunité quand l’arbitre a le dos tourné (même 3 secondes)
Toutes ces raisons se mélangent. Et boum.
Les sanctions à venir : ça va faire mal
Maintenant, la commission de discipline va se pencher sur le dossier. Et vu la clarté des images, il ne faut pas s’attendre à de la clémence.
En Top 14, un coup de tête volontaire, c’est généralement entre 6 et 12 semaines de suspension. Voire plus si la commission estime qu’il y a récidive ou circonstances aggravantes. Tarrit risque donc de louper une bonne partie de la phase aller, peut-être même plus.
Pour le Racing, déjà en difficulté au classement, c’est une tuile supplémentaire. Le club va devoir faire sans son talonneur titulaire pendant longtemps, et surtout digérer l’image laissée.
Le parallèle Zidane : plus qu’une simple comparaison
On en rit presque, mais le parallèle va plus loin qu’une simple blague de vestiaire.
Zidane, c’était la fin d’une carrière légendaire sur un geste fou. Tarrit, lui, est en plein ascension (25 ans, déjà international espoirs). Ce coup de tête peut marquer un tournant. Soit il rebondit et en tire une leçon définitive, soit ça lui colle à la peau pendant des années.
Et puis il y a l’aspect médiatique. En 2006, c’était la finale du Mondial, toute la planète a vu le geste. Là, c’est « juste » le Top 14, mais avec les réseaux sociaux, l’impact est presque aussi fort en France. Les memes, les montages, les débats sur le carton rouge ou pas… on est en plein dedans.
Et si c’était le début d’une série noire ?
Ce qui m’inquiète un peu, c’est que ce n’est pas un cas isolé cette saison. On a eu des expulsions très rapides (34 secondes à La Rochelle récemment), des gestes violents en tournée, des cartons rouges qui pleuvent. Le rugby devient-il plus nerveux ? Plus agressif ?
Certains disent que c’est l’arbitrage vidéo qui rend tout plus visible. D’autres pensent que les joueurs sont poussés à bout par le calendrier. Peut-être un peu des deux.
En tout cas, des gestes comme celui de Tarrit, on n’en veut plus. Parce que ça abîme l’image du rugby, ça met en danger les joueurs, et ça plombe des collectifs entiers.
Conclusion : une leçon à tirer pour tout le rugby français
Janick Tarrit va payer cher son moment d’égarement. Suspensions, amendes, image écornée. Mais au-delà du cas individuel, c’est tout le rugby pro qui doit se regarder dans le miroir.
On veut du combat, de l’engagement, des plaquages impressionnants. Mais pas ça. Jamais ça.
Espérons que ce « Zizou du Top 14 » reste une exception. Et que les prochains week-ends nous offrent du beau rugby… sans les mauvais souvenirs de Berlin 2006.
Parce que franchement, on a déjà assez donné avec la finale du Mondial.
