Vous savez cette sensation quand tout semble aligné pour une saison historique et que, d’un seul coup, le destin vous rappelle qu’il a son mot à dire ? C’est exactement ce qui vient d’arriver à Aitana Bonmatí, la reine incontestée du football féminin mondial. Un simple appui, un geste anodin à l’entraînement, et voilà la triple Ballon d’Or au sol, le péroné gauche fracturé. On en a presque mal pour elle.
Dimanche 30 novembre, à la Ciudad del Fútbol de Las Rozas, la milieu de terrain s’effondre lors d’une séance avec la sélection espagnole. Le diagnostic tombe rapidement : fracture nette du péroné. Forfait immédiat pour la finale retour de la Ligue des Nations contre l’Allemagne, et surtout une indisponibilité qui pourrait durer… jusqu’à quatre mois. Autant dire que le cœur des supporters du Barça et de la Roja a raté un battement.
Un coup dur qui tombe au pire moment
Franchement, le timing est cruel. Le FC Barcelone féminin domine tout sur son passage cette saison. Leader incontesté en Liga F, déjà qualifié sans trembler pour les quarts de finale de la Ligue des Champions, le groupe de Jonatan Giraldez tournait à plein régime grâce, en grande partie, à la magicienne du milieu. Aitana, c’est le métronome, la relance propre, la vision du jeu, l’intensité sans faille. Sans elle, le puzzle perd sa pièce maîtresse.
Et que dire de la sélection espagnole ? Championne du monde en titre, la Roja se prépare à défendre son titre en Ligue des Nations et, surtout, à poser les bases du prochain cycle. Perdre sa capitaine de jeu pendant plusieurs mois, c’est un peu comme si l’orchestre perdait son chef juste avant le grand concert.
Que s’est-il réellement passé sur ce terrain ?
D’après les premières informations, rien de spectaculaire. Un mauvais appui, un atterrissage malheureux après un duel aérien ou une réception banale, et le os craque. Le genre d’accident bête qui arrive dix fois par entraînement sans conséquence… sauf cette fois-ci. La joueuse termine la séance en boitant fortement, direction les examens médicaux. Résultat : fracture du péroné gauche sans déplacement apparent, mais suffisamment sérieuse pour envisager deux scénarios.
« Un mauvais atterrissage lors d’une action accidentelle » – le communiqué officiel reste sobre, presque trop.
Deux à quatre mois d’absence : la grande inconnue
C’est là que tout se joue. Si la fracture est stable et que le traitement conservateur suffit (immobilisation, rééducation intensive), Aitana pourrait revoir les terrains dès février, soit environ huit à dix semaines. En revanche, si les médecins optent pour une ostéosynthèse (plaque et vis), on tape plutôt dans les trois à quatre mois. Quatre mois, ça nous amène début avril… et ça change tout pour la fin de saison du Barça.
- Scénario optimiste : retour début/mi-février pour les quarts de finale de Ligue des Champions
- Scénario réaliste : reprise progressive en mars
- Scénario pessimiste : retour effectif début avril, juste pour la dernière ligne droite de Liga et les demies éventuelles de C1
Quoi qu’il en soit, elle manquera presque certainement les huitièmes de finale de la plus belle des compétitions européennes. Un sacré handicap quand on sait qu’elle est la joueuse la plus décisive du continent depuis trois ans.
Le Barça peut-il survivre sans sa reine ?
On va être honnêtes : oui, mais ça va faire mal. Le banc catalan est profond, c’est vrai. Patri Guijarro, Alexia Putellas (qui revient enfin à son meilleur niveau), Keira Walsh, Vicky López qui explose… Il y a du talent à revendre. Mais remplacer Aitana, c’est comme demander à un orchestre de jouer Beethoven sans le premier violon. Techniquement possible, mais l’âme n’y est plus tout à fait.
Depuis son explosion au plus haut niveau, elle cumule les statistiques folles : plus de 20 buts et 20 passes décisives par saison, une présence dans quasiment 100 % des minutes importantes, une influence sur le jeu qu’aucune autre joueuse n’atteint aujourd’hui. J’ai revu récemment la finale de la Ligue des Champions 2023 contre Wolfsburg : c’est elle qui casse les lignes, qui accélère, qui fait basculer le match. Sans elle, le Barça gagne peut-être encore, mais avec beaucoup plus de sueur.
Et l’Espagne dans tout ça ?
Montse Tomé, la sélectionneuse, doit déjà avoir des sueurs froides. Après le sacre mondial en 2023, l’objectif était de construire une dynastie. Aitana en est le ciment. Sans elle pour la phase finale de la Ligue des Nations et probablement une bonne partie des qualifications pour le prochain Euro, la Roja perd son identité de jeu. On a vu contre la France ou l’Italie que quand elle n’est pas à 100 %, l’équipe peine à imposer son rythme infernal.
Et puis il y a cette finale retour contre l’Allemagne mardi… Sans elle, l’Espagne part avec un handicap énorme. Les Allemandes, revanchardes après la défaite à l’aller, vont tout donner. On sent que ça peut basculer.
Le mental d’acier d’Aitana : son vrai super-pouvoir
Mais si quelqu’un peut transformer cette tuile en opportunité, c’est bien elle. À 26 ans (bientôt 27), Aitana Bonmatí a déjà prouvé qu’elle était taillée dans un roc particulier. Souvenez-vous : après la tempête interne à la fédération espagnole en 2022-2023, c’est elle qui a pris la parole, qui a porté le combat des joueuses, qui a tenu tête quand d’autres baissaient les bras. Elle est revenue du Mondial auréolée de gloire, plus forte que jamais.
Cette blessure, aussi dure soit-elle, va probablement la rendre encore plus affûtée. On l’imagine déjà en salle de rééducation, à travailler le haut du corps, à analyser des vidéos, à revenir avec une faim de loup. Les grandes championnes se nourrissent de ce genre d’épreuves.
Les précédents : quand les stars reviennent plus fortes
L’histoire du football féminin est remplie d’exemples de retours tonitruants après de longues blessures. Alexia Putellas elle-même, double Ballon d’Or, a manqué près d’un an après sa rupture des ligaments croisés en 2022. Résultat ? Elle est revenue, a remporté un nouveau titre de championne et semble aujourd’hui plus complète qu’avant.
Sam Kerr, Ada Hegerberg, Vivianne Miedema… Toutes ont connu des absences prolongées et sont revenues au sommet. Aitana a toutes les cartes en main : un staff médical de classe mondiale au Barça, une détermination hors norme, et surtout 26 ans, l’âge parfait pour absorber ce genre de coup et en ressortir grandie.
Ce que cette blessure dit du football féminin aujourd’hui
Et si on profitait de ce moment pour parler d’un sujet plus large ? Le football féminin explose en termes de niveau et d’exposition, mais les corps, eux, restent les mêmes. Les calendriers sont de plus en plus chargés, les exigences physiques toujours plus élevées, et les blessures graves se multiplient. Ruptures de ligaments, fractures de fatigue, pubalgies… On voit de plus en plus de stars tomber au combat.
Aitana n’est pas la première, et ne sera malheureusement pas la dernière. Peut-être que cet accident va relancer le débat sur la protection des joueuses, sur la nécessité de mieux gérer les charges de travail, sur l’urgence d’adapter les calendriers à la physiologie féminine. Parce que voir la meilleure joueuse du monde à terre sur un geste anodin, ça fait réfléchir.
On a beau admirer la performance, on oublie parfois que derrière les exploits, il y a des athlètes en chair et en os. Aitana, avec son sourire discret et sa rage de vaincre, nous le rappelle brutalement aujourd’hui.
Prends le temps de guérir, championne. Le football féminin a besoin de toi à 100 %. Et quand tu reviendras – parce qu’on sait toutes et tous que tu reviendras – ce sera pour écrire une nouvelle page de légende. En attendant, le Barça et l’Espagne vont devoir apprendre à gagner sans leur reine… ou plutôt à lui garder sa couronne bien au chaud.
Le compte à rebours est lancé.
