Vous souvenez-vous de l’époque où acheter une voiture neuve était presque un réflexe tous les cinq ans ? Aujourd’hui, en cette fin 2025, j’ai l’impression que les Français regardent les concessions comme on regarde un menu trop cher au restaurant : on hésite, on repose la carte, et finalement on rentre chez soi.
Les chiffres tombés ce 1er décembre sont assez brutaux. Sur les onze premiers mois de l’année, les immatriculations de voitures neuves ont chuté de 4,9 % par rapport à 2024. Et novembre, avec ses 132 927 unités, n’a sauvé personne : à peine stable (-0,3 %). Pire, on roule toujours 23 % en dessous du niveau d’avant la pandémie. Autant dire que le patient est vivant, mais sous perfusion.
Un marché à deux vitesses qui donne le tournis
Ce qui rend la situation fascinante, c’est le contraste absolu entre la déprime générale et l’explosion des voitures électriques. Pour la première fois de l’histoire, les modèles 100 % batterie ont franchi la barre symbolique des 26 % en novembre. Un quart du marché en un seul mois, c’est du jamais vu.
Comment en est-on arrivé là ? Deux phénomènes se télescopent.
Le retour en force du leasing social
Le dispositif de location avec option d’achat aidée par l’État, relancé à l’automne pour les ménages modestes, a littéralement dopé les ventes zéro émission. Les concessionnaires que j’ai pu contacter me parlent de files d’attente virtuelles, de listes closes en quelques jours. On est loin de l’image du bobo parisien qui se paye une Tesla pour frimer.
« On a des clients qui n’avaient jamais mis les pieds dans une concession électrique et qui repartent avec une citadine à 100 € par mois après aide. C’est du jamais vu. »
– Un responsable commercial dans l’Oise
Cette mesure, même limitée en volume, a créé un appel d’air colossal. Et tant pis si certains y voient une bombe à retardement budgétaire.
Les entreprises contraintes de verdir leurs flottes
L’autre moteur, moins visible mais tout aussi puissant : l’obligation légale pour les sociétés de renouvellement de parc d’intégrer au minimum 20 % de véhicules zéro émission. Résultat ? Les loueurs longue durée se ruent sur les électriques, même quand l’usage réel reste discutable.
J’ai discuté avec un gestionnaire de flotte qui m’a avoué, un peu gêné : « Franchement, pour certains commerciaux qui font 60 000 km par an, on sait que ça ne colle pas encore partout. Mais on n’a pas le choix. »
Les hybrides, grands gagnants silencieux
Pendant qu’on regarde les électriques faire la une, les hybrides (rechargeables ou non) ont tranquillement dépassé les 50 % du marché depuis janvier. +8,6 points en un an. C’est énorme.
- Pratique : pas de stress d’autonomie sur longue distance
- Écologique : consommation et émissions réduites en ville
- Fiscalité avantageuse pour les entreprises
- Bonus écologique encore présent (même s’il diminue)
Résultat ? L’essence plonge à 21,6 % et le diesel… parlons-en.
Le diesel, dix ans après le scandale, n’est plus qu’un souvenir
Une voiture neuve sur vingt seulement. C’est tout. Dix ans après les révélations sur les logiciels truqués, le bon vieux gazole a quasiment disparu des catalogues particuliers. On le croise encore dans quelques utilitaires, mais chez les particuliers, c’est fini.
Et franchement, quand on voit les zones à faibles émissions qui se multiplient, on se dit que c’était inéluctable.
Renault respire, Stellantis tousse
Dans ce marasme, il y a quand même un constructeur qui s’en sort avec les honneurs : Renault. +4 % en novembre, 26,6 % de parts de marché, la R5 électrique qui truste la tête des ventes zéro émission et pointe à la 9e place toutes motorisations confondues.
De l’autre côté, Stellantis (Peugeot, Citroën, Opel, Fiat…) recule de 5,5 % en novembre et de 8 % sur l’année. Le groupe est désormais devancé de justesse par son rival historique sur les onze mois.
La différence ? Renault a misé tôt et fort sur l’électrique abordable made in France. La R5, la future Twingo à moins de 20 000 €… ça parle aux Français.
Pourquoi les Français reportent leur achat
Mais alors, si l’électrique marche si bien, pourquoi le marché global s’écroule ? La réponse est simple : l’attentisme.
- Incertitude sur le budget 2026 et les aides (bonus, leasing social)
- Prix du neuf toujours élevé malgré les remises
- Marché de l’occasion qui reste attractif (surtout les jeunes diesel et essence)
- Attente de modèles plus abordables (la fameuse barre des 20 000 €)
- Crainte de la revente future pour les thermiques purs
On ajoute à cela un pouvoir d’achat qui ne suit plus, des taux d’intérêt qui restent élevés pour le crédit auto, et vous avez la tempête parfaite.
2035 : la grande question européenne
Tout cela se passe alors que le débat sur l’interdiction des moteurs thermiques en 2035 fait rage. L’industrie allemande pousse pour un assouplissement, la Chine avance à marche forcée, et la Commission européenne doit annoncer des mesures le 10 décembre.
On sent que le vieux continent est à la croisée des chemins. Maintenir le cap vert à tout prix ou accepter un décalage pour sauver des emplois ? La question n’est plus technique, elle est politique.
« Il faut concilier décarbonation, emplois et accessibilité financière. On ne peut plus faire l’un sans les autres. »
– Un dirigeant d’un grand groupe automobile européen
Et demain ?
Personnellement, je pense que 2026 sera l’année charnière. Si les aides sont maintenues et que les modèles sous les 25 000 € se multiplient (Twingo, Citroën ë-C3, future Fiat Panda…), le marché repartira. Sinon, on risque de creuser encore l’écart avec les objectifs climatiques.
Ce qui est certain, c’est que la voiture individuelle ne disparaîtra pas. Elle change de visage, c’est tout. Plus connectée, plus propre, peut-être moins possédée et plus partagée. Mais elle restera au cœur de notre liberté de mouvement.
En attendant, si vous hésitez encore devant une concession, sachez que vous n’êtes pas seul. Des centaines de milliers de Français sont dans le même bateau. La seule question qui reste : allez-vous attendre 2026… ou profiter des offres de fin d’année sur un modèle qui correspond vraiment à vos besoins ?
Parce qu’au fond, c’est peut-être ça le vrai luxe aujourd’hui : choisir en connaissance de cause.
