Imaginez un peu la scène. Un jet privé se pose sur un aéroport moscovite par une froide matinée d’hiver. Un milliardaire américain, costume impeccable et sourire détendu, descend les marches. À quelques mètres, des officiels russes l’attendent, pas avec la froideur protocolaire habituelle, mais avec une familiarité presque complice. Cette image, on l’a vue plusieurs fois ces derniers mois. Et pourtant, elle continue de fasciner – et d’inquiéter – autant qu’au premier jour.
L’homme en question ? Steve Witkoff. Un nom qui ne disait pas grand-chose au grand public il y a encore un an. Aujourd’hui, il est devenu l’une des figures les plus énigmatiques de la diplomatie parallèle qui se met en place sous l’ère Trump 2.0.
Un émissaire pas comme les autres
Ce qui frappe d’abord, c’est le rythme. Six voyages à Moscou en moins d’un an. À titre de comparaison, certains secrétaires d’État en exercice n’y mettent pas les pieds aussi souvent. Et chaque fois, c’est la même impression : Witkoff n’y va pas en terrain hostile. Il y va presque comme chez lui.
Promoteur immobilier new-yorkais, ami de longue date de Donald Trump, il n’a pourtant aucune expérience diplomatique officielle. Pas de passage par le Département d’État, pas de poste d’ambassadeur, rien. Juste une proximité ancienne avec le président élu et, semble-t-il, une capacité rare à parler le même langage que les dirigeants russes.
Et ça, croyez-moi, c’est quelque chose que peu d’Américains peuvent revendiquer ces dernières années.
Une proximité qui ne date pas d’hier
Il faut remonter un peu dans le temps pour comprendre. Witkoff et Trump se connaissent depuis les années 80. Même milieu, même énergie, même vision très… pragmatique des affaires. Quand Trump cherchait quelqu’un pour porter un message direct au Kremlin, sans le filtre parfois rigide des diplomates de carrière, son choix s’est porté naturellement sur son vieil ami.
Mais il y a plus que de l’amitié là-dedans. Des observateurs avertis notent que Witkoff partage avec les cercles dirigeants russes une certaine vision du monde. Un mélange de réalisme brut, de méfiance envers les institutions multilatérales et d’admiration pour les leaders qui imposent leur volonté. Ça ne veut pas dire qu’il approuve tout, loin de là. Mais il comprend le logiciel.
Ils voient le monde de la même manière. Pour eux, la force et la détermination priment sur les grands discours.
Un proche du dossier, sous couvert d’anonymat
Cette phrase, prononcée récemment, a fait l’effet d’une petite bombe. Parce qu’elle résume parfaitement ce qui rend cette relation à la fois efficace… et troublante.
Des négociations à deux vitesses
Pendant que l’équipe Trump multiplie les réunions tendues avec les Ukrainiens – on parle de discussions « pas faciles », c’est peu dire –, les échanges avec Moscou semblent couler de source. Des sources bien informées décrivent des dîners détendus, des conversations qui durent tard dans la nuit, une confiance qui s’installe vite.
Récemment, une conversation révélée par des médias internationaux a particulièrement marqué les esprits. On y entend l’émissaire américain et un très haut conseiller russe échanger avec une déconcertante franchise. Pas de langue de bois, pas de formules toutes faites. Juste deux hommes qui se parlent comme s’ils se connaissaient depuis toujours.
Évidemment, ça pose question. Quand on négocie la paix dans une guerre qui a déjà fait des centaines de milliers de morts, peut-on se permettre ce genre de proximité ? Où s’arrête l’efficacité diplomatique et où commence le risque de partialité ?
Le rôle discret mais croissant de Jared Kushner
Autre détail qui n’échappe à personne : lors du dernier déplacement, Witkoff n’était pas seul. Jared Kushner l’accompagnait. Le gendre de Trump, déjà très impliqué dans les accords d’Abraham au premier mandat, revient en force sur la scène moyen-orientale et européenne.
Le duo forme une équipe inattendue mais redoutablement complémentaire. Witkoff, le bulldozer charismatique qui ouvre les portes. Kushner, le stratège discret qui pense les deals sur le long terme. Ensemble, ils incarnent cette nouvelle diplomatie trumpienne : moins d’idéologie, plus de relations personnelles.
- Des rencontres directes, sans intermédiaires
- Une confiance bâtie sur la durée
- Un discours qui valorise la « paix par la force »
- Une volonté affichée de conclure rapidement
C’est exactement ce que Trump avait promis pendant sa campagne : régler le conflit ukrainien « en 24 heures ». On voit aujourd’hui que l’horloge tourne, mais que la méthode choisie passe par des canaux… pour le moins originaux.
Ce que ça dit de la future politique étrangère américaine
Plus largement, l’histoire Witkoff nous en dit long sur ce que pourrait être la diplomatie de l’ère Trump bis. Moins d’alliance rigide, plus de deals bilatéraux. Moins de sermons moraux, plus de realpolitik assumée. Et surtout, une prime donnée aux émissaires capables de parler directement aux dirigeants, même quand ceux-ci sont considérés comme des parias par une partie de l’Occident.
Est-ce efficace ? L’histoire le dira. Pour l’instant, force est de constater que les lignes bougent. Des cessez-le-feu locaux sont discutés, des échanges de prisonniers se préparent, des cartes sont posées sur la table. Lentement, mais sûrement.
Ce qui est sûr, c’est que Steve Witkoff n’est plus un simple promoteur immobilier. Il est devenu, presque malgré lui, l’un des hommes qui pèsent sur l’avenir de l’Europe. Et ça, franchement, personne ne l’avait vu venir il y a encore quelques mois.
Et l’Ukraine dans tout ça ?
La grande question qui reste en suspens, évidemment, c’est la position ukrainienne. Car pendant que les ponts se construisent à Moscou, les discussions avec Kiev restent laborieuses. Les exigences américaines – concessions territoriales, neutralité, limitation militaire – sont difficiles à avaler pour un pays qui se bat depuis bientôt quatre ans.
Certains y voient une forme de pression à double détente : on parle gentiment avec Moscou pour obtenir des concessions, tout en faisant comprendre à Kiev que le temps joue contre elle. D’autres, plus critiques, estiment que la balance penche déjà dangereusement d’un côté.
Ce qui est certain, c’est que l’émissaire Witkoff va continuer ses allers-retours. Probablement encore plusieurs fois cet hiver. Et à chaque voyage, la même interrogation : jusqu’où ira cette relation si particulière entre un magnat américain et le Kremlin ? Et surtout, à quel prix pour la paix ?
Une chose est sûre : on n’a pas fini d’entendre parler de Steve Witkoff. Cet homme discret, qui n’aime pourtant pas les projecteurs, est en train d’écrire une page inattendue de l’histoire diplomatique. Et quelque part, c’est aussi ça, la marque Trump : transformer des outsiders en acteurs majeurs du jeu mondial.
On verra bien où tout cela nous mènera. Mais une chose est déjà claire : la diplomatie ne sera plus jamais tout à fait comme avant.
