Il y a des moments où le silence pèse plus lourd qu’un tacle par derrière. Samuel Umtiti, ce colosse qui soulevait la Coupe du monde en 2018 comme si c’était une plume, a porté pendant des années un poids que personne ne voyait. Aujourd’hui, à 32 ans et fraîchement retraité, il a décidé de parler. Et quand il parle, on écoute.
Quand le héros devient humain
On se souvient tous de ce 15 juillet 2018. La Russie, la pluie, les larmes de joie, Umtiti qui saute dans les bras de Pogba. Tout semblait parfait. Pourtant, quelques mois plus tard, le défenseur central star du FC Barcelone et des Bleus sombrait sans que personne ne s’en rende vraiment compte. Pas même lui, au début.
Il a fallu attendre 2025, sept ans après le titre mondial, pour qu’il mette enfin des mots sur ce qu’il a traversé. Et ces mots font mal.
« Je me suis fait du mal en restant silencieux. »
Samuel Umtiti
Une descente qu’il n’a pas vu venir
Il y a des chutes qui ne font pas de bruit. Celle d’Umtiti a été progressive, sournoise. Après l’euphorie du Mondial, il se retrouve blessé au genou. Une blessure qui traîne, qui ne guérit pas comme prévu. Les critiques fusent. On l’accuse de ne pas vouloir se faire opérer, de privilégier des traitements conservateurs. On le traite de feignant, de millionnaire qui se complaît dans le confort.
Mais derrière les réseaux sociaux et les plateaux télé, il y avait autre chose. Quelque chose de beaucoup plus lourd.
Il raconte qu’il lui arrivait de rester des jours entiers sans sortir de chez lui. Sans envie de voir qui que ce soit. Même répondre à un message devenait une montagne. Il pensait que ça allait passer. Une semaine. Un mois. Un an. Ça n’a jamais vraiment passé tout seul.
« Je n’arrivais plus à sortir de mon lit. Voir du monde, c’était impossible. »
Le tabou qui tue à petit feu dans le foot
Dans le milieu du football, on te demande d’être un guerrier. Un homme fort. Pleurer ? Pas prévu au programme. Parler de ses failles ? Encore moins. Alors on serre les dents. On sourit devant les caméras et on rentre chez soi pour s’effondrer.
Umtiti l’admet sans détour : il s’est cru plus fort que tout le monde. Il s’est dit que c’était juste un passage à vide, qu’un mauvais moment à passer ». Il a refusé de voir la réalité en face parce que, dans sa tête, un champion du monde ne peut pas être dépressif. C’est incompatible.
Sauf que si. Et c’est peut-être le message le plus fort de son témoignage.
- Le footballeur pro est censé être invincible
- Montrer une faiblesse = perdre le respect des autres
- Parler de santé mentale = risquer sa place, son image, son contrat
- Résultat : on se tait et on coule en silence
Il a fallu qu’il touche le fond pour comprendre qu’il avait besoin d’aide. Et encore, il a mis des années à accepter le mot « dépression ».
Pourquoi il a choisi de parler maintenant
Retraité depuis septembre 2025, Samuel Umtiti n’a plus rien à perdre. Plus de club à convaincre, plus d’image de dur à préserver. Il est libre. Et cette liberté, il a décidé de la mettre au service des autres.
Il a participé à un documentaire poignant où il partage l’écran avec des jeunes qui vivent ou ont vécu la même chose. Voir leurs témoignages l’a débloqué. Il s’est rendu compte qu’il n’était pas seul. Qu’il n’était pas faible. Juste humain.
« Parler m’a fait un bien fou. Vraiment. J’aurais dû le faire bien avant. »
Son message est clair : si lui, champion du monde, a traversé ça, alors tout le monde peut être concerné. Du gamin en centre de formation au joueur de Ligue 1 en passant par le supporter lambda. Personne n’est à l’abri.
Les séquelles qui restent
Il va mieux aujourd’hui. Beaucoup mieux. Mais il sait qu’il portera probablement des traces toute sa vie. Comme une cicatrice invisible. Il dit avoir « la recette » maintenant pour gérer les moments difficiles. Il sait repérer les signaux d’alarme.
Mais il regrette surtout le temps perdu. Les années où il s’est battu seul, avec les mauvaises armes. Les relations abîmées. Les opportunités manquées.
Et surtout, il regrette de ne pas avoir pu aider plus tôt ceux qui vivaient la même chose que lui.
Un message qui dépasse largement le foot
Ce qui frappe dans le discours d’Umtiti, c’est sa simplicité. Pas de victimisation. Pas de règlement de comptes. Juste une envie sincère d’aider. Il répète sans cesse qu’il faut parler. Que ce n’est pas une honte. Que demander de l’aide, c’est au contraire un acte de courage.
Il insiste particulièrement sur les jeunes. Ceux qui grandissent avec les réseaux sociaux, la pression de la performance, la peur de décevoir. Il veut leur dire : vous n’êtes pas fous. Vous n’êtes pas faibles. Vous êtes juste humains.
- Repérer les signes tôt
- Ne pas hésiter à en parler à quelqu’un de confiance
- Consulter un professionnel si besoin (et oui, même quand on est un homme, même quand on est footballeur)
- Comprendre que la santé mentale, c’est aussi important que la santé physique
Il rêve d’un monde du foot où on pourrait dire « je ne vais pas bien » sans que ça devienne un scandale. Où les clubs auraient des psychologues aussi accessibles que les kinés. Où les joueurs pourraient prendre une pause mentale sans être jugés.
Et après ?
Umtiti veut devenir entraîneur. Il a déjà passé ses diplômes. Et il veut porter ce message sur tous les terrains où il passera. Faire en sorte que les gamins qu’il coachera sachent qu’ils peuvent venir lui parler. De tout. Sans jugement.
Il a transformé sa douleur en force. Son silence en porte-voix. Sa chute en tremplin.
Et quelque part, c’est peut-être la plus belle des victoires.
Samuel Umtiti n’est plus seulement le défenseur qui a marqué contre la Belgique en demi-finale du Mondial. Il est devenu autre chose. Un symbole. Une preuve vivante que même au sommet, on peut tomber. Et surtout, qu’on peut se relever.
Son témoignage ne sauvera peut-être pas le monde. Mais il peut en sauver quelques-uns. Et dans le foot français, encore trop souvent macho et fermé, c’est déjà énorme.
Alors merci, Sam. Pour avoir osé. Pour avoir parlé. Pour avoir montré la voie.
Parce qu’au final, le vrai courage, ce n’est pas de ne jamais tomber.
C’est d’avoir le cran de se relever. Et d’aider les autres à faire pareil.
