Vous arrivez sur une aire d’autoroute quelconque, quelque part entre Berlin et Hanovre. Il est trois heures du matin, le chauffeur d’un poids lourd civil dort profondément dans un hôtel bas de gamme à deux cents mètres. Dans la remorque, scellée pourtant selon les normes, dorment aussi… vingt mille cartouches destinées à l’armée allemande. À l’aube, plus rien. Juste des scellés arrachés et un vide abyssal. Cette scène, digne d’un mauvais film d’action, s’est réellement produite la semaine dernière près de Magdebourg. Et franchement, on peine à y croire.
Un braquage presque trop facile
L’histoire a de quoi faire sourire jaune. Un transporteur civil – parce que oui, l’armée allemande sous-traite une partie de ses convois – s’arrête pour la nuit. Le parking ? Non surveillé. Les scellés ? Manifestement pas assez solides. En quelques heures, une cargaison entière disparaît sans laisser de trace visible. Pas d’effraction spectaculaire, pas d’alarme qui hurle, juste une exécution propre, rapide, professionnelle.
Ce qui choque le plus, ce n’est même pas le vol en lui-même – les armées du monde entier ont déjà connu pire – c’est la banalité du lieu et la simplicité apparente de l’opération. On imagine mal un commando ultra-équipé. Non, ça sent plutôt le coup préparé de longue date, avec peut-être même des complicités internes. Après tout, qui connaît mieux les itinéraires et les failles que ceux qui les empruntent tous les jours ?
« Un parking non surveillé, c’est une invitation ouverte au désastre quand on transporte du matériel aussi sensible. »
– Un ancien officier logistique de la Bundeswehr, sous couvert d’anonymat
La Bundeswehr déjà fragilisée par les scandales
Ces dernières années, l’armée allemande traîne une réputation peu flatteuse. Matériel vétuste, pannes à répétition, hélicoptères cloués au sol, sous-marins qui ne plongent plus… La liste est longue. Boris Pistorius, le ministre de la Défense actuel, a beau répéter que la Zeitenwende (le tournant historique annoncé par Scholz après l’invasion de l’Ukraine) est en marche, la réalité sur le terrain reste cruelle.
Et maintenant ce vol. Vingt mille cartouches, ce n’est pas une arme nucléaire, mais c’est assez pour équiper plusieurs centaines de soldats pendant des semaines d’entraînement intensif. Ou pire, pour alimenter des réseaux criminels pendant des années. Car oui, ces munitions ont une valeur énorme sur le marché noir, surtout en ce moment.
- Conflits en cours en Europe de l’Est
- Montée des groupes extrémistes en Allemagne même
- Trafic d’armes qui explose depuis 2022
Tout cela forme un cocktail explosif. Et l’armée allemande vient de fournir les ingrédients.
Des procédures qui datent d’un autre siècle
On me dira que transporter des munitions par des sociétés civiles n’est pas nouveau. C’est même courant dans beaucoup d’armées modernes pour des questions de coûts. Mais il y a des règles, normalement. Escorte armée, itinéraires protégés, arrêts dans des zones sécurisées… Apparemment, rien de tout ça ici.
J’ai du mal à comprendre comment, en 2025, avec la menace russe à moins de 600 km des frontières allemandes, on peut encore se permettre une telle légèreté. Est-ce une question de budget ? De personnel ? Ou simplement d’habitude prise dans une armée qui n’avait plus l’habitude de gérer du matériel de guerre en grande quantité depuis des décennies ?
Le résultat est là : une humiliation nationale. Et une question qui brûle toutes les lèvres : où sont passées ces munitions ?
Qui pourrait être derrière ce vol ?
Officiellement, aucune piste n’est privilégiée. Mais entre nous, les hypothèses ne manquent pas.
- La criminalité organisée classique : des réseaux balkaniques ou est-européens qui revendent ensuite en Afrique ou au Moyen-Orient
- Des groupes d’extrême droite allemands, qui se réarment discrètement depuis des années
- Des acteurs étatiques hostiles qui cherchent à embarrasser Berlin (on pense évidemment à certains services russes, même si rien ne le prouve)
- Ou plus prosaïquement, un coup monté de l’intérieur pour toucher une prime d’assurance ou couvrir des pertes antérieures
Aucune de ces pistes n’est à exclure. Et c’est bien ça le plus inquiétant.
Les conséquences déjà visibles
Déjà, les entraînements sont perturbés. Certains stands de tir tournent au ralenti faute de munitions. Les unités qui préparent des déploiements en Lituanie ou en Roumanie voient leurs plannings bouleversés. Et surtout, la confiance – déjà fragile – des partenaires de l’OTAN prend un coup.
Quand on sait que l’Allemagne veut devenir le pilier militaire de l’Europe, ce genre d’incident fait tache. Très tache même.
« Si vous n’êtes même pas capables de garder vos propres cartouches, comment voulez-vous protéger l’Europe ? »
– La phrase qui circule déjà dans certains états-majors alliés
Et maintenant ?
Boris Pistorius a promis une enquête approfondie. Des têtes vont probablement tomber. Peut-être même que certaines procédures seront enfin modernisées – GPS en temps réel, escortes privées armées, zones d’arrêt sécurisées… Tout ce qui existe déjà chez d’autres armées depuis longtemps.
Mais le mal est fait. Ces 20 000 cartouches sont quelque part, prêtes à resurgir un jour ou l’autre. Dans un stand de tir officiel ? Ou au détour d’une fusillade dans une ville allemande ? Personne ne le sait.
Une chose est sûre : ce vol ridicule sur un parking de routier restera comme un symbole. Le symbole d’une armée qui veut redevenir grande, mais qui trébuche encore sur les détails les plus élémentaires. Et dans le domaine militaire, les détails, ça tue.
À suivre, évidemment. Parce que cette histoire est loin d’être terminée.
