Vous est-il déjà arrivé de vous dire que certaines soirées anodines peuvent basculer en quelques secondes dans l’irréparable ? Moi, oui. Et l’histoire qui s’est déroulée un soir d’octobre à Montereau-Fault-Yonne me glace encore le sang plusieurs semaines après.
Imaginez : un jeune homme loue une voiture, comme on le fait tous les jours. Rien de bien méchant. Sauf que cette fois, le simple fait de rendre le véhicule va déclencher une furia collective. Une trentaine, peut-être une cinquantlette de personnes qui se jettent sur lui. Coups de pied, coups de poing, une violence brute, sans retenue. Le genre de scène qu’on croit réservée aux films ou aux grandes villes. Eh bien non, ça arrive aussi dans nos petites communes de Seine-et-Marne.
Quand une banale transaction devient un règlement de comptes
Reprenons depuis le début. Nous sommes le 17 octobre dernier. Un jeune homme – appelons-le la victime, puisqu’on ne connaît pas son identité – doit rendre une voiture qu’il a louée. Rendez-vous est pris dans un quartier de Montereau-Fault-Yonne. Jusque-là, tout va bien.
Mais très vite, la situation dégénère. Un différend, une parole de trop, un regard de travers ? Nul ne sait exactement ce qui a mis le feu aux poudres. Toujours est-il qu’en quelques minutes, une foule se forme. Et cette foule n’est pas venue pour discuter.
Les images de vidéosurveillance, même si elles restent confidentielles, ont dû être insoutenables. Un homme seul, encerclé, qui tombe au sol et qui continue à recevoir des coups alors qu’il ne bouge quasiment plus. Le président du tribunal correctionnel de Fontainebleau, lors de l’audience, n’a d’ailleurs pas mâché ses mots :
« Les coups, ça entraîne un lynchage et cela conduit souvent à la mort. »
Le président du tribunal, lors du verdict
Et cette phrase résonne encore. Parce qu’elle dit tout de la gravité de ce qui s’est passé.
Une victime entre la vie et la mort
Lorsque les secours arrivent, l’état du jeune homme est critique. Traumatisme crânien, multiples fractures, hémorragies internes… Il est transporté en urgence à l’hôpital. Les premières heures, les médecins ne savent même pas s’il va s’en sortir.
À l’audience, sa chaise est restée vide. Trop fragile encore pour venir témoigner. Et franchement, qui aurait eu le cœur de l’obliger à revivre ça ? Son absence parlait plus que n’importe quel discours.
Trente à cinquante agresseurs… et seulement trois sur le banc des accusés
Voilà peut-être l’aspect le plus révoltant de cette affaire. Sur la trentaine, voire la cinquantaine de personnes présentes ce soir-là, seules trois ont été identifiées et jugées en comparution immédiate. Deux d’entre elles, deux jeunes hommes de 20 et 22 ans, ont écopé de douze mois de prison dont neuf avec sursis.
La partie ferme ? Trois petits mois. À domicile, avec un bracelet électronique. Autant dire que pour beaucoup, ça ressemble à une peine symbolique quand on pense à ce qu’a subi la victime.
Et les autres ? Les dizaines d’autres qui ont frappé, qui ont filmé, qui ont encouragé ? Ils courent toujours. Certains ont peut-être même assisté à l’audience en spectateurs. C’est ça qui rend dingue.
Le phénomène de la « meute » : quand l’individu disparaît
J’ai couvert pas mal d’affaires de violences collectives ces dernières années, et il y a un truc qui revient tout le temps : l’effet de groupe. Seul, aucun de ces jeunes n’aurait osé lever la main. Ensemble, ils se transforment. Ils perdent toute humanité.
Il suffit d’un leader, d’un téléphone qui filme, d’une ambiance électrique, et c’est parti. On frappe pour prouver qu’on appartient au groupe. On frappe parce que les autres frappent. On frappe parce que demain, la vidéo fera le tour des réseaux et qu’on sera « quelqu’un ».
- Effet de déshumanisation de la victime
- Sentiment d’impunité dans la foule
- Pression sociale terrible sur les plus jeunes
- Rôle des réseaux sociaux dans l’amplification
Tous ces ingrédients étaient réunis ce soir-là à Montereau.
Une condamnation à double fond : violences et travail dissimulé
Petit détail qui a son importance : les deux principaux condamnés ont également été reconnus coupables de travail dissimulé. Apparemment, la location de voitures servait aussi de couverture à des activités pas très nettes. Ça rajoute une couche de complexité à l’affaire.
On est donc face à un mélange explosif : des tensions liées à des petits trafics locaux, une jeunesse qui s’ennuie ou qui cherche à exister, et une culture de la violence qui semble parfois banalisée dans certains quartiers.
Montereau-Fault-Yonne, une ville sous tension ?
Il faut dire les choses : Montereau n’est pas épargnée ces dernières années. Rixes entre bandes, rodéos urbains, trafics en tout genre… La ville fait régulièrement parler d’elle pour les mauvaises raisons. Et pourtant, quand on s’y promène en journée, on croise des gens sympas, des familles, des commerçants qui essayent de faire vivre leur quartier.
Alors où est le problème ? Manque de moyens pour la police ? Absence de structures pour les jeunes ? Sentiment d’abandon ? Sans doute un peu de tout ça.
Mais ce qui est sûr, c’est que ces affaires à répétition abîment l’image de la ville et surtout, brisent des vies.
Et maintenant ?
L’enquête se poursuit pour identifier les autres participants. Les vidéos circulent, les langues vont peut-être se délier. Mais combien de temps ça va prendre ? Et surtout, est-ce que les peines seront à la hauteur si d’autres sont jugés ?
Ce qui est certain, c’est que cette affaire laisse un goût amer. Amer pour la victime qui va mettre des années à se reconstruire, si elle s’en remet complètement. Amer pour les familles des condamnés, qui paient aussi le prix de la bêtise. Amer pour toute une ville qui aimerait parler d’autre chose que de violence.
Parfois, je me dis qu’on est à un tournant. Que si on ne réagit pas collectivement – parents, éducateurs, forces de l’ordre, justice, politiques – ces histoires vont devenir notre quotidien. Et ça, franchement, je ne m’y fais pas.
Alors oui, deux jeunes ont été condamnés. C’est déjà ça. Mais quand on pense aux dizaines d’autres qui ont participé à ce lynchage et qui dorment tranquilles ce soir… on se dit que la justice a encore du boulot.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Est-ce que trois mois avec un bracelet, c’est suffisant quand on a failli tuer quelqu’un à plusieurs dizaines ? Je suis curieux de lire vos réactions, vraiment. Parce que ce genre d’histoire, ça nous concerne tous.
