Imaginez une salle des fêtes bondée un dimanche après-midi de novembre, dans un quartier populaire où les tours d’immeubles veillent comme des sentinelles fatiguées. L’air est chargé d’électricité, pas celle des néons fatigués, mais celle des grands soirs où l’on sent que quelque chose peut basculer. C’est exactement ce qui s’est passé aux Aunettes, à Évry-Courcouronnes. Une femme de 49 ans, chemise blanche impeccable et regard qui ne lâche personne, prend le micro. Farida Amrani vient officiellement d’ouvrir le bal des municipales 2026. Et croyez-moi, ça sent la poudre.
Dans cette ville de 70 000 habitants, préfecture de l’Essonne, la gauche radicale a décidé de frapper fort. Très fort même. Et quand je dis radicale, on parle bien sûr de La France insoumise, ce mouvement qui, depuis 2017, n’a cessé de grignoter du terrain dans les territoires populaires. Ce n’était pas juste un meeting de lancement parmi d’autres. C’était un signal. Un signal envoyé à tout le département : on vient chercher la mairie. Et on a les moyens de nos ambitions.
Une candidature qui sent le vécu et la revanche
Farida Amrani n’est pas une parachutée. Elle est née ici, a grandi ici, a vu les transformations successives de cette ville nouvelle devenue symbole des banlieues françaises. Les Aunettes, ce quartier où elle a organisé son premier grand rendez-vous, ce n’est pas un décor de campagne. C’est chez elle. Et ça change tout.
Quand elle parle des galères du quotidien – transports défaillants, écoles surchargées, sécurité qui laisse à désirer –, elle n’a pas besoin de notes. Elle sait. Elle a vécu ça. Et ce lien-là, ce lien viscéral avec les habitants, c’est probablement l’arme la plus redoutable qu’elle possède face à ses futurs adversaires.
« Cette ville, je la connais par cœur. J’y ai grandi, j’y ai élevé mes enfants, j’y ai pleuré et j’y ai ri. Personne ne pourra me dire que je ne sais pas de quoi je parle. »
Farida Amrani, lors de son meeting de lancement
LFI mise gros sur l’Essonne
Ce n’est pas un hasard si le coordinateur national du mouvement a fait le déplacement. Sa présence n’était pas protocolaire. C’était un investissement politique lourd de sens. Prendre une préfecture, surtout celle de l’Essonne, ce serait un symbole énorme pour La France insoumise. Un peu comme si on plantait un drapeau violet au milieu d’un département longtemps dominé par la droite et le centre.
Et les chiffres leur donnent raison de rêver grand. Regardez les dernières élections : européennes, législatives… la progression est constante, parfois impressionnante. Dans certains bureaux de vote d’Évry-Courcouronnes, le score frôle des niveaux qu’on n’imaginait pas il y a encore cinq ans. Les gens votent de plus en plus à gauche, et pas n’importe quelle gauche : celle qui parle fort, qui tape du poing sur la table, qui promet de remettre les services publics au centre du jeu.
- Score en hausse constante depuis 2019
- Implantation locale renforcée quartier par quartier
- 11 têtes de liste déjà désignées dans le département
- Soutien affiché des cadres nationaux
- Discours recentré sur les questions sociales et de proximité
Un symbole qui dépasse les frontières de la ville
D’autres voix internes au mouvement l’ont dit sans détour : gagner Évry, ce serait envoyer un message national. Un message du style « oui, on peut gouverner des grandes villes, oui, on peut gérer des budgets conséquents, oui, on n’est pas juste bons à faire de l’opposition ». Parce que soyons honnêtes : jusqu’à présent, les victoires municipales de LFI restent rares. Grigny en 2020, c’était bien. Mais une préfecture ? Ce serait autre chose.
Et puis il y a cette dimension personnelle pour Farida Amrani. Elle siège déjà à l’Assemblée nationale. Elle connaît les rouages du pouvoir, les compromis, les trahisons aussi parfois. Passer de députée à maire, ce serait boucler une boucle. Prouver que l’on peut venir des quartiers, porter le combat à Paris, puis revenir transformer sa ville. C’est une histoire qui parle à beaucoup de monde.
Les défis qui attendent la candidate
Mais ne nous emballons pas trop vite. La route est encore longue. Très longue même. D’abord parce que la sortante, même si elle n’a pas encore officiellement annoncé sa candidature, reste une figure implantée. Ensuite parce que la droite et le centre vont tout faire pour conserver cette place forte. Et enfin parce que dans les villes de cette taille, les alliances de second tour peuvent tout changer.
Il y a aussi la question de l’unité à gauche. Est-ce que les écologistes, les socialistes, les communistes accepteront de se ranger derrière une candidature LFI dès le premier tour ? Rien n’est moins sûr. On a vu ailleurs des divisions fatales. Et puis il y a le RN, qui, même s’il reste minoritaire ici, peut jouer les trouble-fêtes en grignotant des voix à droite.
« On a de grandes chances de gagner cette ville. C’est une évidence au vu de notre progression constante. »
Un député LFI présent au meeting
Un programme qui reste à dévoiler… ou pas ?
Pour l’instant, on en sait peu sur le programme précis. On parle beaucoup de réhabilitation des quartiers, de gratuité des transports, de renforcement des services publics. Des grands classiques insoumis, en somme. Mais dans une ville comme Évry-Courcouronnes, avec ses défis spécifiques – taux de chômage élevé chez les jeunes, sentiment d’abandon dans certains secteurs –, il faudra du concret. Très concret.
Les habitants attendent des réponses sur la sécurité, sur l’éducation, sur l’emploi local. Promettre la lune, c’est bien. Tenir ses engagements quand on passe de l’opposition à la gestion, c’est une autre paire de manches. Et c’est là que se jouera une grande partie de la crédibilité de la candidature.
2026, l’année de tous les dangers pour la gauche française ?
Plus largement, ces municipales de 2026 arrivent dans un contexte politique totalement bouleversé. La gauche est morcelée, le centre explose, la droite se reconstruit tant bien que mal, et l’extrême droite reste en embuscade. Dans ce paysage, chaque ville gagnée ou perdue aura une valeur symbolique décuplée.
Si LFI parvient à arracher plusieurs grandes communes – et Évry en ferait partie –, cela changerait la donne pour 2027. Cela prouverait que le mouvement n’est pas qu’une machine à faire des scores honorables à la présidentielle, mais qu’il peut aussi gouverner au quotidien. Et ça, croyez-moi, ça ferait trembler pas mal de monde dans le paysage politique français.
En attendant, la campagne est lancée. Les tracts vont commencer à pleuvoir, les réunions d’appartement vont se multiplier, les portes vont être frappées une à une. Farida Amrani a ouvert le bal. Reste à savoir si, dans seize mois, elle sera celle qui dansera sur la place de la mairie avec l’écharpe tricolore. Une chose est sûre : ça va être passionnant à suivre.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Est-ce que La France insoumise peut enfin transformer l’essai dans les grandes villes ? Ou est-ce que, comme souvent, les divisions et les réalités du pouvoir finiront par avoir raison des belles ambitions ? Les prochains mois nous le diront. En attendant, une chose est certaine : à Évry-Courcouronnes, ça chauffe déjà sévère.
