Vous imaginez vos élus, ceux qui votent les lois qui régissent votre vie quotidienne, en train de lever le doigt pour demander « mais madame, c’est quoi le vrai mot pour la vulve ? ». Franchement, moi non plus je n’y croyais pas jusqu’à hier.
Et pourtant, c’est exactement ce qui s’est passé dans une salle feutrée de l’Assemblée nationale, un mardi de décembre où l’on condamnait officiellement l’État pour son inaction chronique en matière d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle.
Quand les députés redeviennent des écoliers de CP
La scène a quelque chose de surréaliste. Une vingtaine de parlementaires – de la gauche insurrectionnelle à la majorité présidentielle en passant par les écologistes – acceptent de jouer le jeu. Pas de cravate obligatoire, pas de questions au gouvernement, juste des chaises en cercle et une animatrice qui commence par la fameuse rivière du doute.
Le principe est simple : on pose une affirmation, et selon qu’on est d’accord ou pas, on se place d’un côté ou de l’autre d’une ligne imaginaire. Sauf que là, on parle de sexualité, de consentement, de stéréotypes. Et visiblement, même à l’âge adulte et avec plusieurs mandats au compteur, on peut encore se sentir un peu perdu.
« C’est où contre ? » demande une voix connue. L’animatrice sourit : « Vous me faites exactement les mêmes questions que les enfants de CP ! »
La question qui tue : « Et vous, vous dites quoi pour les parties intimes ? »
C’est le moment où tout le monde retient son souffle. L’animatrice sort les grands schémas anatomiques, ceux qu’on voit habituellement en classe de primaire. Vulve, pénis, testicules, clitoris… les vrais mots, sans détour.
Et là, surprise : certains découvrent. D’autres rougissent. Quelques-uns rigolent nerveusement. Parce qu’en réalité, beaucoup d’entre nous – et visiblement même chez ceux qui font la loi – on a grandi avec « zizi », « foufoune », « zezette » ou pire, rien du tout.
J’ai trouvé ça à la fois touchant et terrifiant. Touchant parce qu’on voit des adultes accepter de se remettre en question. Terrifiant parce que ces mêmes personnes votent des lois sur le consentement, les violences sexuelles ou l’éducation nationale.
Pourquoi c’est historique (et pas juste une opération com)
Le timing n’est pas anodin. Le même jour, la justice condamnait l’État pour ne pas avoir mis en place les trois séances annuelles d’éducation sexuelle prévues par la loi depuis 2001. Vingt-quatre ans plus tard, on en est toujours à zéro ou presque.
- Moins de 15 % des élèves reçoivent les trois séances obligatoires
- Des professeurs pas formés
- Des associations comme le Planning familial qui font le boulot à la place de l’Éducation nationale
- Et des conséquences très concrètes : hausse des IST, des grossesses non désirées chez les mineures, des violences sexuelles
Cette séance à l’Assemblée, c’était donc bien plus qu’un happening. C’était une démonstration en direct : même les décideurs ont besoin de cette éducation. Peut-être même plus que les autres.
Ce qui se passe vraiment dans ces ateliers (et pourquoi ça marche)
J’ai assisté à plusieurs de ces sessions avec des enfants et des ados. Le secret, c’est la dédramatisation. On parle de corps, de plaisir, de consentement, de sentiments, sans tabou mais avec bienveillance.
Et quand on voit des députés jouer à « vrai ou faux » sur des affirmations comme :
- « Une fille qui dit non mais qui embrasse quand même, c’est oui » (faux)
- « Le clitoris, c’est juste un petit bouton » (faux, il fait 11 cm en moyenne)
- « L’érection du matin, c’est forcément qu’on a envie » (faux)
On se dit que oui, même à 50 ans, on peut apprendre.
« J’ai réalisé que j’utilisais encore des mots d’enfant avec mes propres enfants » a confié un député à la sortie. Ça donne à réfléchir.
Le fossé entre la loi et la réalité
Ce qui m’a le plus marqué, c’est le décalage. On a des lois magnifiques sur le papier. L’égalité filles-garçons à l’école. L’éducation à la sexualité obligatoire. Le consentement au cœur du code pénal.
Mais dans les faits ? Rien ou presque. Et quand les parlementaires eux-mêmes découvrent l’ampleur de leur méconnaissance, on comprend mieux pourquoi ça bloque.
Cette séance, c’était une prise de conscience collective. Pas juste « ah ah c’est drôle des députés qui parlent de zizi ». Non. C’était : « merde, on est vraiment en retard ».
Et maintenant ? Vers un vrai changement ?
Plusieurs députés sont sortis déterminés. Des propositions de loi en préparation. Des amendements à venir. Une volonté de former les enseignants, de rendre les séances vraiment obligatoires, de financer les associations qui font le travail depuis des décennies.
Parce qu’au fond, l’éducation sexuelle, ce n’est pas « apprendre à faire l’amour ». C’est apprendre à se respecter. À respecter l’autre. À dire non. À reconnaître une violence. À savoir que le plaisir est normal. Que le corps change. Que l’amour, ce n’est pas que dans les films.
C’est prévenir les viols. Les grossesses non désirées. Les dépressions. Les complexes. Les IST.
C’est tout simplement construire une société plus saine.
Ce que ça dit de notre société
Le plus fou, c’est que cette séance a révélé quelque chose de profond. On est un pays qui se vante d’être le pays de l’amour, de la libération sexuelle, de Mai 68… mais on est incapable d’appeler une vulve une vulve devant des adultes.
On fait des lois sur tout. Sur le bruit des tondeuses le dimanche. Sur la taille des étiquettes des yaourts. Mais sur le corps, le désir, le consentement ? Silence radio.
Cette journée à l’Assemblée, c’était un miroir. Pas très flatteur, mais nécessaire.
Alors oui, on a bien rigolé. Oui, les réseaux sociaux vont se gargariser pendant 48 heures avec des memes. Mais derrière la gêne et les rires, il y a quelque chose de profondément sérieux.
Des adultes qui acceptent de redevenir élèves. Des élus qui reconnaissent leur ignorance. Des femmes et des hommes politiques qui comprennent enfin pourquoi cette éducation est vitale.
Si même eux ont besoin de ce cours, imaginez ce que ça veut dire pour le reste du pays.
Et si c’était le début de quelque chose ? Pas juste une opération de com, mais un vrai déclic.
Parce qu’au fond, on a tous un peu besoin de remettre les pieds à l’école primaire. Surtout quand il s’agit de comprendre le corps, l’autre, et soi-même.
Et vous, vous diriez quoi, vous, pour les parties intimes ?
