Vous êtes tranquillement en train de faire votre séance du soir, écoutez votre playlist, et d’un coup votre regard tombe sur le dos du mec à côté : « Einsatzgruppen 39 ». Pas besoin d’être historien pour sentir le malaise immédiat. C’est exactement ce qui s’est passé récemment dans une salle de sport toulousaine. Un jeune homme, tout juste 23 ans, a décidé que c’était une bonne idée de s’afficher avec ça. Résultat ? Garde à vue, convocation au tribunal et un procès prévu pour mars 2026. L’histoire est presque trop grosse pour être vraie… et pourtant.
Quand le « troll » dépasse très largement la blague potache
Reprenons depuis le début. Mercredi soir, un adhérent d’une salle de fitness du centre de Toulouse remarque ce maillot étrange. Le flocage n’est pas un nom de joueur, pas un sponsor, non : Einsatzgruppen. Pour ceux qui auraient séché les cours d’histoire, ces unités spéciales SS étaient chargées des exécutions de masse derrière le front de l’Est. Plus d’un million de victimes, dont une immense majorité de juifs. Et le numéro 39 ? Une petite référence discrète à 1939, l’année du début de la Seconde Guerre mondiale. Sympa l’allusion.
Le témoin alerte la direction, les images de vidéosurveillance font le reste. Samedi, le jeune homme est interpellé sans difficulté. Pendant sa garde à vue, il minimise : « c’était pour rigoler », « je ne pensais pas que c’était si grave ». Classique. Le parquet ne rigole pas du tout et lui notifie une comparution pour apologie de crime contre l’humanité et crime de guerre. Peine maximale théorique : 5 ans de prison et 45 000 € d’amende. On est loin de la petite tape sur les doigts.
« Le port de tels signes dans un lieu public constitue une provocation intolérable à la mémoire des victimes. »
– Le procureur de Toulouse, en substance
Les mesures immédiates : pas juste un rappel à la loi
En attendant le jugement, le jeune homme n’est pas laissé libre comme l’air. Le juge des libertés a imposé un contrôle judiciaire plutôt costaud :
- Obligation de suivi socio-éducatif (on va gentiment lui rappeler quelques chapitres d’histoire)
- Pointage hebdomadaire au commissariat
- Interdiction formelle de fréquenter toute salle de sport sur le territoire national
Oui, vous avez bien lu : plus de muscu pendant plus d’un an, potentiellement. Ironique quand on pense que c’est précisément là qu’il a cru bon de faire son « coup ».
Un phénomène qui n’est malheureusement pas isolé
Ce qui frappe, c’est que cette affaire arrive à peine un mois après une autre histoire du même genre dans la même ville. Souvenez-vous : un individu de 28 ans qui se baladait en pleine rue avec un maillot « Arracheur 2 kippa » et qui faisait des saluts nazis sur les réseaux. Condamné à six mois de prison avec sursis probatoire. Même profil : jeune, provocation assumée, puis regrets une fois dans le box.
On pourrait presque parler de mode. Sur certains forums ou groupes privés, floquer des références douteuses sur des maillots de foot est devenu un « mème » chez une frange de l’extrême droite 2.0. Le pire, c’est que ça se vend. Des sites spécialisés proposent carrément des modèles « Einsatzgruppen », « Waffen SS » ou pire. Et ça circule.
Mais pourquoi maintenant ?
J’ai discuté avec plusieurs éducateurs et psychologues qui bossent avec des jeunes radicalisés ou en dérive idéologique. Leur constat est unanime : on assiste à une forme de banalisation du mal par l’ironie. Le « c’est pour déconner » devient le bouclier parfait. Sur les réseaux, liker ou partager des mèmes antisémites ou négationnistes ne choque plus grand monde dans certains cercles. Et puis un jour, quelqu’un passe à l’acte dans la vraie vie.
Il y a aussi tout le côté « je teste les limites ». Porter ça en public, c’est chercher la réaction, la polémique, les partages outrés. C’est devenir viral cinq minutes. Sauf que là, la réalité judiciaire rattrape vite la blague.
La loi est claire, et elle ne plaisante pas
En France, l’apologie de crimes contre l’humanité est un délit depuis la loi Gayssot de 1990. Le simple fait d’arborer publiquement un signe ou un emblème qui fait l’apologie du nazisme suffit. Pas besoin d’avoir crié « Heil Hitler » en faisant des pompes. Le maillot parle tout seul.
Et les juges appliquent. Ces dernières années, on a vu des condamnations pour :
- Un selfie avec un salut nazi devant Auschwitz (oui, ça existe)
- Des tatouages SS visibles sur la plage
- Des stickers « 88 » collés sur des panneaux de signalisation
- Même des avatars Discord ou des pseudos de jeux vidéo
Le message est clair : la tolérance zéro s’applique, surtout quand ça touche à la Shoah.
Et le jeune homme dans tout ça ?
Né en 2002, il n’a connu ni la guerre, ni même les grands-parents qui l’ont vécue pour la plupart. Son rapport à l’histoire passe par les mèmes, les vidéos YouTube douteuses, les forums où on « red pill » les ados en manque de repères. C’est terrifiant de simplicité.
Est-ce qu’il est un néonazi convaincu ? Probablement pas. Plutôt un gars qui a voulu faire le malin et qui se retrouve avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête jusqu’en 2026. Son casier judiciaire va en prendre un coup, son avenir professionnel aussi. Tout ça pour un maillot à 50 balles acheté sur un site chelou.
« À 23 ans, on peut encore être con. Mais là, on est dans la connerie qui peut ruiner une vie. »
– Un éducateur spécialisé que j’ai eu au téléphone
Ce que ça dit de notre société
Franchement, cette affaire me laisse un goût amer. On a beau enseigner la Shoah à l’école, organiser des voyages à Auschwitz, multiplier les cérémonies… et pourtant, une partie de la jeunesse arrive à transformer les pires criminels de l’histoire en « mèmes ». C’est glaçant.
Il y a un vrai travail à faire sur internet. Les plateformes ferment les comptes, mais les idées circulent toujours. Et tant qu’il y aura des ados en quête d’identité qui trouveront « cool » de choquer, il y aura des maillots comme celui-là.
Le procès de mars 2026 sera intéressant à suivre. Est-ce que le tribunal ira vers de la prison ferme pour l’exemple ? Ou restera-t-on sur du sursis probatoire avec stage de citoyenneté ? Une chose est sûre : l’histoire ne sera pas oubliée de sitôt. Ni par les victimes, ni par la justice, ni – espérons-le – par ce jeune homme qui a cru que l’histoire n’était qu’un grand terrain de jeu pour trolls.
Parce qu’en fin de compte, derrière le « c’était pour rire », il y a toujours des familles qui pleurent encore leurs morts. Et ça, aucun mème ne pourra jamais l’effacer.
