Vous est-il déjà arrivé de tomber sur un reportage télé qui vous fait hausser les sourcils, puis exploser de rire le lendemain en apprenant que tout était bidon ? C’est exactement ce qui s’est passé début décembre avec le journal de 20 heures d’une grande chaîne publique. Un prétendu « roi des bons plans » y expliquait tranquillement comment il faisait ses courses pour presque rien grâce à des coupons. Sauf que l’homme n’était ni chômeur, ni Arnaud Rolland… mais un humoriste bien connu des réseaux.
Un canular qui a pris tout le monde au dépourvu
Imaginez la scène : il est 20 h 37, la présentatrice lance un grand sujet sur le pouvoir d’achat et les astuces pour payer moins cher ses courses. Apparaît alors un trentenaire barbu, casquette vissée sur la tête, classeur épais sous le bras. Il se présente comme vivant avec 1 300 € d’allocations chômage et explique, très sérieusement, qu’il passe ses dimanches à découper des bons de réduction.
Le reportage le suit dans les rayons, montre ses coupons soigneusement rangés dans des pochettes plastifiées, puis à la caisse où il ne débourse que dix euros au lieu de soixante-treize. Il conclut, gilet rouge sur les épaules, qu’à la fin du mois il est largement gagnant. Tout semble authentique. Trop, peut-être.
« On a gagné le jackpot. Le fait de passer dimanche à trier, c’est là qu’on récolte le fruit de son travail. Là, je suis content »
Le faux Arnaud Rolland, dans le reportage
Le lendemain, la douche froide en direct
Le soir suivant, après vingt-quatre minutes de journal, la présentatrice reprend l’antenne, visiblement gênée. Elle présente des excuses officielles aux téléspectateurs : l’homme interviewé avait menti sur son identité. Il s’agissait en réalité d’un humoriste spécialisé dans les canulars et les caméras cachées.
Autant dire que la rédaction a pris un coup au moral. Dans un contexte déjà tendu – coupes budgétaires, alertes à la bombe, critiques politiques sur l’audiovisuel public – ce genre de mésaventure tombe au pire moment.
Mais qui est vraiment le « roi des bons plans » ?
Derrière le faux Arnaud se cache un comédien qui fait rire des centaines de milliers d’abonnés sur les réseaux. Son pseudo ? Un nom court, percutant, qu’on reconnaît immédiatement quand on fréquente un peu TikTok ou Instagram. Il a déjà fait le tour des médias avec des happenings complètement fous : sosie de star à la Fashion Week, déguisé en personnage historique sur un plateau télé en direct, livreur Uber Eats qui débarque en amphi…
Cette fois, il a poussé le vice très loin. Maquillage discret, look crédible de monsieur Tout-le-Monde, histoire bien ficelée. Résultat : il passe à l’antenne sans que personne ne tique. Le lendemain, il poste les coulisses sur ses comptes avec la légende « Je me fais passer pour le roi des bons plans au JT ». Le timing est parfait : il vient de mettre en vente les places de son premier one-man-show parisien.
Comment un tel prank a-t-il pu passer les mailles du filet ?
La question que tout le monde se pose. Dans les rédactions télé, les sujets « vie quotidienne » sont souvent préparés en vitesse. On cherche des « vrais gens », on appelle des connaissances, on accepte parfois des candidatures spontanées. Quand le profil colle parfaitement au sujet (ici : quelqu’un qui vit des bons plans), la vigilance baisse.
- Pas de vérification d’identité poussée pour un simple témoignage de rue
- Le personnage reste crédible du début à la fin
- Le sujet traite du pouvoir d’achat, thème ultra-sensible, donc priorité à l’émotion
- Le planning très serré du 20 heures laisse peu de place au doute
Résultat : le reportage diffusé tel quel. Et pourtant, quelques indices étaient là pour les plus attentifs : le classeur un peu trop parfait, le sourire en coin, les phrases presque trop bien tournées…
Les précédents couacs qui pèsent lourd
Ce n’est pas la première fois que le journal de 20 heures de cette chaîne se retrouve dans l’embarras depuis la rentrée. On se souvient de la confusion entre deux professeurs victimes d’attentats, ou encore d’une question un peu trop personnelle posée à une actrice en direct. Chaque fois, les réseaux sociaux s’enflamment, les critiques pleuvent.
Moi qui regarde régulièrement les grandes éditions, j’ai l’impression qu’il y a une forme de fatigue générale. Les équipes tournent à flux tendu, les budgets fondent, et la pression politique est maximale. Dans ce contexte, un humoriste qui passe entre les gouttes, c’est presque inévitable.
Entre rire et colère : les réactions du public
Sur les réseaux, c’est l’explosion. Certains trouvent le coup absolument génial :
« Respect, il a réussi à passer au 20h avec un faux nom, c’est historique ! »
D’autres sont beaucoup moins :
« On paye la redevance pour ça ? Vérifiez vos sources, c’est pas compliqué. »
Personnellement, je penche pour un mélange des deux. Le prank est techniquement impressionnant, presque artistique. Mais il pointe aussi une vraie fragilité du système.
Les leçon à tirer pour le journalisme télé
Cet épisode nous rappelle brutalement que même les chaînes historiques ne sont pas à l’abri des hoax. À l’heure où tout le monde parle de désinformation et de deepfakes, se faire avoir par un simple déguisement et une fausse carte d’identité, c’est rude.
Quelques pistes concrètes qui pourraient éviter ce genre de déconvenue à l’avenir :
- Vérification systématique d’une pièce d’identité pour tout témoignage filmé
- Double sourcing : ne jamais se contenter d’une seule personne sur un sujet « portrait »
- Former les journalistes aux techniques actuelles de prank (oui, ça existe)
- Prévoir un « plan B » prêt à diffuser en cas de doute de dernière minute
Parce que oui, le rire est bon enfant aujourd’hui. Mais demain, quelqu’un de mal intentionné pourrait faire bien pire.
Et l’humoriste, lui, fait salle comble
Pendant ce temps, le principal intéressé se frotte les mains. Son spectacle affiche complet pour plusieurs dates, ses abonnés explosent, et les médias people se l’arrachent. Le meilleur coup de pub de sa carrière, sans débourser un centime.
Comme quoi, parfois, le meilleur moyen de parler de soi, c’est encore de se faire passer pour quelqu’un d’autre… au journal de 20 heures.
Alors, la prochaine fois que vous verrez un « citoyen lambda » expliquer calmement comment il vit avec 300 € par mois grâce aux promos, posez-vous la question : et s’il était en train de nous jouer un tour ?
Parce qu’en 2025, la frontière entre réalité et fiction à la télé semble de plus en plus poreuse. Et franchement, c’est à la fois inquiétant… et terriblement drôle.
