Franchement, parfois, on se demande si Donald Trump ne cherche pas délibérément à mettre le feu aux poudres. Cette semaine, le président américain a encore franchi une ligne que beaucoup jugeaient déjà bien lointaine. En plein scandale de fraudes sociales dans le Minnesota, il a littéralement explosé contre la Somalie et sa diaspora aux États-Unis. Des mots crus, brutaux, qui ont immédiatement fait le tour du monde. Et moi, en suivant ça de près, je me suis dit : on est clairement face à un tournant.
Quand Trump lâche la bombe : « Leur pays est pourri »
C’était lors d’une réunion de cabinet, ces moments où les caméras tournent encore et où chaque phrase peut devenir virale en quelques minutes. Trump n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. Il a parlé de la Somalie comme d’un pays « qui ne vaut rien », où les gens « n’ont rien » et « s’entretuent ». Et d’ajouter, sans filtre : « Leur pays est pourri, nous ne voulons pas d’eux chez nous ». Boum. Le genre de phrase qui fait bondir la moitié du pays et applaudir l’autre.
« Je n’en veux pas dans notre pays. Qu’ils retournent d’où ils viennent et qu’ils règlent leurs problèmes là-bas. »
Donald Trump, réunion de cabinet, décembre 2025
Ce qui a mis le feu aux poudres ? Un énorme scandale dans le Minnesota. Plus d’un milliard de dollars détournés dans des programmes d’aide sociale, via des structures bidon qui auraient été montées par certains membres de la communauté somalienne. Pour Trump, c’est la preuve ultime que l’immigration venue de certains pays ne fonctionne pas. Point final.
Le Minnesota, laboratoire de la polémique
Le Minnesota, c’est un peu le cas d’école que la droite américaine adore sortir dès qu’on parle d’immigration. L’État abrite la plus grande communauté somalienne des États-Unis – environ 80 000 à 100 000 personnes, surtout à Minneapolis. Des réfugiés arrivés dans les années 90 et 2000, souvent via des programmes humanitaires. Beaucoup se sont intégrés, travaillent, ont monté des entreprises. Mais il y a aussi eu des ratés. Et là, le scandale des fraudes sociales a donné un argument en or à ceux qui dénoncent une « immigration non contrôlée ».
Des enquêtes ont révélé que des associations présentaient des factures pour des repas enfant qui n’ont jamais existé, des garderies fantômes, des remboursements indus. Le chiffre d’un milliard de dollars a circulé – même si certains experts trouvent ce montant exagéré. Quoi qu’il en soit, pour Trump, c’est du pain bénit. Il a ressorti une vieille statistique (fausse ou très contestée) selon laquelle 88 % des Somaliens américains vivraient des aides sociales. Et hop, le raccourci est fait : ils coûtent cher et ne rapportent rien.
Ilhan Omar dans le viseur, encore et toujours
Et puis il y a elle. Ilhan Omar. L’élue démocrate du Minnesota, née à Mogadiscio, réfugiée aux États-Unis à l’adolescence, devenue l’une des figures les plus clivantes de la politique américaine. Trump ne rate jamais une occasion de l’attaquer. Cette fois, il a été particulièrement violent : « Ilhan Omar est une ordure. Ses amis sont des ordures ». Le genre de phrase qui fait bondir même certains républicains modérés.
Pourtant, Omar n’a rien à voir directement avec le scandale des fraudes. Mais dans l’imaginaire trumpiste, elle incarne tout ce qui ne va pas : une femme voilée, progressiste, critique d’Israël, qui ose défier le pouvoir blanc traditionnel. Elle est devenue le symbole parfait pour ceux qui estiment que l’Amérique « change trop vite ».
Un contexte explosif : l’attentat de Washington
Mais il n’y a pas que le Minnesota. Quelques jours plus tôt, un suspect d’origine afghane a attaqué deux membres de la Garde nationale à Washington. Rien de mortel, mais assez grave pour relancer le débat sur la sécurité et l’immigration. Trump en a profité pour annoncer son intention de suspendre définitivement l’immigration en provenance de tous les pays du tiers-monde. Rien que ça.
Déjà, en juin dernier, son administration avait imposé des restrictions ou interdictions totales pour 19 pays, dont la Somalie. Là, il veut aller plus loin. Beaucoup plus loin. Et il le dit sans détour : « Nous sommes à un point de bascule ». Pour lui, accueillir des gens de pays « qui ne valent rien » revient à importer des problèmes.
La Somalie, un pays à la dérive depuis trente ans
Maintenant, posons les choses. La Somalie, ce n’est pas la Suisse. Loin de là. Le pays a sombré dans le chaos après la chute de Siad Barre en 1991. Guerre civile, clans, famine, pirates, Shebab… L’État central a pratiquement disparu pendant deux décennies. Aujourd’hui, il y a bien un gouvernement reconnu internationalement, mais il contrôle à peine Mogadiscio. Le reste du pays est partagé entre autorités régionales, milices et groupes terroristes.
- 70 % de la population vit dans une pauvreté extrême
- Taux d’alphabétisation parmi les plus bas du monde
- Espérance de vie autour de 55 ans
- Des centaines de milliers de déplacés internes
- Des attentats réguliers, même dans la capitale
Dire que c’est un pays en grande difficulté, ce n’est pas du racisme. C’est un constat. Mais Trump, lui, va beaucoup plus loin. Il essentialise. Il parle des Somaliens comme d’une catégorie homogène, incapable de s’intégrer, forcément porteuse de violence ou de fraude. Et c’est là que ça coince.
Racisme ou réalisme brut ? Le débat impossible
J’ai relu plusieurs fois les déclarations. Et je comprends pourquoi ça choque. Quand on dit d’un pays entier qu’il est « pourri » et que ses habitants sont des « déchets », on ne parle plus de politique migratoire. On parle de dignité humaine. D’un autre côté, ceux qui soutiennent Trump diront : il dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Que l’immigration massive venue de zones de guerre pose des problèmes réels d’intégration, de sécurité, de coût.
Et ils n’ont pas complètement tort. Il y a eu des affaires – des individus isolés, mais médiatisés – qui ont terni l’image de la communauté somalienne. Des recruteurs pour les Shebab dans les années 2010. Des affaires de mutilations génitales. Des tensions dans certaines villes. Mais est-ce représentatif des dizaines de milliers de Somaliens américains qui bossent dur, élèvent leurs enfants et paient leurs impôts ? Clairement non.
L’Amérique fracturée comme jamais
Ce qui est fascinant – et inquiétant – c’est de voir à quel point ce genre de sortie ne choque plus une partie de l’électorat. En 2016, ça aurait peut-être fait tomber un candidat. En 2025, ça fait à peine sourciller les bases républicaines. On est entré dans une ère où la franchise brutale, même quand elle flirte avec la haine, est perçue comme une qualité politique.
Et ça pose une question de fond : jusqu’où peut-on aller dans le discours public avant de basculer dans quelque chose de dangereux ? Quand on traite des êtres humains de « déchets », même en parlant d’immigration, on normalise un vocabulaire qui, historiquement, a souvent précédé le pire.
Et maintenant ? Vers une fermeture totale ?
Concrètement, Trump a le pouvoir de durcir encore les règles. Il l’a déjà fait. Les restrictions sur 19 pays sont toujours en place. Un nouvel executive order pourrait étendre ça à des dizaines d’autres États. Voire suspendre totalement certains programmes humanitaires. Ce ne serait pas la première fois.
Mais il y aura de la résistance. Les démocrates, les associations, certaines entreprises qui ont besoin de main-d’œuvre, et même une partie des républicains modérés. Sans parler des tribunaux, qui ont souvent bloqué les mesures les plus extrêmes lors de son premier mandat.
Une chose est sûre : cette polémique n’est pas prête de s’éteindre. Elle va nourrir les débats jusqu’aux midterms de 2026, voire au-delà. Et elle dit beaucoup, beaucoup de choses sur l’état de l’Amérique aujourd’hui. Un pays riche, puissant, mais profondément divisé sur la question de savoir qui a le droit d’en faire partie.
Perso, je trouve ça à la fois fascinant et glaçant. Parce que derrière les mots crus, il y a des vies. Des gens qui ont fui l’enfer, qui ont tout recommencé à zéro, et qui se retrouvent pointés du doigt comme des boucs émissaires. L’histoire nous a appris où ça peut mener quand on commence à parler des autres comme d’une menace existentielle.
Et vous, vous en pensez quoi ? Trump dit-il la vérité qu’on n’ose pas dire, ou franchit-il une ligne rouge définitive ? Le débat est ouvert. Et il risque de durer longtemps.
